Martine Kei Kao aux Wê de l’Amérique du nord «le peuple Wê est en danger» en Côte-d’Ivoire

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Mme Martine Kei Vao, Président de l’ARDEF-E, vient d’une tournée Nord-Américaine qui l’a conduite au Canada, notamment à Ottawa la Capitale Fédérale, aux USA, dans les villes de New York et Washington (DC). Dans cette interview, elle nous parle de son Organisation, nous donne les grandes lignes de ses différentes rencontres, parle de la réconciliation en Côte d’Ivoire, de ses projets à venir et lance un appel à ses frères et sœurs Wê de l’Amérique du Nord.

1) Mme Kei Vao, parlez-nous s’il vous plaît un peu de vous et de votre organisation

Je suis Martine KEI VAO, originaire des deux cantons que compose le département de Duékoué (Guémon). Je suis Responsable dans un service de comptabilité et Finances depuis une vingtaine d’années à Paris. Je dirige depuis 4 ans L’ARDEF-E, une Association créée depuis Février 2010 par les Ressortissants de Duékoué vivant en France pour venir en aide aux populations (traumatisées de l’Ouest ivoirien), sans distinction de nationalité, d’ethnie ou d’appartenance politique. Au départ, cette cohésion s’effectuait entre les femmes dudit département en France au sein de l’Ong « Cri de Cœur ». Compte tenu des actions que nous avions menées sur le terrain conformément aux objectifs de l’Association, nous avions décidé d’y inclure les hommes, afin de conjuguer ensembles nos efforts pour le bien-être des nôtres.

Ainsi, suites aux élections de Février 2010, j’ai été portée à la tête de cette Organisation qu’est l’ARDEF-E avec un mandat d’une durée de 3 ans, renouvelable une fois. Je suis également chargée du dossier du génocide des Wê à la CPI.

2) Pouvez-vous nous donner, les raisons qui ont motivé votre présence en Amérique du Nord, notamment aux USA et au Canada?

Je suis allée en Amérique du Nord pour sensibiliser mes frères et sœurs Wê sur le bien-fondé de rechercher le triomphe de la vérité par rapport aux différents crimes qui ont été commis durant les crises pré et post-électorales sur nos populations dans l’Ouest de la Côte d’ivoire. Et ce depuis 2002 à aujourd’hui. J’estime que la recherche de la justice doit faire partie intégrante de l’accomplissement des responsabilités de toute Association Wê.

Car, malgré les promesses de justice du gouvernement Ouattara, installé au pouvoir depuis le 11 avril 2011, les massacres et expropriations des terres que subissent les Wê n’ont donné lieu à aucune enquête. C’est en cela que nous avions décidé de prendre notre destin en main. Le peuple Wê est en danger. Il est important de mener des actions judiciaires partout dans nos pays d’accueil afin que des enquêtes soient diligentées et que justice nous soit rendue un jour. Personne d’autre ne viendra faire ce travail à notre place.

Dans mes tournées de sensibilisation, je recherche des personnes de bonne volonté parmi nos frères et sœurs pour me rejoindre dans mes actions afin que nous formions un groupe de pression pour défendre nos droits. À cet effet, au Canada, j’ai rencontré des Wê notamment à Ottawa la capitale fédérale, j’ai eu des séances de travail au téléphone avec certains qui n’étaient pas sur place.

Aux USA également, j’ai beaucoup travaillé avec les Wê de New York, ceux de Washington (dc), de Chicago et de Boston tout en ayant le privilège d’avoir été à plusieurs reprises l’invitée de :

«The JACQUESROGERSHOW», qui est une émission interactive de débats en direct.

3) Où en êtes-vous avec le dossier de Nahibly?

L’enquête, du moins la soi-disant enquête ouverte sur les événements de Nahibly est toujours sans suite. Le régime dans une tentative de camouflage grossier a donné corps à un projet immobilier sur le site même du pogrom ou génocide Wè à Nahibly pour effacer des mémoires collectives ses balafres et cela, avec la complicité de certains fils Wê. Il ne reste au peuple que la vie, la parole et la terre malgré l’occupation illégale et abusive de nos terres ancestrales comme moyens de résistance face à la barbarie des « démocrates et républicains » de l’âge de la pierre taillée qui dialoguent avec des amulettes, des gourdins et des armes pour faire taire les journaux et les libertés publiques. Comme une goutte d’eau, à force de tomber sur la roche, elle finit par avoir raison d’elle. Aussi, n’oubliez surtout pas que la pensée africaine souligne bien que, tant qu’il y a la marche, les bras ne s’arrêtent pas de balancer.

4) Ne pensez-vous pas que vos actions pourraient poser un obstacle à la réconciliation en Côte d’Ivoire notamment en pays wê?

