Les partis politiques en Côte-d’Ivoire ont-ils bien compris l’alarme de la Grande Chancelière, Dagri Diabaté ?

-henriette-diabate

K. DAPA Donacien Chroniqueur Indépendant
dapadonacien@yahoo.fr

Elections de 2015: une aventure à hauts risque et à dangers réels. Henriette Diabaté, la mythique gardienne de la case du RDR, sonne l’alarme et prévient…
Celle que l’on pourrait qualifier de carte-mémoire du RDR ou de Gardienne de la case RDR, La Grande Chancelière, le Pr Henriette Dagri Diabaté, a saisi la solennité et la tribune de la cérémonie officielle de commémoration de la fête d’Indépendance pour interpeller poliment en direct la Nation tout entière, sous-couvert du Président Alassane Ouattara, et, dans un franc-parler empreint d’une élégance langagière digne de la collaboratrice du Fama Djéni Kobina. Et pour raison : l’urgente et préalable nécessité d’un consensus politique avant la tenue des prochaines élections présidentielles, supposées théoriquement se tenir en octobre 2015, c’est à dire seulement dans 12 mois et quelques semaines de préparation.
Le faisant, la Chancelière, ne prend-t-elle pas elle-même à témoin la communauté nationale et internationale pour ainsi désavouer ceux qui pousseraient le pdt Ouattara à organiser « à la va-vite » une élection présidentielle catastrophique, exactement dans les mêmes conditions que Laurent Gbagbo les a organisées, en 2010?

Autant Laurent Gbagbo avait cédé à la pression du diplomate Young Jin Choi (représentant du SG de l’ONU) en 2010, en organisant une élection approximative dans les conditions que l’on sait, autant le président Alassane Ouattara est sous forte pression actuellement de madame Aïchatou Mindaoudou (remplaçant de Young Jin Choi), qui ne se cache pas de revendiquer la paternité du timing de mise en place de la présente CEI et de l’ensemble du chronogramme au pas de course.

Cela est bon à relever à l’attention de ceux de nos compatriotes qui ne le sauraient pas. La Communauté internationale tient à tout prix à la tenue de la présidentielle en 2015, peu importe l’issue.

Dans ces conditions, l’embarras d’Alassane Ouattara de devoir demander un report nécessaire à la bonne préparation desdites élections est bien perceptible. Comment s’y prendre pour demander un sage et raisonnable report de l’élection présidentielle sans donner l’image de quelqu’un qui s’accrocherait au pouvoir aux yeux de la communauté internationale?

L’équation est difficile à résoudre de sorte qu’il ne faut pas s’attendre à ce que le successeur de Laurent Gbagbo en prenne directement l’initiative tout seul sans l’implication de l’ensemble des partis de l’opposition significative.

Dès lors, il appartient aux acteurs ivoiriens favorables à un report de le signifier très clairement et fermement à la communauté internationale à travers Madame Aïchatou Mindaoudou.

Sans être dans le parfait secret des dieux, il ne serait pas erroné de penser qu’Henriette Diabaté a lancé un ballon d’essai en toute solennité le 7 août dernier, depuis la tribune des festivités officielles et commémoratives de l’indépendance.

«Nous Ivoiriens, nous savons pour avoir vécu, que depuis 2000, pour diverses raisons, les élections n’ont pas aidé à construire le consensus. Au contraire, elles sont apparues comme des moments de grandes angoisses et notre pays a souffert le martyr, » a martelé la Grande Chancelière, sans doute à l’endroit de la Communauté internationale, avant de proposer sa démarche.

«Monsieur Alassane Ouattara, en votre qualité de président de la république et donc de Président de tous les ivoiriens, je vous encourage à poursuivre le dialogue institutionnel et direct avec les différents acteurs politiques pour, encore et encore, les entendre et adopter le cas échéant, toutes mesures raisonnables et légitimes pour un meilleur apaisement des cœurs et des esprits. Je vous le demande, parce que je vous sais un homme d’écoute et de dialogue. Je vous le demande, pour que vous puissiez prendre la Nation à témoin».

