Côte-d’Ivoire à la rencontre de la Diaspora – Marnix Mantho « l’Emergence ne se décrète pas, ni ne se proclame »

marnix

Fidèle Manix MANTHO. Un agent de développement et homme politique ivoirien résidant en Angleterre.

AFRICA LEADERS: Bonjour à vous Mr. Merci de vous présenter à nos lecteurs.

FIDELE MANIX MANTHO: Merci a vous de nous prêter votre tribune. Je suis Fidèle Manix Mantho, je réside en Angleterre depuis pratiquement deux décennies et je suis un agent de développement et homme politique.

AFRICA LEADERS: Monsieur, vous êtes ici en Europe alors pourrait-on savoir comment vous y êtes arrivé ?

FIDELE MANIX MANTHO: Comme beaucoup de mes camarades fescistes des années 90, j’ai dû fuir la répression estudiantine pour sauver ma vie. Il faut dire que j’étais le secrétaire général de la Fesci, section de Williams ville et membre du collectif des responsables de sections et cet activisme militant, malgré la proximité avec le camp de police CRS, m’a valu les affreuses arrestations et de détentions déjà. Mais c’est surtout après la 1ere grève de la faim de l’histoire de notre jeune pays en 1993, et un kidnapping collectif en Mai 94, qui nous a fallu d’être dans le collimateur du ministre Ouassenan KONE et de sa police, que l’idée de l’exil a pris corps, pour finalement nous faire quitter le pays.

AFRICA LEADERS : Et que faites ici exactement ?

FIDELE MANIX MANTHO : Je suis diplômé de la prestigieuse London Middlesex Université, avec un master degree en Développement du Tiers et Environnement. Je suis urbaniste avec une spécialisation en Génie environnemental et Directeur de Mbass groupe, une société de consultance en Développement, urbanisme et d’audit environnemental.

AFRICA LEADERS : Quels sont vos rapports avec les autres qui vivent ici ?

FIDELE MANIX MANTHO Je puis vous rassurer que les rapports sont restés très fraternels avec les autres camarades, ceux qui résident en Angleterre et même avec ceux des autres pays européens, notamment de l’Allemagne, du Danemark, du Luxembourg, de la France, et la Belgique en accord avec l’appellation “parent” que nous nous sommes librement donnée aux heures chaudes de la lutte. Cette appellation et les valeurs contenues dans cette notion ont survécues au temps et à l’espace. Ceci dit, on se voit et nous nous rencontrons très souvent quand les circonstances l’exigent.

AFRICA LEADERS: Pensez-vous un jour vous installer en Afrique ?

FIDELE MANIX MANTHO: La question du retour est une question primordiale et essentielle pour tout immigré. Cependant, la réponse varie selon les ambitions et les priorités des personnes concernées. Pour ma part, la question ne se pose pas en termes de conditionnalité, mais plutôt en termes de programmation temporelle. Il y a une expression Anglaise qui dit: “ There is no place like home”. Même ceux qui ne pensent pas à un retour, ont le mal du pays, a plus forte raison nous qui y avons des affaires et des intérêts divers. Nous sommes présents sur le terrain avec notre âme.

AFRICA LEADERS : De loin, comment analysez-vous les difficultés et les crises qui minent l’Afrique ?

FIDELE MANIX MANTHO: Toutes les crises que vit l’Afrique nous affectent tout autant que nos parents qui vivent au pays. Je peux même vous dire qu’en dehors du lourd tribut en pertes humaines payée par nos familles sur place, la diaspora souffre doublement non seulement de l’éloignement, mais aussi du support et autres soutiens de tous genres apportés aux familles sur place, en temps de paix, comme en période de crises. Pour l’analyse, je dirai que toutes les difficultés de beaucoup de pays africains dont la Côte d’Ivoire, découlent d’un déficit de bonne gouvernance et de l’inadéquation des modèles économiques mis en place dans un style “copier-coller”. Les crises qui en résultent sont nombreuses; qu’elles soient sociales, alimentaires, sécuritaires, ou économiques, toutes ces crises sont structurelles et je peux sans grand risque de me tromper, dire que ces crises sont pour la plupart indépendantes de la crise globale mondiale.

Les pays africains dans ce siècle digital, sont encore restés figer dans des économies de rente non mécanisées et mal adaptées, encore a la merci des marchés. Ce qui a pour conséquence, la paupérisation du peuple pendant que les gouvernements affichent de façon éhontée des croissances exponentielles à faire rougir les pays industrialisés. L’Afrique regorge de nombreuses ressources très convoitées, telles que les hydrocarbures et autres biodiversités, mais peine encore à prendre son essor. On parle d’émergence partout comme un crédo magique; mais on ne devient pas émergent par déclaration, ou par proclamation! Il faut une adéquation entre productivité, transformation, donc industrialisation, commercialisation et distribution équitable des revenus dans la population. Pour réussir cela une faut créer un tissu industriel, performant, compétitive en adéquation avec l’agriculture, et les autres ressources du pays. Dans les années 80, il y avait un slogan à télévision qui disait en substance: ”le succès de ce pays, repose sur l’agriculture” Que gagnent les agriculteurs du succès qu’ils créent? Ils sont les oubliés du développement, tout comme la majorité des populations. Le développement doit être au service du citoyen. En clair, si les effets des croissances à 2 chiffres ne se ressentent pas chez le paysan, et la ménagère par une nette amélioration de leur indice de développement humain, alors c’est une croissance virtuelle qui ne sert que les institutions financières internationales et non le peuple. Autant le citoyen est au service de l’économie, autant la croissance doit soutenir le social.

