A la botte: islam sur mesure en Côte-d’Ivoire, indiscrétions tirées de la Lettre du Continent

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Petites indiscrétions tirées de la dernière édition de la Lettre du Continent en date du 27 août.

Notre Alassane Ouattara, dont il faut oublier le prénom Dramane sous réserve de poursuites judiciaires, est musulman pratiquant. Si, si ! C’est la Lettre du Continent qui le dit : «Musulman pratiquant, il porte chaque vendredi un somptueux boubou brodé»; aux dires de la même source, Ado s’appuierait même sur un autre bon musulman, le Dr Abddallah Toikeuse Mabri, dont le petit nom – comme lui, chrétien d’origine – est Albert, comme les Dr Einstein et Schweitzer…

L’habit faisant le moine, pardon le croyant, que dire de madame Ouattara, qui elle aussi porte avec lui ce vêtement du pénitent « blanchi », de celui qui a été lavé et purifié de toute souillure : est-elle aussi musulmane, celle qui a communié avec un recueillement et un angélisme à vous arracher des larmes, lorsque à Noël dernier, elle a demandé «qu’en cette nuit de Noël pas un enfant ne souffre en Côte d’Ivoire». Ce jour là, elle avait été accompagnée «d’une délégation de femmes musulmanes. Comme pour faire vivre l’esprit de la fraternité, du partage et de la solidarité qui caractérisent la fête de Noël». Mais il est vrai que nous sommes en Côte d’ivoire, où tout est mélangé, le mal érigé en bien, la croissance et l’émergence faisant office de crédo omniprésent, même s’il faut se contenter de l’affirmer sans le voir et sans rien en vivre, sur fond de chômage, de violence et d’exactions en tous genres… Noël ne durant que 24h, son vœu pieux a été exaucé, la dure réalité se contentant de rattraper le lendemain tous les ivoiriens pauvres et sans travail, rattrapage dont ils se seraient fort volontiers passé. Il est plus facile de souhaiter une trêve de la souffrance l’espace une nuit qu’une Ado-solution durable, concrète, mise en œuvre, à savoir la fin des douleurs, avec un plan social digne de ce nom : couverture sociale pour tous, réhabilitation des hôpitaux, chantiers porteurs de travail et de développement industriel et économique…

Mais revenons à notre musulman pratiquant : il va très concrètement « pratiquer » le lobbyisme confessionnel en déléguant auprès des monarques du Golf, – supplétifs en chef et de luxe de la voracité occidentale – son émissaire susnommé Albert-Abdallah, ministre du plan et du développement, la bouche pleine des pieuses invocations grâce auxquelles, – c’est du moins ce qu’escompte notre économiste de génie – la pluie de 500 milliards de F CFA destinée par ses hôtes aux investissements en Afrique, devrait arroser en priorité la Côte d’Ivoire. Le Dr Mabri Toikeuse, médecin de son état, n’a donc bien évidemment pas le temps de se consacrer à la prévention et la lutte contre Ebola, trop occupé qu’il est, entre deux missions, à piloter la Banque islamique de Développement (BID) dans son fief, le district des Montagnes. Le lundi 18 août dernier, en tournée dans le Worodougou, il avait endossé «sa tenue de musulman pratiquant» (même le lundi, encore mieux que le boss !), pour appeler au rassemblement derrière Ouattara, sur le thème oh combien porteur «Alassane Ouattara, une chance pour la Côte d’Ivoire». Mais cette chance, les Ivoiriens la connaissent par cœur : voilà trois ans qu’elle tourne et tourne, et tourne encore, sans jamais se poser, sans que jamais n’émerge de la brume un seul petit coin du paysage idyllique annoncé…

Autre distingué coreligionnaire : Adama Toungara, maire de la très pauvre commune d’Abobo quoique habitué à la vie de château, moins surchargé de travail depuis qu’on lui a retiré le portefeuille des mines pour cause d’incompétence avérée, suite à la plainte de nombreux acteurs du paysage minier… N’étant désormais plus en charge que du gaz et du pétrole – excusez du peu, pour un incapable corrompu –, il vient d’être envoyé à Doha pour tenter d’intéresser les autorités du Qatar à des investissements pétroliers et gaziers lucratifs en Côte d’Ivoire. Une promesse qatarie de 3 milliards de dollars d’investissements avait été déjà arrachée fin 2013 – date à laquelle il a étrenné sa nouvelle jaguar de 120 millions de francs FCA (183 000 euros) –, mais elle n’a toujours pas été concrétisée, le monarque d’alors ayant entre temps cédé le trône à son fils, apparemment peu enclin à se souvenir d’une poignée de mains ivoiro-qatarie censée faire foi d’engagement…

