En Côte-d’Ivoire aucun opposant ne peut devenir président en 2015 sans l’onction de Laurent Gbagbo

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Par PRAO Yao Séraphin

«Le rôle de l’historien n’est pas de prévoir l’avenir mais de rétablir la lucidité à l’égard des processus en cours, grâce à sa pratique de la distance temporelle»
(Alain Corbin)

Depuis 1990, la Côte d’Ivoire a renoué véritablement avec le multipartisme. Désormais le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) n’est pas le seul parti qui compte dans le marigot politique ivoirien. De manière caricaturale, il y’a les partis qui sont dans l’opposition et ceux qui gouvernent. Dans le multipartisme, les alliances politiques sont devenues le seul moyen pour un parti politique d’accéder au pouvoir central. Cela s’est vérifié lors des dernières élections présidentielles de 2010 où le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) était opposé à la majorité présidentielle (LMP). Si les alliances politiques restent pertinentes dans une stratégie électorale en Côte d’Ivoire, un élément nouveau est à prendre en considération. Laurent Gbagbo, le « Moïse » de la politique ivoirienne détient la dernière clé pour ouvrir les portes du palais présidentiel à celui qui se dit opposant dans ce pays. L’ignorer est le reflet de l’immaturité politique et feindre de l’ignorer reste un suicide politique.

Laurent Gbagbo est le « Moïse » de la politique ivoirienne

La Côte d’Ivoire est un pays stratégique au sous-sol riche. Dès 1960, malgré une indépendance pacotille, la France a continué à piller les ressources de ce pays. La France décidait de tout et les entreprises françaises s’installaient dans tous les domaines. Pour mater les velléités de revendication, une base militaire est installée dans le pays pour protéger les satrapes au pouvoir contre les populations récalcitrantes. Le seul qui osa s’opposer au pillage de nos ressources c’est bien Laurent Gbagbo. L’histoire nous enseigne que l’homme qui a permis aux Israélites d’échapper à leur situation d’esclaves en Egypte, qui a fait d’eux une nation et les a conduits aux portes du pays promis à leurs ancêtres, est bien Moïse. Il fait partie des personnages les plus importants de la Bible, puisque la tradition juive lui attribue la rédaction des cinq premiers livres, nommés la Tora. Alors que les hébreux souffraient de leurs conditions d’esclaves condamnés à construire les villes des Egyptiens, Moïse vient leur dire qu’ils ne sont pas esclaves mais le peuple élu. Comme Moïse, Laurent Gbagbo a été un chef exceptionnel si l’on considère qu’il a dû, toute sa vie, faire face à une forte opposition : d’abord celle d’Houphouët Boigny (Pharaon), puis celle de certains Ivoiriens (Hébreux). Laurent Koudou Gbagbo est le premier opposant politique de l’histoire de l’indépendance de la Côte d’Ivoire. Il n’est certes pas le père de l’indépendance par contre il est le père de la démocratie, symbole de la liberté. Jacques Pelletier, homme politique français lançait en 1990 ceci : « dans ces deux dimensions inséparables que sont la construction de l’Etat de droit et la reconstruction économique, les Africains et les amis de l’Afrique devront se montrer plus exigeants dans la décennie à venir ». Laurent Gbagbo incarnait cette exigence de dignité africaine.

Les idées de Laurent Gbagbo ne sont pas périssables

Les Ivoiriens ont compris le message de Laurent Gbagbo : résister pour construire une nation par et pour les Ivoiriens. La Côte d’Ivoire ne peut pas tourner la page Gbagbo ni l’oublier car il défendait les intérêts de son pays face à la gourmandise française. Quelques jours avant l’enlèvement du pouvoir du gouvernement Gbagbo, l’Élysée avait entamé une négociation avec lui. Selon des sources concordantes, les discussions ont tourné autour des richesses du sous-sol ivoirien. L’ex-président français demande à son homologue ivoirien de retenir pour la France 80 % du pétrole ou des revenus du bassin pétrolier du Golfe de Guinée. Sur les 20 % restants, une ponction de 10 % devrait être faire pour le compte du Burkina Faso et le reste à la Côte d’Ivoire. Sur la question, les sources proches des discussions téléphoniques tripartites (Élysée, ambassade de France en Côte d’Ivoire, ministère français des affaires étrangères) indiquent que le chef d’État ivoirien aurait opposé un refus plus que catégorique. La France n’a eu d’autre alternative que d’ordonner le pilonnage de la résidence de Gbagbo et d’y positionner des rebelles.
Depuis l’éviction de Laurent Gbagbo, Total a raflé une bonne part des hydrocarbures après avoir obtenu l’acquisition d’un deuxième bloc pétrolier off-shore dans le golfe de Guinée. Les investisseurs français en général se frottèrent les mains. Paris maintient un contrôle de plus en plus étroit sur l’économie de la Côte d’Ivoire. Des groupes comme Bouygues, Orange, BNP Paribas, Société générale, Bolloré et Total y font aujourd’hui de juteux bénéfices. Le combat pour l’indépendance est toujours d’actualité. Or, il est impossible de parler de salut sans évoquer le sauveur. Laurent est depuis la Haye celui qui décidera pour l’opposant qui gagnera les élections prochaines.

Pour rappel, en 2010, à l’issue du second tour, Ouattara est proclamé le 2 décembre quatrième président de Côte d’Ivoire avec 54,10 % des voix. Mais le conseil constitutionnel invalide les résultats dans les régions du Nord et annonce la réélection de Laurent Gbagbo avec 51,45 % des voix.
Supposons que le RHDP a gagné les élections avec 54% des voix. De façon caricaturale, on peut dire que le PDCI et le Rassemblement des républicains (RDR) se partagent chacun 27%. Si on considère la fronde actuelle au PDCI, il n’est pas superflu de dire que la moitié est dans l’opposition. Finalement l’appel de Daoukro ne concerne que 40,5% (27% +27%/2). Il ressort que l’opposition est majoritaire dans ce pays. Ce qui est très intéressant en termes de stratégie politique et qui met Laurent Gbagbo au centre du débat politique, c’est que ses 46% font la différence. En effet, compte tenu de l’appel de Daoukro, l’irréductible qui voudra se présenter devra compter sur les 46% de Laurent Gbagbo pour gagner.

Le candidat de l’opposition qui voudra également gagner les prochaines élections doit s’assurer de compter totalement sur les 46% de Laurent Gbagbo avant de lorgner vers les déçus du PDCI et du RDR. Tout autre calcul n’est que factice. Laurent Gbagbo reste et restera dans le cœur des Ivoiriens car il est le Moïse de la politique ivoirienne. Hier dans son combat politique, il y avait une pensée dominante, que beaucoup d’Ivoiriens partageaient avec Laurent Gbagbo, qui revendiquait une égalité sociale, là où la hiérarchisation des classes sociales ou politiques était fortement installée par Félix Houphouët-Boigny. Aujourd’hui encore, ce combat reste actuel. Il est vrai que les forces spéciales de l’opération Licorne l’ont capturé dans son palais présidentiel et déporté à la Haye pour autant son esprit reste vivace dans la pensée des Ivoiriens.

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