Côte d’Ivoire – Le président Gbagbo au cœur de l’alchimie des monarques français

gbagbolaurent(1)

Par Isaac Pierre BANGORET (Écrivain)

L’alchimie, qui désigne un ensemble de techniques chimiques gardées secrètes, susceptibles de favoriser la transmutation de métaux « vils » comme le plomb en métaux nobles comme l’argent et l’or, ne peut être dissociée de l’hermétisme ; une philosophie, une spiritualité , en quête de salut au moyen de l’esprit. Le salut pour les adeptes de cette spiritualité passe par la connaissance. Un des textes les plus célèbres de la tradition hermético-alchimique, traduit en latin vers 1140 par Hugues de Santalla rapporte le songe du « sage » Bélinous, qui possède l’art des talismans. Il écrit : « Tandis que je dormais d’un sommeil inquiet et agité, occupé du sujet de ma peine, un vieillard dont la figure ressemblait à la mienne, se présenta devant moi et me dit : Lève -toi Bélinous, et entre dans cette route souterraine, elle te conduira à la science des secrets de la Création… J’entrai dans ce souterrain. J’y vis un vieillard assis sur un trône d’or, et qu i tenait d’une main une tabletted’émeraude.. ». Il s’agit pour Bélinous et les alchimistes du livre contenant le Secret de la Création qui enseigne que le plus haut vient du plus bas, et le plus bas du plus haut ; c’est l’œuvre des miracles par une chose unique. Cette tradition hermético-alchimique a un impact certain sur la vie politique ivoirienne où les gouvernants ne cachent pas leur appartenance à certains groupes ésotériques. C’est au moyen d’une certaine alchimie politique ; un ensemble de stratégies judiciaires, économiques, scientifiques, cult urelles, spirituelles, que des personnalités françaises et ivoiriennes réussissent à donner un caractère noble à leur vilénie et à couvrir d’opprobre la noblesse de la lutte politique des opposants épris de valeurs démocratiques. La politique africaine de la France est celle de la chaise percée du souverain-alchimiste, le roi soleil ; capable de faire de l’émanation de ses matières fécales une odeur agréable à humer. Il est écrit à son sujet : « Pour ce qui est de l’hygiène corporelle rien n’égalait la saleté du roi Louis XIV, qui ignorait totalement les ablutions journalières, mais qui appelait autour de sa chaise percée tout le gratin de la cour fort honoré d’être admis à sentir d’aussi près les émanations du plus grand roi du monde (Persée – Bullettin de la société d’histoire de la pharmacie – Déléage in Lyon Pharmaceutique, avril 1929) ».

« Les repas ordinaires du roi se composaient de 15 plats, alors que le peuple français dans son ensemble, les « sans dents (les pauvres)», se contentaient de pain noir, d’eau et de racines, décimés par les épidémies (semblables à l’ebola) et les famines ». L’analyse des actes politiques posés par Louis XIV et par les présidents français, plutôt, par les monarques français à la tête de la françafrique nous permet de relever les principes propres à l’alchimie, qui ne peut être dissociée de la philosophie hermétique qui dicte la politique africaine de la France. L’émanation des matières fécales du roi soleil agréable à ceux qui ont le privilège de s’asseoir à ses côtés est l’allégorie, qui devrait aider certains Africains admis à la table des nouveaux rois de France, à mieux cerner les enjeux et les conséquences des actes politiques posés par leurs monarques en Côte d’Ivoire (en Afrique). Tout démocrate ivoirien (africain) est frappé par le récent discours du sire Hollande qui, outragé par la bassesse de son ex-compagne, affirme que la fonction présidentielle doit être respectée. C’est justement l’un des enjeux de la lutte politique des démocrates ivoiriens offensés par l’intervention militaire de la France en Côte d’Ivoire. Au-delà de l’humiliation qu’a fait subir cette grande nation « démocratique » au président Gbagbo, lors de son arrestation, c’est la fonction présidentielle d’un État africain qui n’a pas été respectée ; ce sont les insignes de la république ivoirienne (de la chose publique ivoirienne) qui ont été bafoués, ridiculisés. Au soir de sa vie, la confession de Louis XIV, partisan de l’absolutisme, amoureux de la guerre et de la bonne chère, nous permet de mieux cerner l’état d’âme de Hollande, abasourdi par les conséquences de sa propre légèreté. Le souverain-alchimiste, agonisant sur son lit, fit, en effet, de manière inopinée, cette déclaration : «Je m’en vais mais l’État demeurera toujours ». Le président meurtri, outragé par son ex-compagne qui découvre que l’État doit être respecté, au-delà de la figure impopulaire du président, qui en est le garant, est invité à faire de même avec les É tats africains. Déporter le président Gbagbo Laurent et son ministre Blé Goudé à la Haye, pour des raisons politiques et économiques, emprisonner, torturer, des soldats républicains, des députés dans les prisons ivoiriennes gérées, conformément à des traités, à des clauses secrètes, par l’État français, c’est faire preuve de légèreté, face aux nouveaux défis d’un monde global. Comment notre sire (Hollande) peut-il parler de justice en Côte d’Ivoire, quand toute la classe politique ivoirienne, à la solde de la France, et les soldats français sont de près ou de loin associés aux crimes contre l ’humanité commis sur le sol ivoirien ? Des hommes politiques du RDR, du PDCI et de certains p etits partis politiques pourraient aussi être accusés de crimes contre l’humanité, pour avoir soutenu publiquement, officiellement, les membres des forces nouvelles poursuivis par la CPI. Nombreuses sont les personnalités politiques qui se félicitaient de voir l’armée française assassiner, au moyen d’hélicoptères de guerres, des civils ivoiriens aux mains nues, sur le pont Charles de Gaulle ou devant l’hôtel ivoire. En Côte d’Ivoire, les monarques français ont réussi à reproduire les exploits du roi-alchimiste Louis XIV. Certains récits rapportent, en effet, que le gratin de la Cour applaudissait, quand ce puissant souverain se soulageait. Eh bien ! nous avons vu des Ivoiriens (des Africains) applaudir, se réjouir quand l’armée française adoptait une attitude identique aux extrémistes musulmans qui prennent plaisir à assassiner des civils . Des Ivoiriens, des Africains riaient, à gorge déployée, quand la classe politique française cautionnait le bombardement de la résidence d’un chef d’État africain, au mépris des insignes qui incarnent les valeurs de tout un peuple, puisque l’État survit aux gouvernants. Souiller la réputation d’un président, qui incarne l’État, c’est bafouer l’État, le peuple, dans son ensemble . La classe politique française « soulagée» de se voir débarrassé de ce leader favorable à des accords gagnant-gagnant, n’en avait cure.