Quant au représentant ivoirien de la BCAO, Koné Tiémoko Meyliet, il vole, survolant les banques centrales de Malaisie et Indonésie pour glaner des fonds…

Notre ex-Magellan des Airs, malgré sa sciatique invalidante, se rend régulièrement en Arabie Saoudite, autre grande amie de l’Occident, pour « parler affaires » avec le patron de la BID, qui s’est engagé, rattrapage oblige, à financer des projets dans le nord de la Côte d’Ivoire, dont le Lycée professionnel d’Odienné, ville natale de Nabintou Cissé, d’une des deux mères du chef de l’Etat. Bien sûr, la Lettre du Continent ne nous dit pas pourquoi cette ville retient l’attention de tous les ivoiriens qu’ils soient ou non originaires du Nord : il s’agit du lieu de détention tristement célèbre de la première dame Simone Gbagbo, arrêtée, maltraitée, emprisonnée, empêchée l’an dernier de recevoir tous les soins que nécessitait son état de santé.

Dernière évocation : celle du mécène sénégalais Amar Baïla Miang, représentant de la BID dans son pays natal, hôte de choix régulièrement hébergé dans l’une des suites du Sofitel-Hotel Ivoire.

Article bien sympathique en somme, montrant Ouattara sous les traits d’un homme de foi et de conviction, dont la vie épanouie et les engagements courageux s’enracinent dans son attachement à l’islam; d’un chef d’Etat qui, contrairement à son prédécesseur, ouvre enfin la porte de son pays aux nations arabes « amies ». Pourtant, à y regarder de plus près, ces pays « amis » –acolytes zélés, rappelons-le, de la destruction planifiée de la Lybie de Khadafi et de la Syrie d’Assad –, ne le sont qu’au titre d’amis de leurs commanditaires – et débiteurs ! –français et françafricains…

Alors, beaucoup de poudre aux yeux comme toujours : un Alassane tourné vers la nouveauté et le progrès, histoire de nous faire croire que la Côte d’Ivoire avance, se libérant progressivement des chaînes occidentales, là où à longueur d’année lui et ses affidés ne se déplacent qu’aux ordres de feuilles de route délivrées à Paris et estampillées USA : autant d’amis qui, comme chacun le sait, ne veulent que du bien à la Côte d’Ivoire, tellement de bien…

Dans un autre article de la même édition, nous lisons que « les Russes se ruent dans le business », en vue d’obtenir des contrats dans les secteurs des mines et du pétrole. Ouattara, officiellement indisponible pour raison de santé – plus vraisemblablement soucieux de ne pas indisposer ses maîtres français –, n’a pas pu recevoir le lobbyiste russe Serguey Baranov, lequel a dû se contenter d’approcher le ministre des mines et de l’industrie, Jean-Claude Brou, ainsi que quelques sous-fifres des services de Toungara, ce dernier s’inspirant du courage de son patron Alassane, pour jouer les abonnés absents.

Il est évident que si la Côte d’Ivoire venait à céder aux sirènes de la séduction russe, la France, dans un contexte national et international où s’accumulent les menaces pesant sur son avenir, n’aurait d’autre choix que de rééditer une reprise en main façon 11 avril 2011. On comprend aisément que n’ayant pas de pétrole, mais des idées – de préférence dangereusement guerrières – pour sauver ce qu’il reste de son économie dévastée, la France au bord du gouffre joue son va-tout en envoyant son protégé quémander des fonds chez les « amis » des Emirats, partenaires d’affaires, à seule fin de contrecarrer les velléités commerciales et économiques des Russes et des Chinois, et de maintenir à tout prix la Côte d’Ivoire dans sa zone d’influence.

Shlomit Abel, 2 septembre 2014

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