Quelles conditions pour une paix durable en Côte-d’Ivoire ?

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Les différentes crises qui ont secoué la Côte d’Ivoire ces dernières années ont fini de convaincre plus d’un sur le fait que la paix est un bien très précieux pour toute nation. Cela impose à chacun, dans ses actes de tous les jours, d’œuvrer à sa construction puis à sa consolidation et à sa préservation. Malheureusement, les comportements de ces derniers temps risquent, si l’on n’y prend garde, de la mettre en péril.

I- DES RAPPORTS ENTRE LE POUVOIR ET L’OPPOSITION

Les mésententes entre le pouvoir et l’opposition ont conduit à une radicalisation des positions dont les conséquences les plus graves ont été le boycott du recensement général de la population et de l’habitat (RGPH) de même que la rupture du dialogue et le refus de l’opposition d’entrer au gouvernement.
Toutes ces choses fragilisent la paix et contribuent d’une manière ou d’une autre à un recul du pays dans son processus de développement.
Le deuxième comportement qui nous paraît le plus important de tous ceux qui rendent plus précaire la paix que nous continuons même de reconstruire après la crise postélectorale de 2011, provient de la coalition politique au pouvoir.

II- DU RAPPORT ENTRE LES MEMBRES DU RASSEMBLEMENT DES HOUPHOUËTISTES POUR LA DEMOCRATIE ET LA PAIX (RHDP)

Les partis politiques signataires de ce rassemblement ont convenu de se mettre ensemble pour la conquête du pouvoir d’Etat. Selon leurs clauses, chaque parti présente un candidat aux élections. Au 2ème tour, tous se fondent pour soutenir le candidat dont le parti a réussi son passage. C’est ainsi qu’aux élections 2010-2011 le Président HENRI Konan Bédié a été candidat au nom du PDCI-RDA, son parti, et que le Président Alassane Ouattara l’a été lui aussi au nom du RDR, son parti, malgré leur appartenance au RHDP. C’est aussi la raison fondamentale pour laquelle le Président Henri Konan Bédié a mobilisé son parti pour soutenir effectivement et activement le Président Alassane Ouattara dont le parti, dans le groupe, a été déclaré admis au 2ème tour. Transformer ensuite l’alliance en un parti politique houphouétiste nouveau, regroupant les militants des partis politiques membres, tel était l’objectif après la prise du pouvoir.
Malheureusement, le respect de cet engagement, devant consolider la paix, fait place à un combat pour une candidature unique.
Même si le combat en lui-même ne constitue pas de problème, la manière dont s’y prennent les acteurs de la mobilisation pour la candidature unique risque de nous emporter tous puisqu’ils suscitent des foyers inutiles de tensions.
Le débat en effet, au lieu de se dérouler selon les textes du RHDP, donc au sein de ce groupe, il se mène par des attaques et contrattaques des cadres, par presses interposées. Ce qui est redoutable, c’est que cela se passe entre cadres partisans de la candidature unique et ceux des autres partis politiques, non partisans. Cela a forcément des conséquences sur la paix.

III- DE LA COMPROMISSION DE LA PAIX

L’incidence immédiate des comportements actuels est inéluctablement la reprise des violences. Hélas ! Ce parce que les frustrations et humiliations totalisées par les cadres, et non les moindres, qui considèrent que leurs ambitions sont légitimes, risquent de chercher à se faire entendre par tous les moyens, ce qui peut aboutir à des débordements difficiles à maîtriser.
Nous avons encore en mémoire la création du Rassemblement des Républicains (RDR), aujourd’hui au pouvoir. C’est dans les mêmes conditions que ce parti, avec bien d’autres, a dû utiliser le boycott actif en 1995 comme arme au sein du front républicain pour se faire entendre. En effet, frustré et se sentant humilié dans sa chair après avoir été traité de feuille morte prêchant dans le désert, M. DJENI KOBINA, alors à la tête des Rénovateurs du PDCI-RDA, voyant ses ambitions s’éloigner progressivement, voulait en découdre avec son parti qui ne tenait plus compte de ses aspirations parce que taxé de minoritaire. Il avait pour cela tout mis en œuvre pour se faire entendre. Depuis, ayons le courage de le dire, la Côte d’Ivoire n’a pas connu de véritable paix jusqu’à nos jours. Il y a eu le coup d’état de 1999, les élections dites calamiteuses de 2000, la rébellion de 2002, la situation caractérisée de ni paix ni guerre de cette date jusqu’aux élections de 2010 – 2011 et enfin la crise post électorale de 2011.
Une leçon à retenir : il n’y a pas pire poison pour un pays qu’un groupe, même minoritaire, dont on refuse de prendre en compte les aspirations et qui se sent frustré et humilié.
La paix a ses exigences.

IV- DES CONDITIONS D’UNE PAIX DURABLE

Pour pouvoir véritablement reconstruire la paix, la consolider et la préserver, il faut dans un 1er temps que chaque parti politique dans ses actes de tous les jours, mette au devant l’intérêt de la nation. Pour cela, chacun d’entre eux doit accepter de consentir des concessions en mettant l’accent sur les aspirations du peuple que l’on dirige ou que l’on cherche à diriger. Il faut ensuite accepter d’admettre que chaque parti politique se crée pour accéder au pouvoir et que si chaque cadre se sacrifie au sein de son parti pour l’entretenir, c’est bien pour pouvoir réaliser ses ambitions avec son parti et non pour suivre des candidats d’autres partis. Pour cette raison, il faut toujours négocier et non chercher à brimer ces cadres. Toute attitude autre est de nature à tordre le coup à la démocratie en ce sens que cela est une volonté de phagocyter, donc d’empêcher les autres partis d’exister, ce qui constitue un retour au parti unique, mais mal négocié. On peut se référer à l’expérience malheureuse du Président Amani Toumani Touré (ATT) au Mali. La conséquence en tout cas est toujours désastreuse pour la nation.
Pour éviter cela, que le RHDP ne fasse pas autre chose que le respect de ses engagements pour l’atteinte de ses objectifs. Il faudra surtout veiller à ce que les élections à venir soient libres, transparentes et pluralistes. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre le récent appel du Président français François Hollande, lors de sa dernière visite d’Etat en côte d’Ivoire.
Toutes ces conditions pourront être respectées plus aisément si nous acceptons de nous inspirer du modèle allemand de démocratie (modèle de dialogue, de réconciliation et de coalition politique).
Nous devons sortir des stigmates et des séquelles de la guerre. L’émergence est à ce prix.

CLAUDE DANIEL DJE KONAN
Professeur d’allemand
Président de l’ONG Les Amis des Allemands

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