Je tiens à souligner ici que, Le projet de réconciliation en Côte d’Ivoire est une utopie sous le gouvernement de Mr Dramane Ouattara. N’est-ce pas ce même gouvernement qui a donné le ton en transférant l’ancien Président Laurent Gbagbo et son Ministre Charles Blé Goudé à la Haye alors que la Commission Dialogue, Vérité et réconciliation avait déjà entamé ses travaux? Et S.E.M. Terence P. McCulley, le nouvel Ambassadeur des USA en Côte d’Ivoire avait clairement dit lorsqu’il était l’invité des rédactions de Fraternité Matin en janvier 2014 dernier, que son pays mettait l’accent sur une justice équitable de sorte que tous les crimes qui ont été commis tout au long de la crise soient punis. Il a ensuite rajouté que ceux qui avaient perpétué des actes répréhensibles devraient être traduits devant la justice.
Alors je ne vois pas pourquoi les criminels du peuple Wê ne seraient pas concernés par ces mesures? Nous avons et continuons de payer le lourd tribut de cette guerre. Des crimes gravissimes ont été commis sur nos populations.
Il faudrait aussi noter que les populations ivoiriennes sont pour la plupart exilées, emprisonnées, expropriées de leurs terres, les rescapés ont tout perdu. Et malgré le retrait d’Amadé Ouremi le bourreau du Mont Peko, dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, l’insécurité laisse toujours à désirer. La question du foncier, source des conflits demeure toujours. Tous ces paramètres sont à prendre en considération avant d’aller à une réconciliation sincère en Côte d’ivoire. L’ARDEF-E dont Je suis la Présidente, ne ferme nullement la porte à une possible réconciliation, mais qu’elle se fasse dans les normes. Il faudrait que justice soit rendue. Poursuivre et condamner tous les auteurs de crimes et sévisses sexuelles sur les populations afin de prévenir tout récidive. Restituer les biens et les terres des populations dépossédées. Voici nos conditions.

5) Des projets en vus?

Oui bien sûr! Lors de mon passage en Amérique du Nord j’ai eu plusieurs conseils, suggestions et bonnes idées de mes frères et sœurs. Que ce soient ceux des USA ou du Canada. Nous envisageons de mettre une ONG sur pied dans ces deux grands pays afin de pouvoir mieux mener nos actions sur le terrain. Cette organisation coordonnera ses activités avec ceux de l’ARDEF-E. Au Canada par exemple pour être mieux vu, il faudrait être légalement constitué au fédéral comme au provincial pour pouvoir demander un numéro de charité qui permettra de faire facilement des collectes de fonds auprès de n’importe quelle entreprise et philanthrope. Aux USA également nous devrions être dûment enregistrés pour prétendre être international. Dès mon retour en France je convoquerai une assemblée générale avec les membres de l’ARDEF-E pour mieux élaborer sur ces sujets. Et notre service de communication sera en parti basé en Amérique du Nord avec désormais pour partenaire : « la Radio 2050 Jacques Roger show » qui est beaucoup écoutée aux USA et dans le monde surtout par des intellectuels africains. Je suis satisfaite de cette tournée et j’ai la ferme impression que l’avenir nous réserve des jours meilleurs.

6) Quel est votre message à vos frères et sœurs Wê de l’Amérique du Nord?

Mon séjour a été très agréable en Amérique du nord. J’ai senti une grande motivation de certains frères et sœurs. Mais il n’en demeure pas moins que ma grande déception a été de constater que la direction de la Fédération des Wê de l’Amérique du Nord est restée de marbre face à la main que je leur ai tendue pour joindre le combat de l’éclatement de la vérité. Toutes mes démarches pour discuter avec cette direction sont restées vaines parce que selon le nouveau bureau, mon combat pour la justice et la liberté du peuple Wê ne va pas dans le sens des objectifs de leur organisation. J’ai même été traitée d’activiste dangereuse qui dérange le pouvoir en place avec ma plainte déposée à la CPI par rapport aux crimes commis en pays Wê.

Mais, je dois reconnaître que certains frères et certaines sœurs Wê qui se reconnaissent dans notre lutte ont compris le sens de mon combat et ont vite mis sur pied à la veille de mon départ un comité pour soutenir mes actions afin de continuer de lutter ensembles. Leur geste m’a beaucoup touché et je voudrais profiter de l’occasion qui m’est donnée pour les remercier, je leur demande d’être soudés tout en restant mobilisés. Mes remerciements vont également à Mr Jonas Taye de New York, au Doyen Joseph Gaye de Chicago, au Président des Wê de Boston mon frère Jean Monsio, au Représentant du FPI du Canada Mr Victor Yro Djiezion, son épouse et à toute la communauté Wê du Canada, sans oublier bien sûr Mr Jacques Roger animateur de la célèbre émission interactive de débats en direct : «The JACQUESROGERSHOW», ainsi que tous ses auditeurs ivoiriens, africains, ainsi que les autres amis de la Côte d’Ivoire. Je ne saurai terminer sans faire un clin d’œil à mes frères et sœurs membres de l’ADERF-E qui me font entièrement confiance et me soutiennent dans toutes mes actions.

Aux autres frères et sœurs Wê qui sont réticents ou hésitent à épouser la cause de ce noble combat, je continuerai de leur tendre la main. Je voudrais leur dire que, pour garantir la circulation sécuritaire des biens et des personnes, nous devons défendre et protéger nos intérêts. Et sans le triomphe de la justice, nous ne pourrions nullement amorcer en toute sécurité le développement dans nos régions.

Interview réalisée par Nathalie A. Zemgbo, Ottawa.

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