Afrique du Sud : Les dégâts du contrôle des changes ?

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Temba Un Nolutshungu

Même si le contrôle des changes en Afrique du Sud semble inconstitutionnel, la banque centrale sud-africaine (SARB) a tout fait pour défendre sa politique de change lorsque M. Shuttleworth, l’entrepreneur milliardaire, a demandé à la Cour constitutionnelle de déclarer cette politique abusive.

La stratégie la moins couteuse et la plus efficace pour la SARB serait d’annoncer la suppression immédiate des derniers vestiges de cet apartheid. Inévitablement, le contrôle des changes dans ce pays va être supprimé un jour comme ailleurs dans le monde. La persistance de ces contrôles anachroniques met l’Afrique du Sud sur la courte liste des États parias dans le monde.

Chaque pays qui a réussi économiquement a depuis longtemps abandonné le contrôle des capitaux instauré par Hitler en 1934 (Reich’s Flight tax). Des contrôles similaires ont été introduits en Afrique du Sud par HF Verwoerd et le régime de l’apartheid en 1961, après Sharpeville. Pourtant, au cours des dernières décennies, le Royaume-Uni, les États-Unis, le Canada, tous les pays européens, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la plupart des pays africains, et même Maurice, ont cessé d’appliquer cette stratégie qui a échoué. Le Chancelier britannique Nigel Lawson (1983-1989) a fait remarquer que la suppression du contrôle des changes au Royaume-Uni en 1979 a marqué le début de « … plus d’une décennie de croissance rapide et de prospérité … faisant de la Grande Bretagne le chef d’orchestre de l’Union européenne ».

En 1995, le ministre des Finances sud-africain Trevor Manuel a annoncé un « processus de libéralisation progressif » sur cinq ans parce que «… le Rand n’est pas sous notre contrôle …». L’année suivante, le président Nelson Mandela a annoncé, lors de l’ouverture de la cession parlementaire, que « la question n’est pas de savoir si oui ou non ce contrôle doit être éliminé, mais quand le sera t-il? ». « Mais près de deux décennies plus tard, nous demeurons coincés avec ces rappels ignobles d’un passé raté, faisant autant de dégâts à notre économie aujourd’hui qu’auparavant ».

Des économistes nationaux et internationaux bien connus ont prévenu à plusieurs reprises des effets néfastes du contrôle des changes, lequel exacerbe la fuite des capitaux et n’empêche pas les gens d’acquérir des actifs étrangers sans « permission ». En effet, il force les entrepreneurs et les individus hautement qualifiés qui veulent faire du commerce avec le reste du monde à quitter le pays, en emportant leurs capitaux et leurs compétences avec eux. M. Shuttleworth n’est qu’un exemple parmi plusieurs milliers de cas non déclarés. Les moratoires anti-fuite des capitaux n’ont révélé que quelques-uns des nombreux milliards qui ont quitté le pays en dépit de ces contrôles draconiens de l’apartheid. Ils poussent les meilleurs talents et les contribuables payant les impôts les plus élevés à émigrer afin d’être en mesure de diversifier les risques de leur portefeuille.

Le contrôle des changes n’est pas seulement un « désagrément » pour les riches, mais conduit aussi à abaisser les rendements, ajustés au risque, des pensions et des retraites gérées par les fonds d’investissements, au détriment de chaque retraité, de leurs veuves, des personnes à leur charge et de leurs héritiers. Notons que cette politique supposée assurer la sauvegarde de la valeur de la monnaie est en échec. En effet, en 1970, le rand était plus fort que le dollar américain (1$ = 0,72R). Malgré l’existence du contrôle des changes, le rand a perdu du terrain par rapport au dollar de sorte qu’en mars 1982, le rand et le dollar ont affiché la parité parfaite. Comme chacun le sait, la spirale à la baisse s’est poursuivie jusqu’à nos jours et aujourd’hui 1$ vaut environ 11R.

Le contrôle des changes fausse le marché et transfère la richesse des exportateurs aux importateurs et ceux détenant de la dette extérieure. Il pousse les investisseurs, locaux et étrangers, à devenir méfiants vis-à-vis d’un gouvernement qui applique des règles différentes de celles en vigueur dans le reste du monde. Il pousse les investisseurs à douter sérieusement de la volonté du gouvernement de croire en lui-même ou en l’avenir de son pays. Cette méfiance conduit à imposer une prime de risque sur le coût de tout investissement local et sur le financement du gouvernement.

En théorie, le but du contrôle des changes est de garder le capital dans un pays afin d’accroître les sources de financement de l’investissement domestique et réduire le coût du capital. Cependant, comme le note l’économiste Dr. Brian Kantor, l’abandon du contrôle des changes réduirait de manière significative non seulement les frais bancaires et les autres coûts de gestion d’une entreprise mondiale depuis l’Afrique du Sud, mais aussi conduirait à une réduction sensible de la prime de risque existante exigée sur tout investissement en Afrique du Sud. En tant que tel, il permettrait effectivement de réduire le coût du capital en Afrique du Sud. Si le gouvernement abandonnait le contrôle des changes, le fonctionnement naturel des marchés mondiaux permettrait automatiquement de stabiliser la monnaie chaque fois qu’elle est sur-demandée ou sur-offerte, introduisant plus de liquidité et moins de volatilité.

Les avantages de la mise au rebut des derniers vestiges du contrôle des changes ne permettront pas seulement de sauver la face de la SARB, mais aussi de contribuer à la stabilisation du rand et attirer et retenir le capital.

Temba Un Nolutshungu est directeur de la Free Market Foundation. Article initialement publié en anglais par www.freemarketfoundation.com – Traduction réalisée par Libre Afrique – Le 24 novembre 2014

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