Si à première lecture, l’intervention de la Chancelière pourrait ressembler au contrepied du discours du Président Ouattara la veille, dans lequel il se montrait intransigeant sur la tenue de l’élection à la date initiale, ce serait cependant faire une analyse superficielle pour en déduire que les deux personnalités seraient en déphasage. Alassane Ouattara est politique et la Grande Chancelière ne l’est pas moins.

Nous pensons que c’est un jeu de rôle savamment orchestré, qui a consisté à afficher clairement à tous la bonne volonté du chef de l’état à tenir les élections à la date constitutionnelle puis, dans le même temps , démontrer les raisons légitimes et objectives qui font obstacle au respect de ce calendrier électoral.

Si « le manque de courage » de Laurent Gbagbo face à l’intenable pression diplomatique nous a coûté une guerre, alors que le contexte présageait un ciel nuageux, nous devons en tirer les leçons et armer de courage Alassane Ouattara à convaincre la communauté internationale de la quasi impossibilité à organiser une élection présidentielle en 2015, à moins de vouloir conduire les populations à l’abattoir.
Tout près de nous, c’est vrai que poussé par la communauté internationale, le Mali a organisé des élections et s’est doté d’un président. Mais le nord Mali n’a pas pour autant retrouvé la paix. Au contraire, la désintégration sur fond ethnique s’est empirée à en croire une très récente déclaration datée du 24 aout 2014 de M. Ahmed Mohamed ag Hamani, ancien Premier ministre malien :
« Nous sommes contre la création des milices ethniques armées qui risquent de compliquer davantage les problèmes, et de nous conduire infailliblement, si des dispositions ne sont pas prises – c’est-à-dire leur démantèlement et leur désarmement-, vers une guerre civile dans ce pays. Je ne le souhaite pas, je touche du bois pour le Mali ».
N’est-il pas surprenant de sortir d’une élection hyper quadrillée et surveillée par la communauté internationale puis de redouter deux ans après, la menace d’une guerre civile due à la multiplication des milices sur fond ethnique ?
Pour ceux qui pousseraient le Président de la République à faire des élections à la va-vite, qu’ils ne s’attendent pas à un scénario différent du cas malien. Il va falloir que le président ne se laisse pas prendre au piège.
Après tout, ce sont les ivoiriens qui seront comptables de ce qui adviendrait et non Madame Mindaoudou, encore moins la communauté internationale.
C’est cette convergence de vue et cette complicité entre le Président de la République et la Grande Chancelière, qui a permis sans doute à Madame Diabaté, l’unique oratrice de la cérémonie (hormis la représentante des récipiendaires) de conclure par une formule très forte :
 » La cause de la nation dépasse les adversités des Ivoiriens et exige de tous, modestie, intelligence et sagesse. »

Pour nous, la modestie, l’intelligence et la sagesse auxquelles fait allusion le Grand Chancelier
(l’autorité morale mieux écoutée que la CDVR) renvoient au nécessaire report de la présidentielle de 2015 à une date qui ne saurait dépasser 18 mois de transition politique (par exemple), à compter d’octobre 2015. La transition servirait à aplanir les divergences et à adopter une constitution respectable et respectée de tous et qui pourrait résister au temps à l’image de la Constitution américaine. Adoptée le 17 septembre 1787 par une convention réunie à Philadelphie, elle s’applique depuis le 4 mars 1789.

Entretenir « un fétichisme de date » (le mot est Guillaume Soro) autour d’octobre 2015, c’est courir le risque d’installer la Côte d’Ivoire dans une instabilité chronique à l’image de la RDC qui sombre chaque jour un peu plus dans la violence chronique, malgré la réélection du Pdt Kabila, ou de la Lybie-post Kadhafi, déjà désertée par le personnel de la communauté internationale, parce qu’à feu et à sang.

L’opposition saurait-elle saisir cette lucarne qu’ouvre à leur intention l’autorité morale du RDR ?

Pour notre part, nous pensons qu’il y’a pas d’alternative viable à la voie réaliste suggérée par la Chancelière Henriette Dagri Diabaté, une femme de mesure, parce qu’avant tout, mère, à la fois au sens propre et au sens figuré du terme.

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