Le chef central de Duekoué en Côte d’Ivoire « refuse » l’installation dans leurs villages des occupants du Mt. Peko

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2e de la gauche

Par Serge Alain Koffi

Le chef central de Duékoué, François Bah Tahé affirme que les populations autochtones « ont peur » de ceux qui occupent le mont Péko et qu’elles « refusent qu’ils s’installent » dans leurs villages, souhaitant que les autorités ivoiriennes rendent publics les résultats de l’autopsie des corps retirés des puits après les événements de Nahibly, dans une interview accordée à ALERTE INFO.

Duekoué a connu des évènements tragiques ces trois dernières années. Aujourd’hui comment se passe la réconciliation entre les autochtones Gueré et les allogènes ?

Je voudrais dire que la réconciliation est une affaire très difficile mais on s’efforce d’y aller parce qu’on ne peut pas être éternellement figé sur une position. Nous ne pouvons qu’aller à la réconciliation aujourd’hui, pour nos enfants et nos petits-enfants demain.

Il nous faut penser à l’avenir de ceux qui vont nous suivre pour revenir à la raison et aller à la réconciliation, bon gré mal gré. Sans quoi, vous ne pouvez pas croire que celui qui a perdu son père, son enfant, va aller de bon cœur à la réconciliation. Il y va parce qu’il pense à sa postérité.

Il y a aussi les problèmes fonciers dans cette région, que faut-il faire pour les résoudre définitivement ?

Je n’ai pas l’intention d’accuser nos représentants à l’hémicycle, je ne dirai pas que c’est par leur faute que nous avons connu ces évènements, mais je voudrais dire que si la loi sur le foncier de 1998 avait été vulgarisée, expliquée à tous les parents, cela aurait permis d’éviter beaucoup de choses.

C’est en pleine crise que des ONG sont venues nous expliquer le bien-fondé de cette loi. Puisque les villageois ne savaient pas les conséquences de ce qu’ils faisaient. Alors que si on avait la loi, on aurait pu éviter cette situation qui est arrivée. Le Guéré, au départ, ne vendait pas la terre. Il le donnait à son ami quelconque qui venait le voir afin de lui permettre de cultiver du vivier et nourrir sa famille. Il pouvait arriver que cet ami à force de vivre avec lui et le voyant cultiver le café ou le cacao, s’y mettait aussi.

Aujourd’hui la forêt n’existe plus. Les jachères n’existent plus. Et la population a augmenté. Et c’est cela qui est à l’origine des palabres. Pendant la rébellion, il y a des gens qui vivaient avec nous et à qui on a cédé des parcelles et qui ont voulu profiter de cette situation malheureuse pour faire disparaitre les tuteurs afin d’être les propriétaires des terres qui leur ont été prêtées. Voilà le problème.

On nous a dit les gens sont désarmés mais nous n’y croyions pas. Nous avons vu circuler pendant plusieurs mois durant des dozos armés. Ce sont eux qui occupent désormais les plantations. Ce sont eux les patrons. Nous sommes faibles, nous observons et nous ne pouvons pas nous exprimer parce que nous craignons la résurgence des violences qui nous ont contraints à prendre la fuite pour quitter nos villages.

Que faut-il faire pour résoudre définitivement ce problème

Dès que le certificat foncier a été annoncé, on a poussé un ouf ! de soulagement. Au moment où le président de la République a permis au Programme d’assistance post-crise (PAPC) de refaire les villages, cela a permis à cinq villages d’obtenir près de 250 titres fonciers de manière gratuite. Or dès que vous avez votre titre foncier même après vous, votre terre est sécurisée et personne ne peut vous la prendre.

Ce qui voudrait dire que celui qui a un titre foncier, c’est à lui qu’appartient la place, on ne peut pas faire autrement. Mais à priori, les autorités ne devraient aucunement donner le certificat foncier à ceux à qui nous avons prêté ou céder des parcelles pour les aider à se nourrir. Nous sommes les tuteurs, ils peuvent occuper les parcelles et faire un bail emphytéotique pour leur permettre de récupérer leur investissement s’ils ont donné une contrepartie au tuteur, mais ils devraient, à la fin, remettre la forêt au propriétaire légitime.

