Côte d’Ivoire – Attention à la fraude électorale après la déclaration du porte-parole du gouvernement

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Attention à un conflit post électoral en 2015

Déclaration du porte-parole du gouvernement ivoirien, Bruno Nabagné Koné

En date du mercredi 22 avril 2015, Monsieur Bruno Nabagné KONE, Ministre de la Poste, des Technologies de l’Information et de la Communication, Porte- Parole du gouvernement ivoirien, nommé par SEM Alassane Ouattara déclarait dans son point de presse se prononçant sur l’enlèvement d’un proche de SEM ESSY Amara et je cite : « Tous les observateurs accordent au Chef de l’Etat pratiquement toutes les chances de remporter ce scrutin là… qu’il n’y a aucun intérêt politique , ni pour le gouvernement, ni pour les partis du RHDP à mener ce type d’acte dans une confrontation qui est gagnée d’avance… ».

Cette affirmation de son auteur relève d’une grotesque injure au peuple Ivoirien et d’un manque d’humilité et de sérénité dans son camp. Qu’entend-t-il par les observateurs ? Connaît-il cette notion ? N’est-ce pas les mêmes observateurs qui s’interrogent sur la transparence des élections ? N’est-ce pas ces mêmes observateurs qui ont jeté l’émoi dans son camp en demandant l’ouverture des investigations sur les crimes commis par des responsables de son camp communément appelés les Pro-Ouattara ?
Au fait, que veulent le régime d’Alassane OUATTARA et son gouvernement ? Une autre crise post électorale ? Non la Communauté Internationale ne leur fera pas ce plaisir ? C’est pourquoi, dès cet instant, il faut s’interroger sur le mutisme de la Représentante Résidente de l’ONUCI. Qu’elle soit certaine, si elle ne joue pas son rôle, d’aider ce pays à s’inscrire dans une alternance démocratique apaisée et à installer des institutions fortes, elle sera récusée par le peuple et la coalition de l’opposition significative.

Pour revenir aux déclarations de Monsieur Bruno Nabagné KONE, il faut faire observer que son assurance de gagner ces élections d’avance se fonde sur la machine électorale déjà mise en place dont l’objectif est la fraude massive électorale. Les compartiments de cette machine sont :

1- Le tripatouillage du listing électoral

Tout d’abord, l’ouverture des audiences foraines s’est faite sans publicité notoire. De plus, elle est discriminatoire en ce sens qu’elle se déroule normalement dans les régions acquises au régime en place et limitée dans les zones hostiles et sans les représentants des chefs coutumiers et des partis politiques. Ensuite, dans des établissements scolaires, secondaires et techniques, les parents d’élèves font état de ce qu’on demanderait à leurs enfants de refaire leurs Cartes Nationales d’Identité. A quelles fins ? On n’en sait rien.
Enfin, c’est encore le même, opérateur technique SAGEM qui est à l’origine du conflit post électoral de 2010 qui est coopté pour confectionner la liste électorale de 2015, quand bien même, il revient sous un autre statut juridique. Et pourtant, la suspicion légitime est marquée dans l’esprit des populations ivoiriennes à l’égard de cet opérateur.

