Côte d’Ivoire – pourquoi le FMI autorise le Président Ouattara à réendetter le pays ?

christine lagarde alassane ouattara 7 janvier 2013

PRAO Yao Séraphin

En Afrique, les institutions de Bretton Woods, le FMI et la Banque mondiale sont devenus les tuteurs des politiques économiques à la faveur de l’application des programmes d’ajustement structurels. Ces institutions n’ont d’ailleurs pas une bonne presse dans les pays pauvres à cause de leurs attitudes souvent cavalières. En plus la Banque mondiale et le FMI étaient confrontés à une crise de légitimité. En 2007, la démission forcée du président de la Banque mondiale, Paul Wolfowitz, accusé de népotisme, et le départ précipité du directeur général du FMI, Rodrigo de Rato, avaient accéléré la perte de crédibilité de ces deux institutions. Sur le continent, leurs recettes consignées dans ce qu’ils s’appellent « consensus de Washington » (privatisations, déréglementation forcenée, abandon des protections douanières, réduction des budgets sociaux…) sont partout critiquées.
Même si aujourd’hui, on assiste à une remontée en puissance de ces deux institutions et en particulier du FMI, qui utilise la crise mondiale pour élargir ses domaines d’activités, elles demeurent les protectrices des intérêts des transnationales occidentales. Les projets de déforestation et d’exploitation minière financés par la Banque mondiale l’illustrent assez parfaitement. Dans la réalité, les reformes cosmétiques engagées et un discours officiel de rupture avec le consensus de Washington n’ont rien changé. Sinon comment comprendre qu’après l’atteinte du point d’achèvement de l’initiative PPTE, la Côte d’Ivoire s’endette à nouveau à un rythme effrayant avec la complicité tacite du FMI ? Selon la lettre du continent n°700 du 18 février 2015, les prêts de l’Eximbank chinoise en faveur de la Côte d’Ivoire ont atteint 4,4 milliards de dollars depuis 2011. Ce volume dépasserait de loin les engagements de la France et ce, malgré le recyclage de plus d’un milliard d’euros de dette en décembre passé sous forme de contrat désendettement développement (C2D). Le Président Ouattara ne s’arrête pas là, il souhaite que le volume des prêts auprès de l’Eximbank atteigne 10 milliards de dollars à l’horizon 2020. Dans une dynamique de concurrence aux pays développés, la Chine a décidé d’investir massivement dans les pays disposant des richesses naturelles qui lui manquent. Du coup, les prêts accordés par la Chine aux PED constituent une alternative moins coûteuse et dépourvue des conditionnalités imposées par les institutions de Bretton Woods. Il est vrai qu’en recourant au FMI pour obtenir des aides financières d’urgence, les pays du Sud et d’Europe de l’Est doivent renforcer l’application des conditionnalités imposées, pour autant il ne faut pas perdre de vu le risque de surendettement.

Dans le cas de la Côte d’Ivoire, la probabilité d’un surendettement est très élevée. Rappelons qu’au 30 juin 2013, le stock de la dette s’établissait à 3.843,92 milliards FCFA, c’est-à-dire quelques mois après l’annulation d’une part importante du stock de la dette. En moins d’une année, le régime Ouattara a emprunté plus de 1500 milliards soit juste un peu moins que le différentiel du PIB (12000 milliards en 2012 et 14000 milliards en 2013). Et en 2014, le stock est 7804 milliards de FCFA soit un montant supérieur à celui de 2011 (6264 milliards).

Il est vrai qu’un Etat ne fait jamais faillite mais il fait défaut. Des méthodes existent pour régler le problème de la dette des pays pauvres.

En premier lieu, il faut faire de la baisse des dépenses publiques une priorité. En c’est leur inertie qui condamne la dette à augmenter.

En deuxième lieu, il faudra adopter une vision consolidée de la dette publique. Il s’agira de ne pas se focaliser uniquement sur le budget mais prendre en compte l’ensemble des transferts et des engagements réciproques.

En troisième lieu, il faudra établir une règle constitutionnelle interdisant les déficits publics.

En quatrième lieu, il faudra encadrer et contrôler le trésor dans ces activités d’emprunt.

En cinquième lieu, il faudra associer les populations à la décision d’endettement. Cela pourra se faire à travers les débats parlementaires. En effet, selon l’article 14 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, il est écrit que « les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée ».
En sixième lieu, il faudra mettre en œuvre de bonnes politiques macroéconomiques pour garantir une croissance durable.

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