Côte d’Ivoire – l’Etat doit financer les partis politiques pour éviter la vente aux enchères de notre pays

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Prao Yao Séraphin

«Le plus grand malheur d’un parti politique dont les idées sont déjà taxées de vieillesse, c’est d’être représenté par des vieillards»
(Honoré de Balzac)

Si les partis politiques sont des machines électorales, ils restent surtout des arènes de débat. Or le débat politique est une pièce essentielle de la démocratie pluraliste. Les partis politiques sont également des groupements de socialisation. En effet, les partis politiques sont des organisations qui tendent à discipliner les élus et favoriser la prise de conscience des solidarités entre groupes sociaux différents. Au regard de l’importance de leur fonction, les partis politiques doivent avoir le financement nécessaire pour leurs activités. C’est le cas de la Côte d’Ivoire qui retiendra notre attention dans ce texte.

Les principaux postes de dépenses des partis politiques et les modes de financement

Quelle que soit l’importance du parti, on peut toujours en distinguer quatre catégories : les coûts fixes de fonctionnement intérieur, les dépenses de formation des militants, le coût des activités externes de propagande et le financement des campagnes électorales. Au niveau du financement des partis politiques, on peut également distinguer quatre catégories : les cotisations des adhérents et militants, les libéralités des particuliers et des entreprises, les financements occultes et les aides publiques.

Le financement des partis politiques en Côte d’Ivoire

Sous le Président Gbagbo, les partis politiques étaient financés. Il a été votée la loi du 9 septembre 2004 relative au financement sur fonds publics des partis et groupements politiques et des candidats à l’élection présidentielle et abrogeant la loi n° 99-694 du 14 décembre 1999. A cette époque, le RDR ne remplissait pas les conditions pour bénéficier de ce financement. Mais de façon dérogatoire, conformément aux Accords de Pretoria I et II, le parti de l’actuel Président en a bénéficié. Selon plusieurs sources, cette dérogation a permis au RDR d’obtenir de 2006 à 2008 un financement de 1.538.142.666, tout comme le FPI et le PDCI. Les autres partis à savoir le MFA, l’UDPCI, l’UDCY et PIT, ont eu 1,6 milliard. En dehors du montant global de 6, 3 milliards dont tous ces partis ont bénéficié dans le cadre du financement officiel, le total des financements publics avoisinent les 11 milliards de FCFA sous Gbagbo Laurent. Lorsqu’on regarde ce que la France accorde aux partis politiques, on apprécie l’effort de Gbagbo pour la démocratie en Côte d’Ivoire. En effet, pour 2014, le financement des partis politiques français s’élève à 63 millions d’euros. Et pour notre propre gouverne, la répartition des aides publiques aux partis pour 2014, publiée le 8 février 2024, au Journal officiel, plaçait le Parti socialiste nettement en tête des bénéficiaires, dans la logique de sa majorité au Parlement.

Aujourd’hui, en Côte d’Ivoire, le Président Ouattara refuse de financer les partis politiques ivoiriens. Son premier ministre se contente de communiquer sur un projet de loi sur le financement des partis politiques au millième des ressources fiscales de la Côte d’Ivoire.

Le financement public épargne le pays de la vente aux enchères de ses richesses

Si la Côte d’Ivoire ne finance pas les partis politiques alors ces derniers iront vers les financements occultes. Même s’il est très difficile de lutter contre ces financements, on sait qu’ils ont deux origines : soit le désir des entreprises d’obtenir, en retour de leur générosité, des contreparties frauduleuses, soit leur dépendance à l’égard du pouvoir politique. Dans les pays où les institutions sont faibles, le financement public des partis politiques peut être favorable aux populations.
On évite les marchés de gré à gré. La nécessité de se prêter au système des commissions pour ne pas être exclues des marchés. En acceptant le financement de certaines entreprises, une fois au pouvoir, le parti victorieux aux élections se contentera d’octroyer des marchés de gré à gré à ces entreprises. Très récemment, l’Autorité nationale de régulation des marchés publics en Côte d’ Ivoire (ANRMP) a épinglé la gestion approximative et lapidaire du Docteur Ouattara. Selon cette Autorité, plus de 75% des marchés publics sont passés de gré à gré en Côte d’Ivoire, de 2011 à 2013.

On évite le bradage de nos richesses. Dans les pays francophones, les multinationales françaises cherchent à financer les partis politiques qui ne cherchent pas à défendre les intérêts des pays africains. Le règne de Bolloré et de Bouygues en Afrique francophones n’est pas fortuit. En Côte d’Ivoire, par exemple, l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) a remis en question l’attribution en 2013 du deuxième terminal à conteneurs du port d’Abidjan à un consortium dont fait partie le groupe français Bolloré.

On évite la recolonisation du pays. Après les décennies d’indépendances, les occidentaux ont décidé de reprendre la main en recolonisant ce qui reste en Afrique comme richesses. Et la terre est une cible. Pendant que plusieurs pays du continent dépendent des importations pour nourrir leur peuple, les Africains vendent leurs terres aux étrangers avec l’aide des gouvernants. En fait, des grandes firmes financent certains partis politiques en leur demandant d’inscrire dans leurs projets de société des dispositions favorables à cette recolonisation. Une étude de 2010, englobant trente pays africains affirme qu’au moins 50 millions d’hectares de terres cultivables (500 000 km2, c’est-à-dire une superficie supérieure à celle du Cameroun ou du Maroc, pour n’en citer que quelques-uns), sont passés, durant les quatre années, aux mains d’entreprises et de gouvernements étrangers. Les pays du Golf, l’Arabie Saoudite, le Bahrein, Oman, le Quatar se sont rendu compte qu’ils ne pouvaient pas compter sur les marchés régionaux et mondiaux pour alimenter leurs peuples, pour cela, ils ont tourné les yeux vers l’Afrique afin d’acquérir des terres, se transformant ainsi en pionniers de ce nouvel agro-colonialisme.

On évite l’intégrisme religieux. Si l’Etat refuse de financer les partis politiques, ils pourront se tourner vers l’argent des intégristes religieux. Dans un pays laïc, il faut se garder des injonctions religieuses et la meilleure façon de l’éviter c’est d’empêcher que des religieux financent les politiques. A l’origine, une loi sur le financement public des partis politiques est destinée à moraliser la vie politique et les campagnes électorales. L’Etat ivoirien doit financer les partis politiques pour éviter les immixtions étrangères dans les affaires du pays.

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