Lorsqu’il arrivait au roi-soleil de déposer ses grosses commissions dans les couloirs du château de Versailles, ses laquais de haut-rang se chargeaient de les enlever. Ce monde conçu, organisé par ce souverain-alchimiste, où les matières fécales, naturellement répugnantes, faisaient, paradoxalement, partie intégrante du panorama du château est, malheureusement, reproduit en Afrique, sur le plan politique, par les partisans de la françafrique, où les laquais de haut-rang, les ambassadeurs de la métropole, s’évertuent à nous faire croire que la vilénie de leurs monarques revêt, en réalité, un caractère noble : nos frères et sœurs, aux mains nues, auraient été, évidemment, assassinées par des soldats français pour leur bien, pour le nôtre. Le discours du ministre des affaires étrangères Laurent Fabius, lors de la conférence des ambassadeurs 2014 tenue à Paris du 28 au 30 août, explique les raisons de l’alchimie politique concoctée par la France en Côte d’Ivoire : « La situation de départ est très mauvaise. Nous avons 60 milliards de déficit commercial. J’ai coutume de dire que le déficit de la balance extérieure est beaucoup plus grave que le déficit budgétaire […]. Nous avons un déficit commercial massif ce qui est le juge de paix de notre compétitivité . Il faut que, bien sûr, les entreprises arrivent, par leur action, à redresser le s choses. […] si on n’a pas une puissance économique suffisante, au bout d’un certain temps, notre rayonnement diplomatique s’arrête. D’abord parce que l’on n’a plus les moyens financiers d’assurer notre présence diplomatique et puis parce que un jour vient où l’un de nos collègues au Conseil de sécurité dit : «au fond, la France , vous êtes là mais à quel titre ?». Il ne faut surtout pas que cela arrive. Pour cela, il faut absolument que notre économie devienne davantage prospère ». Toutes les actions politiques de la France sont dictées par ce juge de paix ; le déficit commercial. D’où la nécessité de cette alchimie qui consiste à faire, à travers un marketing politique, des individus vils, à leur service, des personnes nobles, aux yeux du monde. Dans le champ des idées, les thèmes, les propos nobles sont soigneusement trouvés pour cacher les actes vils guidés par leurs intérêts. La justice, qui leur donne des airs de sages, d’hommes de paix, est, en réalité, une justice sur mesure parce qu’elle ne vise que ces opposants politiques qu’ils tiennent à nuire. Ainsi le président Gbagbo, un démocrate, est taxé de dictateur, et Alassane Ouattara, qui s’oppose aux principes élémentaires de la démocratie, à une CEI consensuelle, est qualifié de démocrate. La justice sur mesure vient, indirectement, mettre un frein à la réconciliation nationale, puisqu’elle veut faire des partisans du président Laurent Gbagbo, les bourreaux de Soro Guillaume et des forces nouvelles, en les incitant à réclamer, au nom du principe de réciprocité, la tête des partenaires d’Alassane Ouattara jugés désormais gênants. Pour aller véritablement à la réconciliation, il nous faut sortir de cette alchimie juridique et emprunter la voie de ce que nous pourrions qualifier, dans un souci pédagogique, d’alchimie divine, qui serait, en fait, synonyme de grâce divine, de miséricorde. Si les enseignements d’Hermès ou du « sage » Bélinous permettent de faire de ce qui est vil une chose noble, la grâce, l’alchimie divine concède, au contraire, à ce qui est faible une nature forte. Elle revêt d’incorruptibilité ce qui est corruptible, d’immortalité ce qui est mortel. Dans la vision de l’apôtre Jean, ce fut, en effet, l’agneau égorgé qui fut digne d’ouvrir le Livre de vie qui contient les secrets de la Création (L ivre de l’apocalypse au chapitre 1) . L ’agneau incarne l’innocence, la faiblesse, qui permet à Dieu de déployer en nous sa puissance. Il nous faut nous procurer donc les armes de l’esprit pour aller véritablement à la paix, pour combattre et vaincre ces grands alchimistes, fils spirituels de Louis XIV, et d’Hermès, afin denous libérer de cet étau métaphysique et politique, de cette alchimie juridico-politique qui fait prisonnier le président Gbagbo, la pierre d’angle sur laquelle doit se construire la démocratie ivoirienne.

Isaac Pierre BANGORET (Écrivain)

[Facebook_Comments_Widget title= » » appId= »331162078124″ href= » » numPosts= »5″ width= »470″ color= »light » code= »html5″]

Commentaires Facebook

Les commentaires sont fermés.