Pourquoi la Côte-d’Ivoire n’a pas une politique d’immigration ?

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PRAO Yao Séraphin

« Si les hommes étaient francs, ils reconnaitraient peut être que jamais le malheur n’a jamais fondu sur eux sans qu’ils eussent reçu quelque avertissement patent ou occulte. Beaucoup n’ont aperçu le sens profond de cet avis mystérieux ou visible qu’après leur désastre » (Honoré de Balzac)

Introduction

Le thème de l’immigration est devenu tabou en Côte d’Ivoire. La raison est simple : il soulève les passions à telle enseigne que les politiques ont peur d’aborder cette thématique. Et pourtant, l’histoire récente de notre pays nous commande d’aborder tous les sujets sans peur ni exagération. En effet, le pays est certes une terre d’hospitalité, mais une absence de politique d’immigration est le terreau de tous les extrêmes. Le Canada a adopté une politique d’immigration choisie, la France essaie de le suivre. L’Amérique d’Obama ne démord pas avec la surveillance accrue de ses frontières. L’immigré peut participer à l’économie mais il peut également être une charge pour la société en l’absence d’une véritable politique d’immigration. En Côte d’Ivoire, toute la classe politique a tourné le dos à ces sujets qui fâchent pour emboucher la trompette en faveur des sujets accommodants. Dans cette présente réflexion, nous adoptons une démarche contraire : aborder les sujets qui fâchent afin de faciliter le vivre ensemble. Notre conviction est que le peuplement de l’Ouest du pays par des étrangers est la conséquence d’une absence de politique d’immigration. Il en va de même de cette politique de naturalisation sur simple déclaration. Patriote convaincu, je sonne ici le tocsin pour éviter le pire à notre pays.

1. L’immigration en question

Le verbe « immigrer » signifie entrer de manière temporaire ou définitive dans un pays dont on n’a pas la nationalité. Du coup, un immigrant sera celui qui en train d’immigrer ou qui vient d’immigrer. On définit alors l’immigration comme l’action d’immigrer, de séjourner de manière durable ou définitive dans un pays étranger. Il peut exister une immigration interne ou régionale qui est le déplacement de population à l’intérieur d’un même pays. Il faut aussi signaler que l’immigration peut avoir plusieurs motivations : professionnelle, études, politiques, sécuritaire, économique, personnelle, familiale et même fiscale. La Côte d’Ivoire est un pays d’immigration. Si l’on considère le recensement de 1998, la Côte d’Ivoire enregistre plus de 4 millions d’étrangers soit 1 habitant sur 4. Cette tendance est à la hausse depuis l’indépendance (18% en 1965, 22% en 1975, 28% en 1988). En 1998, les étrangers représentaient 26% de la population ivoirienne. Cette population étrangère est essentiellement composée de Burkinabés à hauteur de 56% soit 15% de la population totale.

2. Les conséquences de l’immigration

Le poids de l’immigration contribue à l’accélération de la croissance démographique en Côte d’Ivoire. Cette situation exige des taux de croissance annuels élevés supérieurs à 7% au moins pour que les habitants en profitent. Il en découle que si l’immigré ne vient pas tirer vers le bas le bien-être de celui qui l’accueille, alors il doit apporter à la croissance économique. Il est vrai que si les immigrés paient des impôts et s’intègrent convenablement dans la société, alors ils deviennent une source de croissance économique. Pour le pays d’accueil, l’immigration peut faire face à un déficit de naissances et au vieillissement de la population. Elle peut également comme dans le cas de la Côte d’Ivoire permettre au pays de disposer d’une main d’œuvre en quantité suffisante ou en qualité comme au Canada. C’est le cas des Burkinabés qui ont pendant longtemps été la cheville ouvrière de l’économie de plantation en Côte d’Ivoire. Cependant lorsqu’ils restent majoritairement dans le secteur informel, ils deviennent une charge pour la collectivité. En effet, en Côte d’Ivoire, les étrangers sont à 70% dans le secteur informel. Or dans certains cas, les statistiques de ce secteur échappent aux statistiques des comptes nationaux. L’immigré peut dans ce cas profiter des richesses du pays et les faire bénéficier à son pays d’origine.

3. Les effets pervers de l’immigration

L’immigration incontrôlée a des effets pervers. Premièrement, une urbanisation incontrôlée crée le banditisme. Une immigration incontrôlée peut conduire à une urbanisation incontrôlée. Or si l’urbanisation n’est le fait d’un processus d’industrialisation alors, elle peut engendrer le grand banditisme. En effet, l’oisiveté des nouveaux arrivants peut les amener à s’adonner à des activités illégales. Dans ce cas, un lien indirect peut être établi entre l’immigration et le grand banditisme.
Deuxièmement, le manque de capacité d’accueil engendre les bidonvilles. La forte migration des populations vers les villes conduit au développement des bidonvilles, constructions anarchiques d’habitats insalubres et précaires, où la pauvreté urbaine se concentre. L’afflux d’immigrés doit être en phase avec la politique de logement du pays d’accueil. Si cette condition n’est pas remplie alors, les immigrés n’auront pas de logis salubres et ils développeront les bidonvilles. On se souvient dans le mois de Juin 2014, des éboulements faisant de nombreux morts à Mossikro, à Abidjan. Une politique d’immigration est donc nécessaire si le pays veut éviter les drames humains.
Troisièmement, quand l’immigré n’est pas intégré, le nationalisme et la xénophobie peuvent prospérer. En France par exemple, 75% des français estiment qu’il y a trop d’immigrés dans le pays. Dans un tel pays, une immigration incontrôlée peut conduire au racisme. Dans le cas de la Côte d’Ivoire, une absence de politique d’immigration peut conduire les Ivoiriens à être xénophobes. Si l’immigré n’épouse pas les valeurs du pays d’accueil alors un sentiment anti-étranger peut se développer. Selon l’ONG ACTED, il y a au moins un enfant déscolarisé dans 47% des ménages vulnérables des quartiers précaires d’Abidjan. Or, l’école de la république est un puissant modélisateur du bon citoyen.

4. Et l’intégration nationale dans tout ça ?

Il faut penser à unir les ivoiriens d’abord avant d’ouvrir grandement nos frontières aux autres. Intégrer les autres c’est leur donner les moyens de participer à la vie collective sur une base aussi égalitaire que possible. La notion d’intégration désigne le processus par lesquels les individus participent à la société globale par l’activité professionnelle, l’apprentissage des normes de consommation matérielle, l’adoption des comportements familiaux et culturels, les échanges avec les autres, la participation aux institutions communes. Pour permettre aux autres de partager nos valeurs, il faut que les Ivoiriens eux-mêmes s’intègrent. Or, aux temps présents, les Ivoiriens sont divisés. La Côte d’Ivoire est divisée, elle doit donc résoudre ses propres contradictions au lieu de les amplifier. Les divers gouvernements ont eu cette mauvaise idée de créer un ministère de l’intégration africaine dans un pays où l’intégration nationale n’est pas achevée. Cette comédie de mauvais aloi est le fruit d’une simple méconnaissance de l’histoire de la Côte d’Ivoire par une certaine classe politique.

Conclusion

Nous avons à travers cette réflexion, positionné la thématique de l’immigration dans la liturgie politique de la classe politique. Ignorer cette thématique serait une démission politique et une trahison vis-à-vis de nos compatriotes. La politique est un métier qui consiste à proposer quotidiennement des réformes et réflexions visant l’amélioration du bien-être des populations. Il revient donc aux nouvelles autorités de présenter aux Ivoiriens leur politique d’immigration.

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