2- La Commission Electorale Non Indépendante et Partiale

Tout d’abord, à observer la nouvelle loi N°2014-335 du 05 Juin 2014 modifiant la loi N°2004-642 du 14 Décembre 2004 et les décisions N°2005-06/PR du 15 Juillet 2005 et N°2005-11/PR du 29 Août 2005, elles mêmes modifiant la loi N°2001-634 du 9 Octobre 2001, portant composition, organisation, attributions et fonctionnement de la Commission Electorale, on s’aperçoit qu’elle porte en elle les germes de sa dépendance entière à l’égard du pouvoir exécutif et aux partis politiques. Dès lors, nous constatons que la Commission Electorale ivoirienne n’est en rien indépendante violant ainsi l’article 32 de la Constitution de notre pays. En effet, celui-ci dispose que : « l’organisation de la supervision du référendum et des élections est assurée par une Commission Indépendante ». Fort de cet argument, l’opposition significative ouvrira la procédure du contentieux constitutionnel pour inconstitutionnalité de la présente loi N°2014-335 du 5 Juin 2014.
Ensuite, cette Commission Electorale est partiale. En effet, l’article 5 nouveau du chapitre III de ladite loi prescrit que : « La Commission Electorale Indépendante est composée de membres permanents et de membres non permanents…Les membres de la Commission Centrale sont :
– Un représentant du Président de la République ;
– Un représentant du Président de l’Assemblée Nationale ;
– Un représentant du Ministre chargé de l’Administration du Territoire ;
– Un représentant du Ministre chargé de l’Economie et des Finances ;
– Un magistrat désigné par le Conseil Supérieur de la Magistrature ;
– Quatre représentants de la Société Civile, dont deux issus des Confessions religieuses, un issu des Organisations Gouvernementales Non Confessionnelles, et un avocat désigné par le Barreau ;
– Quatre représentants des Partis ou Groupements Politiques de l’opposition…
Les propositions sont adressées au Ministre chargé de l’Administration du Territoire, qui en établit la liste et la soumet au Conseil des Ministres, pour nomination ».
A la lecture de ce texte, on est surpris de constater que sur les dix-sept (17) membres, neuf (09) sont déjà nommés par le régime d’Alassane OUATTARA. Il s’agit des quatre (04) représentants issus des Partis ou Groupements Politiques au pouvoir, ceux de l’Administration du Territoire, de l’Economie et des Finances, du Président de l’Assemblée Nationale, du Président de la République et du Conseil Supérieur de la Magistrature en ce sens que le Président de la République en est le Président de ce Conseil.
Sur les huit autres membres restants, il faut s’interroger sur la nature et le statut juridiques des organisations de la société civile habilitées à désigner les quatre postes qui leur sont pourvus. Quant aux quatre autres affectés aux Partis ou Groupements Politiques dits de l’opposition, quels sont les critères objectifs et consensuels qui ont été arrêtés. A la réalité, ces partis dits de l’opposition sont les Partis ou Groupements affiliés ou jouant le jeu du régime d’Alassane OUATTARA et du gouvernement qu’il a nommé.
En continuant d’analyser le texte, on s’aperçoit que les membres de la Commission Electorale sont nommés par le pouvoir exécutif et non élus. Dans ces conditions, peut-on parler d’indépendance et d’impartialité des membres de ladite Commission?
En somme, vous convenez avec moi, que se fondant sur les développements qui précèdent, force est de reconnaître que la Commission Electorale ivoirienne est partiale, non indépendante et ruinée de sa substance.

3- L’impartialité et la dépendance du Conseil Constitutionnel Ivoirien

Notons que l’organisation du Conseil Constitutionnel de notre pays résulte de la Constitution elle-même, celle du 1er Août 2000. Mais elle est complétée par la loi organique du 05 Juin 2001 déterminant l’organisation et le fonctionnement du Conseil Constitutionnel.
Faisons observer que, la section I du chapitre premier de ladite loi organique parlant des membres du Conseil Constitutionnel prescrit que « Trois catégories de membres composent le Conseil Constitutionnel :
– Le Président nommé par le Président de la République ;
– Les anciens Présidents de la République ;
– Six (06) membres dont trois (03) nommés par le Président de la République et trois par le Président de l’Assemblée Nationale »
Interprétant ce texte, on admet que les membres dudit Conseil ne peuvent être impartiaux encore moins indépendants, puisqu’ils tiennent leurs positions du vouloir du régime d’Alassane OUATTARA et du gouvernement qu’il a nommé en dehors des anciens Présidents de la République et dont aucun ne siège au Conseil.
On peut donc conclure que cette loi organique voulue par ses auteurs, avait pour but de tailler un Conseil Constitutionnel sur mesure. Tel fut l’objectif qui a motivé le régime de SEM Laurent GBABGO et du gouvernement qu’il avait nommé.
SEM Alassane OUATTARA l’avait qualifié d’injuste et de douteuse. De plus, n’est-ce pas cette loi organique qui est à l’origine du conflit post électoral ayant entraîné plus de trois mille (3 000) morts. La bienséance aurait voulu que le Président Alassane OUATTARA au cours de son mandat donne des instructions à son gouvernement afin d’adopter un projet de loi organique relatif à l’organisation et au fonctionnement du Conseil Constitutionnel, dont l’esprit serait d’affirmer définitivement l’indépendance totale et l’impartialité inaliénable dudit Conseil.
Mais non, soucieux de se maintenir au pouvoir d’Etat par la force, la tricherie, le faux, il se complait avec cette loi, poussant son outrecuidance jusqu’à nommer Monsieur KONE Mamadou, Magistrat hors hiérarchie, Président du Conseil Constitutionnel. S’il est vrai que du point de vue de ses compétences et connaissances juridiques, il ne souffre d’aucune insuffisance, n’a-t-il pas pour autant trahi son serment de magistrat, en acceptant d’être Secrétaire Général par intérim des Forces Nouvelles, rébellion armée ivoirienne ?