AFRICA LEADERS: Vous étiez candidat à la marie de Dabou, alors que vous résidez loin, comment expliquez-vous cela ?

FIDELE MANIX MANTHO: Notre candidature aux municipales à la mairie de Dabou répondait à une double volonté: d’abord le désir de servir notre ville et ses populations en mettant notre expertise, notre dynamisme et notre expérience au service du développement en tant que spécialiste, mais aussi par devoir de donner quelque chose en retour à cette ville qui m’a vu naître et a été à la base de mon éducation. A l’ère digitale et technologique, la distance n’est pas forcément un handicap et puis notre présence à Dabou auprès de nos parents et des populations, est visible par nos actions. C’est d’ailleurs pour répondre à leur appel, que cette candidature a été suscitée pour rompre avec la féodalité de gestion, de l’une des premières villes modernes de Côte d’Ivoire qu’est Dabou.

AFRICA LEADERS: Les élections de 2015 dans votre pays et la candidature unique de Ouattara, qu’en dites-vous ?

FIDELE MANIX MANTHO: Les élections de 2015 et la candidature unique de Ouattara, pour moi n’est pas à l’ordre du jour. Le président Ouattara et ses alliés que sont le PDCI, l’UDPCI, le MFA, et l’UPCI sont dans une alliance qu’est le RHDP. Déjà en 2010, au 1er tour, ils sont allés en solitaire, chacun avec sa chapelle avant de se liguer et faire bloc contre le président Gbagbo au 2e tour, donc ils feront ce qui leur semble bénéfique, mais je pense que les populations ont leurs problèmes et si Ouattara est l’un de ses problèmes et non la solution, ils prendront leurs responsabilités devant l’histoire.
AFRICA LEADERS : Que pensez-vous de la réconciliation dans votre pays ?

FIDELE MANIX MANTHO: La réconciliation en Côte d’Ivoire reste malheureusement encore un problème tout entier. C’est un processus qui doit normalement être inclusif. Il ya une crise qui a opposé deux parties; il est impératif d’inclure les protagonistes pour une veritable réconciliation. Il faut être deux pour se réconcilier. Même psychologiquement pour se réconcilier avec soi-même, il faut au préalable, s’être pardonné soi-même, avoir pardonné à son adversaire, et évacué certaines rancunes pour finalement, s’asseoir sous l’arbre à palabres, comme au village pour évacuer le différend dans la justice et la vérité. Le constat malheureusement, est que ce n’est pas ce qui se fait avec la CDVR. Je crains pour la réussite de sa mission. La réconciliation, c’est un état d’esprit, ça doit être une démarche, un comportement. Les dirigeants doivent s’y investir.

AFRICA LEADERS: Pourrait-on encore vous recevoir à Dabou pour un autre défi ?

FIDELE MANIX MANTHO: Les défis sont permanents et notre génération doit se dédouaner et s’affranchir de la tutelle des aînés et tracer une nouvelle voie, celle de la Côte d’Ivoire de demain, digne, travailleuse, compétente et fière dans le concert des nations. Nous avons en ce qui nous concerne déjà mis le pied dans la mare, et sommes présents sur le terrain. Déjà aux élections passées, nous avions pour slogan,” allons a l’essentiel” pour le bien être social et le développement de Dabnou. Jamais je ne tournerai le dos à mon devoir, celui d’apporter ma contribution à l’essor et à l’épanouissement de ma région et partant de mon pays en apportant des solutions idoines aux problèmes sociaux et de développement que vivent les populations.

AFRICA LEADERS : Merci de tirez la conclusion de cet entretien que vous avez bien voulu nous accorder ?

FIDELE MANIX MANTHO: C’est à vous que je remercie de l’opportunité que vous nous accordée, de nous adresser a la jeunesse africaine. Le nom de votre groupe de médias AFRICA LEADERS, est très révélateur. l’Afrique regorge des jeunes talents dans tous les domaines, dissémines dans la diaspora, aux quatre coins du monde. Au moment où nos pays fêtent plus d’un demi-siècle de reconnaissance internationale, nos indépendances sont encore au stade de manuscrits dans les armoiries de nos républiques. Notre combat actuel est de gagner la bataille de l’indépendance véritable, si nous voulons être des pays émergents. Je lance donc un plaidoyer à nos gouvernements de ne pas abandonner les compétences nationales au profit d’expatriés. Et j’invite par ailleurs la jeunesse ivoirienne et africaine à saisir sa chance et de jouer son rôle de catalyseur de développement, par une révolution de mentalité qui accompagnera le transfert de nos compétences sur le continent, car en chacun de nous, sommeille un leader de l’Afrique de demain.

MONOKO N.TOALY (AFRICA LEADERS)

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