Mais malheureusement, le bail n’a pas été signé et nous nous trouvons dans une situation difficile où parmi les cinquante certificats fonciers, on donne une trentaine aux propriétaires villageois et vingt à ceux à qui exploitent ces parcelles sans en être les propriétaires. Nous osons croire que ça va changer puisque nos enfants ne sont peut-être pas là aujourd’hui, mais ils viendront demain. Il serait dommageable qu’ils trouvent des étrangers en possession des terres de leurs ancêtres avec un certificat foncier. Les autorités devraient aider à ce que les palabres puissent diminuer afin qu’on se comprenne.

Quelles sont vos attentes après le drame de Nahibly ?

Nous n’avions pas pensé un seul instant que Nahibly connaitrait un sort tel qu’on l’a vu. L’attaque n’a pas eu lieu la nuit, mais en pleine journée. Quand nous avons vu que ceux sur qui nous comptions pour nous protéger étaient à la porte, nous avons dit que c’est un scénario qui a été bien monté pour nous faire disparaitre de la terre. Mais Dieu aidant, les Guéré survivront parce que nous ne pouvons pas disparaitre de cette surface.

Nahibly ne sera pas facile à oublier. C’est un drame qui a été orchestré et organisé. C’est comme si tout était prévu pour qu’il n’y ait plus de Guéré sur la terre mais hélas il y aura toujours des Guérés. Nous comptons sur le président de la République pour que justice soit faite. Nous ne voulons pas de l’argent qui ne peut pas remplacer une vie humaine. Nous voulons qu’il fasse en sorte que les enquêtes aboutissent pour que ceux qui ont commis ces crimes soient punis afin que les cœurs soient apaisés. Tout le monde sait que les FRCI étaient impliqués.

Après les évènements, nous avons repêché 6 corps dans des puits. Ces corps ont été acheminés à Abidjan pour autopsie. Mais jusqu’à présent, les corps se trouvent encore à Abidjan. Et on n’en a aucune nouvelle. Comment voulez-vous que la paix soit réelle et définitive, quand on garde ces dépouilles et les résultats des autopsies ? Qu’on nous fasse venir les résultats des autopsies. Comment on peut croire à une enquête ?

Qu’est ce qui peut être fait pour régler la situation du mont Peko où de nombreux planteurs guérés ont été expropriés de leurs plantations ?

Le mont Peko est occupé par les burkinabés qui, avant de s’y installer n’ont pas considéré les riverains et le peuple guéré. C’est de force qu’ils y sont allés. C’est après que nous avons constaté qu’ils sont lourdement armés. Ce que nous ne comprenons pas, c’est le gouvernement qui a décidé aujourd’hui de les faire sortir de mont Peko. Si cela se faisait, ce serait un grand soulagement pour le peuple wê. Mais là où il y a le hic, c’est où installer toute cette population à déguerpir.

On décide de les faire sortir et on n’associe pas les chefs cantons que nous sommes, on n’associe pas nos cadres ni nos représentants. Et nous apprenons qu’il faut les faire sortir et leur trouver un emplacement, un site transitoire mais où ? Ils sont près de 33.000. Un village Gueré aujourd’hui, si on est trop nombreux, nous sommes 500. A combien doit-on diviser 33.000 pour donner un quota à chaque village ? Mais mieux, nous refusons qu’ils s’installent comme ça, parce que nous avons peur d’eux. Ils faisaient partie de ceux qui nous ont décimés. Nous pensons que les villages Guérés vont être pratiquement des villages burkinabés. Et nous allons disparaitre de notre propre surface. C’est pourquoi nous demandons au gouvernement de les ramener paisiblement dans leur pays d’origine où ils peuvent aller s’installer. C’est ce que nous voulons.

SKO/GBK

Avec Alerte-info.net

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