Côte d’Ivoire « Le PDCI-RDA n’est pas la propriété de Bédié » selon Christophe Douka

Douka


Par Haby Niakate Jeune-Afrique

Christophe Douka est le président du syndicat des producteurs individuels de café et de cacao de Côte d’Ivoire et militant du PDCI-RDA. Il explique pourquoi, au sein de son parti, il fait partie de ceux qui sont favorables à une candidature de Essy Amara. Interview.

Le désormais célèbre « Appel de Daoukro » d’Henri Konan Bédié – appelant le 17 septembre à soutenir la candidature unique du Président Alassane Dramane Ouattara (ADO) à la prochaine présidentielle -, ils n’en veulent pas. Et ils sont bien déterminés à se faire entendre… Eux, ce sont les planteurs du plus vieux parti de Côte d’Ivoire, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI). Depuis quelques jours, ils ont décidé de prendre part au débat qui agite leur formation politique et ont même choisi leur camp, celui de l’ancien ministre d’État, Essy Amara – bien que ce dernier ne se soit toujours pas déclaré candidat à quelque candidature que ce soit. De passage à Paris, Christophe Douka, président du syndicat des producteurs individuels de café et de cacao de Côte d’Ivoire et militant du PDCI-RDA, explique les raisons de ce choix.

Jeune Afrique : Pourquoi rejetez-vous l’appel de Daoukro d’Henri Konan Bédié, le président de votre parti ?

Christophe Douka : Nous, les planteurs, sommes les propriétaires du PDCI-RDA. Si vous revenez à l’histoire du parti, vous comprendrez que tout est parti du Syndicat agricole africain (SAA) fondé par feu Félix Houphouët Boigny, avec des producteurs de café-cacao africains, afin de défendre leurs intérêts face aux colons. Les planteurs sont donc dans le « bois sacré » de ce parti et nous nous en sentons responsables depuis toujours.

Aujourd’hui, on nous explique que l’on pourrait unifier, je dirais même dissoudre le « bébé » d’Houphouët, dans un autre parti (allusion à une éventuelle fusion entre le PDCI et le RDR d’ADO, NDLR). Nous nous levons pour dire : non ! Nous disons à Bédié, que le PDCI-RDA n’est pas sa propriété et que c’est un parti qui lui a été confié temporairement.

L’appel de Bédié vous a-t-elle surpris ?

Sur le fond, pas vraiment. Mais sur la forme, c’est tout autre chose. Le fait que les procédures internes n’aient pas été respectées nous a beaucoup surpris. Nous ne sommes pas contre Bédié. D’ailleurs, l’histoire du PDCI montre que nous l’avons soutenu à plusieurs moments cruciaux. Nous sommes contre sa manière de s’asseoir et de se lever sur les statuts du parti. Cette fois-ci, il a outrepassé ses pouvoirs. Qu’il y ait des pressions extérieures, nous le comprenons. Mais tout de même, il aurait fallu, par respect, qu’il vienne nous en parler.

Il faut d’abord penser aux militants et au peuple.

Et sur le fond, êtes-vous favorable à une candidature unique des deux partis, le PDCI et le RDR, sous la bannière RHDP (Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix), dès le premier tour des présidentielles de 2015 ?

Le RHDP a été formé sur des bases claires : au premier tour chacun présente un candidat et au second, tout le monde se range derrière le candidat le mieux placé. Pourquoi vouloir changer les règles aujourd’hui ? C’est incompréhensible. Tout parti politique a pour vocation de prendre le pouvoir un jour. Quand certains dans un parti, décident de s’allier avec un autre parti pour prendre le pouvoir, sans consulter la base militante, c’est qu’il s’agit avant tout d’intérêts personnels et mesquins. Il faut d’abord penser aux militants et au peuple.

Au-delà du symbole, quel est le poids des planteurs au sein du PDCI-RDA aujourd’hui ?

Nous sommes la base du parti. La majorité des députés PDCI de l’Assemblée nationale le sont devenus grâce à notre soutien. Il est vrai que ces derniers temps on a fait de nous des béni-oui-oui dépassés par leur temps. Nous n’avons rien dit et nous avons sagement votés pour les représentants que l’on nous envoyait. Aux prochaines élections, présidentielles et législatives, cela changera, car nous avons compris que nous avons été trompés.

« Trompés », sur quel sujet ?

Depuis que le président Houphouët a fermé les yeux, rien ne va dans la filière café-cacao, contrairement à ce qui peut se dire ici et là. On nous utilise comme du bétail électoral et puis on nous jette ensuite. Nos problèmes au niveau de l’agriculture ne sont pas pris en compte comme il le faudrait et nous ne sommes pas écoutés.

Vous êtes favorable à la candidature d’Essy Amara. Pourquoi lui ?

D’abord par ce que nous sortons d’une période de turbulence qui a failli amener la Côte d’Ivoire dans un conflit multidimensionnels, et notamment religieux. Essy Amara a l’avantage d’être une synthèse. Il est du groupe Akan (important groupe ethnique de la Côte d’Ivoire, NDLR) et c’est un musulman pratiquant, respecté. Ensuite, il a un cv que personne d’autre n’a aujourd’hui en Côte d’Ivoire : ministre des Affaires étrangères, président de l’Assemblée générale des Nations unies, secrétaire général de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) etc… Il a en plus de ça un énorme respect pour Félix Houphouët Boigny. Qui faut-il aller chercher d’autre ! C’est une évidence !

Essy Amara, lui, ne s’est pas encore exprimé pourtant…

Chaque chose en son temps. Le fait qu’il ne se soit pas encore déclaré candidat est même un bon signe pour nous. C’est un démocrate accompli qui ne veut pas aller à la bataille sans le soutien de son parti, contrairement à d’autres qui sont prêts à la dissidence. On lui a demandé d’être candidat. Il n’a pas répondu, mais nous savons qu’il est prêt pour le combat.

Nous savons qu’Essy Amara est prêt pour le combat.

N’est-il pas trop tard pour imposer le choix d’une candidature au PDCI, alors que la position de votre président semble bien arrêtée ?

Rien n’est arrêté, loin de là. Dans une entreprise, on ne vend pas sans en parler aux actionnaires, aussi minoritaires soit-il. C’est encore plus vrai dans un parti politique, qui est l’émanation de militants et du peuple.

Quels sont les recours dont vous disposez ?

Nous devons normalement tenir prochainement une convention du parti. Mais nous voulons aller plus loin. Au stade où nous en sommes arrivés, il faut un congrès extraordinaire pour destituer Bédié, par ce que son « Appel » est une faute grave.

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Propos recueillis par Haby Niakaté

 

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