Côte d’Ivoire-CPI livre témoin du FPI 2ème partie: c’est qui le vainqueur des élections de 2010 ?

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Dans cette seconde partie du livre témoin des universitaires issus du Front Populaire Ivoirien et qui entend nous replonger dans les faits qui ont prévalu en Côte d’Ivoire et dont découle l’actuelle crise ivoirienne, après l’avant propos qui a situé le contexte des évènements, il nous est proposé ici en introduction, la question centrale et qui cristallise toutes les attentions des opinions nationale et internationales : A l’issue du scrutin du 2e tour des élections présidentielles du 28 novembre 2010, et qui a opposé Laurent Gbagbo (LMP) et Alassane Ouattara (RHDP), qui a été élu président de la république ? Pour le savoir, les rédacteurs du présent livre témoin nous font un rappel historique des évènements survenus pendants la période pré-électorale, puis période électorale et enfin période postélectorale.

INTRODUCTION
« La fidélité n’est pas une valeur parmi d’autres, une vertu parmi d’autres : elle est ce par quoi, ce pour quoi il y a valeurs et vertus. Que serait la justice, sans la fidélité des pacifiques? La liberté, sans la fidélité des esprits libres ? Et que vaudrait la vérité, même, sans la fidélité des véridiques ? »
Quels que soient l’espace et le temps, la quête de vérité est une exigence incontournable sous le double rapport éthique et heuristique : elle permet aux acteurs et/ou observateurs (arbitres, juges, chercheurs, médiateurs, conciliateurs) de trancher en toute connaissance de cause, et donc en toute responsabilité. Ce souci d’objectivité est une donnée transculturelle qui fonde la cohabitation entre les peuples. Comme le rappelait M. Gbaï Tagro :
« Lorsque deux personnes se querellent, la troisième qui apprend la nouvelle et qui se rend sur les lieux, intervient et sépare. Ensuite, lorsqu’elle a fini de les séparer, elle écoute les deux parties, elle juge et tranche, en donnant tort à celle qui a tort, en donnant raison à celle qui a raison, avant de les appeler à l’apaisement. Tant que cette condition primordiale n’est pas respectée, la personne qui a la conviction qu’elle a raison n’acceptera jamais d’aller à l’apaisement tant que la justice n’est pas rendue. »
Depuis le 2 décembre 2010, la Côte d’Ivoire traverse une crise postélectorale inédite suite à la contestation de la réélection du président Laurent Gbagbo par Ouattara Alassane. Le premier s’appuie non seulement sur les résultats définitifs des urnes, mais aussi sur le droit, tandis que le second s’adosse à la reconnaissance et au soutien d’une large partie de la communauté internationale (la CEDEAO, l’UEMOA, l’Union africaine, l’Union européenne, la France, les USA) qui profère toutes sortes d’anathèmes et de menaces contre Laurent Gbagbo et son pays. Fait grave, dans son communiqué du 17 décembre 2010, la CEDEAO a demandé à Laurent Gbagbo de céder le pouvoir à Ouattara Alassane. À cet effet, elle a dépêché une délégation spéciale de haut niveau en Côte d’Ivoire, exhortant Laurent Gbagbo « à faire une sortie pacifique ». Nonobstant ces menaces, Laurent Gbagbo propose comme condition de sortie de crise, la manifestation de la vérité par le biais d’un comité international d’évaluation du scrutin. Dans une interview qu’il a accordée aux quotidiens français Le Figaro et Le Monde (vendredi 17 décembre 2010), le président Laurent Gbagbo explicite sa position en ces termes :
« Ce sont les faits et je dirai les faits en toutes circonstances ! Je ne cherche pas à convaincre. Je leur dis de vérifier la matérialité des faits. Quand les gens se détachent des faits, c’est qu’ils ne veulent pas la vérité. Je ne comprends pas pourquoi ils cherchent à créer un conflit, (…) pourquoi ils pensent à un affrontement interne (…). »
Depuis cette proposition, Abidjan assiste à un chassé-croisé diplomatique qui laisse penser que les organisations africaines entendent suivre les procédures conciliatoires habituelles : s’informer en écoutant les deux parties, afin de trancher, avec en toile de fond délibératif, la question fondamentale : à savoir qui a été élu président de la République au terme du second tour ?
Le présent dossier n’est pas une réponse à cette question centrale ; il se veut simplement un document de référence, c’est-à-dire la somme des faits qui se sont accumulés au cours des derniers mois et dont la « fermentation » a débouché sur ce qu’il convient de nommer la « crise de la République du Golf ». Pour ce faire, il a été procédé à l’inventaire des faits et tendances enregistrés sur le double plan national et international, des faits incontestables pouvant permettre au lecteur d’apprécier, de comprendre et d’expliquer la situation actuelle, et éventuellement de revisiter sa propre opinion.
Dans cette présentation, les rédacteurs ont eu le souci d’établir les faits les plus significatifs parmi un faisceau d’événements ayant contribué chacun selon son niveau d’importance à former la « systémique globale » du processus électoral en Côte d’Ivoire. Elle a retracé la chronologie exacte des évènements ayant marqué cette période caractérisée par trois grands moments : la période pré-électorale, la période électorale proprement dite et la période postélectorale, objet de toutes les controverses actuelles.

La période pré-électorale.

