Côte d’Ivoire San Pedro – Les cybercafés se vident depuis la traque des cybercriminels

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Par Manuella Yapi

C’est le week-end et Yao, gérant d’un cybercafé à San Pedro, cité balnéaire dans le sud-ouest ivoirien, s’occupe comme il peut sur Internet, dans un beau cadre aux chaises hélas vides, suite à un contrôle des forces de l’ordre pour lutter contre les cybercriminels, soupçonnés d’être des enleveurs d’enfants.

Sur les murs étonnamment blancs (la poussière est présente partout dans la cité) et sur chacun des boxs boisés de ce commerce bien entretenu, des feuilles de papier Rame fixées par du ruban adhésif affichent en grands caractères gras: « Accès interdit au moins de 18 ans » ou encore « Les sites pornographiques et les jeux vidéos sont interdits ».

« Il n’y a personne parce que nous avons fixé de nouvelles règles après la visite des gendarmes ici. La majeure partie de nos clients étaient les moins de 18 ans mais on a décidé de ne plus les recevoir et en plus maintenant on ne reçoit que les clients de l’hôtel » auquel appartient ce cybercafé, explique-t-il, terriblement ennuyé.

Outre les mesures propres à ce commerce relié à un établissement hôtelier, les forces de défense ont ordonné depuis le 27 janvier, date du début des visites de contrôle, tous les gérants sont sommés de cesser leurs activités dès « 21h ».

Situé en bordure de route, le « cyber » géré par Jérémy, d’ordinaire bondé de monde en début de week-end et dans lequel il n’existe d’ailleurs aucune restriction, est loin d’afficher complet après la visite des forces de l’ordre: à peine trois jeunes clients pour la douzaine de places assises disponibles.

Le regard vide, il avance avoir été menacé de fermeture malgré la présentation de « tous les papiers » en sa possession lors du contrôle de la gendarmerie, même s’il avoue ne pas avoir eu vent de certains documents réclamés.

Manque d’informations et incompréhensions entre les forces de l’ordre et les propriétaires

Propriétaire de deux cybers dont un a été fermé dans le cadre de ces contrôles inopinés, Marcel K. dit ne pas avoir connaissance, lui aussi, de certains documents réclamés, notamment ceux qui concernent l’Autorité de régulation des télécommunications de Côte d’Ivoire (ARTCI).

« Je ne savais pas qu’il fallait se faire identifier à l’Artci sinon je l’aurais fait dès le départ », se dédouane-t-il, à l’entrée de son commerce assez exigu, avec des motifs muraux fleuris, ne pouvant recevoir que six clients répartis sur deux rangées de boxs verticales.

Interrompu par des clients pour une rallonge du temps de connexion, il ajoute que ces contrôles auraient du intervenir après une période de « prévention », tout en regrettant le manque d’explications de la part des forces de l’ordre: »certains ne savent même pas pourquoi ils font ces vérifications ».

« C’est de la mauvaise foi! », réplique fermement un officier des forces de l’ordre qui se demande bien comment certains propriétaires de cybercafés s’y sont pris pour « être en règle », alors que d’autres prétendent n’en avoir jamais entendu parler.

« Plus d’une vingtaine de cybers ont été fermés et ce n’est que le début », prévient-il tout en insistant sur le fait que « les brouteurs », entendez cybercriminels, sont souvent « indexés » dans les cas d’enlèvements d’enfants (plus de 20 cas en trois mois) qui créent la psychose dans tout le pays.

Estimant qu’il n’y a « pas de lien entre les enlèvements d’enfants et les cybercafés », bien qu’il admette à demi-mots que son commerce est parfois fréquenté par ces criminels des temps nouveaux, Marcel soutient que « les vrais brouteurs ne fréquentent même plus les cybercafés, ils ont leur propre ordinateur et leur connexion ».

Si le cyber géré par Yao est déjà enregistré au niveau de l’Artci, Marcel, tout comme Jérémy, est plus réticent et émet des réserves: « franchement je suis allé sur leur site internet, mais je ne me suis pas fait enregistrer ».

« Si je donne toutes les informations qu’ils demandent, ils pourront tout contrôler à partir de leurs bureaux. Et si un brouteur sévit ici, c’est moi qui paierai les pots cassés », dit-il, hochant la tête en signe de refus.

Puis d’ajouter, visiblement agacé par les démarches administratives: « on nous demande aussi de tenir un registre dans lequel on doit noter l’identité de tous ceux qui viennent, mais on n’est pas la police quand même! Non seulement c’est fatigant mais en plus ça va faire fuir les clients ».

A tort ou à raison, de lourds soupçons pèsent sur les brouteurs, ainsi que les adeptes du mysticisme concernant des cas récurrents d’enlèvements d’enfants (25 en trois mois) dont plusieurs cas de mutilations, enregistrés en Côte d’Ivoire. A San Pedro, les cybercafés font l’objet de contrôle et les forces de défenses effectuent des « tours dissuasifs » devant les établissements scolaires, à titre préventif.

MYA

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