Elle a été marquée par quatre actes fondamentaux : le premier temps fort de cette période a été l’utilisation, le jeudi 28 avril 2005, de l’article 48 de la Constitution par le président Laurent Gbagbo, pour rendre éligibles, de façon dérogatoire, messieurs Ouattara Alassane et Bédié Konan Henri, et tous les signataires de l’accord de Linas-Marcoussis à l’élection présidentielle. En ce qui concerne M. Bédié, il était frappé par la limite d’âge au regard de la constitution. Quant à Ouattara Alassane, il n’était pas éligible, la Cour suprême ayant déjà rejeté sa première candidature en septembre 2000, pour « cause de nationalité douteuse ». Au moment de cette sentence, faut-il le rappeler, Laurent Gbagbo était lui-même candidat à l’élection présidentielle, le Général Guéi Robert étant chef de l’État.
Le deuxième acte a été la validation des quatorze candidatures à la présidentielle, intervenue le mercredi 28 octobre 2009 par le Conseil constitutionnel, pour une élection dont le premier tour était initialement prévu pour le dimanche 29 novembre 2009. Toutefois, pour rétablir l’égalité entre les candidats, le Conseil constitutionnel a fixé un minimum de 10 critères pour tous (Voir Décision N° CI-2009-EP-26/28-10/CC/SG invitant les candidats à compléter leurs dossiers de candidature à l’élection présidentielle du 29 novembre 2009).
Le troisième acte a été la prestation de serment des membres de la Commission électorale indépendante (CEI). Intervenue en deux temps, celle-ci a eu lieu une première fois, lors de la cérémonie du jeudi 25 février 2010, pour les premiers membres, et le mercredi 17 mars 2010 à 16 heures, au siège du Conseil constitutionnel, pour les quatre derniers commissaires sur les trente et un que compte la CEI.
Le quatrième temps fort de cette période a été la dissolution de la CEI, le 12 février 2010, suite à la découverte de l’inscription frauduleuse de 490 034 électeurs par Beugré Mambé, alors président de l’institution.

La période électorale proprement dite.

L’élection eut effectivement lieu le 31 octobre 2010 pour le premier tour et le 28 novembre 2010 pour le second tour. Ce scrutin a été également revisité par l’opinion avec des observations de fond :
– contrairement à l’Accord Politique de Ouagadougou (APO) et tous les accords complémentaires qui prévoyaient le désarmement des rebelles deux mois avant le scrutin, le scrutin a eu lieu sans le désarmement ;
– alors que le pays restait divisé avec des rebelles toujours en armes dans les zones Centre, Nord et Ouest (CNO), et que la Constitution ivoirienne interdit toute élection dans ces circonstances, l’ONU, la France et la communauté internationale ont estimé que le scrutin pouvait se tenir librement et en toute transparence ;
– alors que des radios pirates et des stations de télé fonctionnaient dans la zone CNO, toutes acquises à Ouattara Alassane, tous les autres candidats ont bénéficié du même temps d’antenne à la RTI, au premier tour. Au deuxième tour, Gbagbo Laurent a partagé équitablement le temps d’antenne sur la RTI, sous l’égide du CNCA (organe public de régulation), avec le candidat Ouattara Alassane qui a monopolisé l’espace médiatique sous contrôle de la rébellion, en violation du code électoral. Et pourtant l’ONU devait certifier l’accès équitable aux médias.
– Suite à la proclamation des résultats définitifs du premier tour, le Conseil constitutionnel a fait des observations et donné des instructions d’ordre pratique, afin que les bulletins de vote portent tous des stickers, que les représentants des candidats signent effectivement les procès verbaux et que la population électorale ne soit en aucun cas supérieure à la cartographie démographique de base.

La période postélectorale.

Elle est marquée par la controverse entretenue par l’ONU, la France et ses alliés occidentaux dont les États-Unis, la Grande-Bretagne et le Canada, au sujet des résultats proclamés par le Conseil constitutionnel et donnant vainqueur le candidat Laurent Gbagbo. Comme un seul homme, ces pays ont pris d’importantes mesures de rétorsion contre la Côte d’Ivoire, le Président Laurent Gbagbo et son entourage :
– interdiction de voyage ;
– gel des avoirs à l’étranger de près de 90 personnalités et d’entités économiques présumées proches du Président Laurent GBAGBO ;
– expulsion des ambassadeurs de Côte d’Ivoire accrédités auprès de certains gouvernements (France, Canada, Grande-Bretagne) ;
– menace du Tribunal pénal international (TPI) ;
– brouillage des signaux des médias d’État ivoiriens.
À la suite de l’Occident, les États africains, (le Burkina Faso, le Nigéria et le Sénégal), ainsi que des organisations sous-régionales (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, Union économique et monétaire Ouest africaine) ont pris les mesures suivantes :
– exclusion temporaire de la Côte d’Ivoire des instances de la CEDEAO au terme d’une réunion regroupant quatre Chefs d’Etat sur les quinze que compte l’organisation (Abuja, le 5 décembre 2010) ;
– menaces d’intervention militaire pour déloger le président Laurent Gbagbo et installer Ouattara Alassane ;
– décision du Conseil des ministres de l’UEMOA réuni à Bissau le 23 décembre 2010 et appelant la BCEAO à ne plus reconnaître le pouvoir du président Laurent Gbagbo.

Philippe Kouhon (Africa Tv)

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