C’est la loi N°78-662 du 4 Août 1978 portant statut de la magistrature telle que modifiée et complétée par les lois N°94-437 du 16 Août 1994 et N°94-498 du 6 Septembre 1994, en son article 8 alinéa 1 qui dispose que : « Tout magistrat lors de sa nomination à son premier poste et avant l’entrée en fonction prête serment ». Et à l’alinéa 2 de nous indiquer la formule de ce serment de magistrat en ces termes : « Je jure de bien et fidèlement remplir mes fonctions et de me conduire en tout, comme un digne et loyal magistrat ».
N’a-t-il pas trahi son serment en intégrant la rébellion armée des Forces Nouvelles d’autant plus que celle-ci a porté atteinte à l’intégrité territoriale de notre pays alors que la Constitution impose le respect de l’intégrité territoriale ? S’est-il comporté en loyal magistrat vis-à-vis de notre pays alors que celui-ci a été divisé par la rébellion armée des Forces Nouvelles ? A-t-il rempli fidèlement ses fonctions en s’affiliant au groupe armé des Forces Nouvelles qui a commis des actes qui tombent sous le coup des infractions graves ? Peut-il encore honorer les principes qui gouvernent le juge à savoir l’impartialité, l’intime conviction, l’application de la loi rien que la loi, la présomption d’innocence et j’en passe ? Peut-il inspirer encore confiance vis-à-vis des justiciables et du peuple de Côte d’Ivoire car la justice est rendue au nom du peuple ? Le droit est source de conflit et de paix selon l’application qu’en fait celui qui en détient un pouvoir. Comme on le voit, l’actuel Président du Conseil Constitutionnel doit non seulement démissionner de ses fonctions de Président dudit Conseil mais aussi de sa fonction de magistrat.
En somme, il faut rappeler que le candidat Alassane OUATTARA a été élu de façon calamiteuse lors du scrutin présidentiel de 2010. De même, les élections locales ont été organisées sans la participation du parti de SEM Laurent GBAGBO, qui a obtenu respectivement 42% au premier et près de 47% au second tour du scrutin présidentiel de 2010. C’est dire que les Institutions actuelles de notre pays ne sont pas représentatives du peuple de Côte d’Ivoire. Or, ce sont les Présidents de ces Institutions qui désignent les membres de la Commission Electorale et du Conseil Constitutionnel.

4- Le nouveau code électoral ambigu et source de fraude électorale

Le nouveau code électoral adopté début avril 2015 par notre Assemblée Nationale, modifiant celui d’août 2000 contient deux dispositions obscures et à terme sources de conflit.
Le premier est relatif à l’article 9 nouveau qui dispose après réécriture que « Tout ivoirien remplissant les conditions pour être électeur peut s’inscrire sur la liste électorale de la circonscription de son choix à condition d’avoir sa résidence ». A analyser ce texte, on s’interroge sur la notion juridique de résidence. S’agit-il de la résidence habituelle ou secondaire ? Aussi ce flou laissé à dessein sera savamment utilisé par le candidat Alassane OUATTARA et son régime pour majorer le nombre de votants en leur faveur.
Le second texte est l’article 21 nouveau qui prescrit que « …les bureaux de vote seront installés aussi bien dans les lieux publics que dans les lieux privés…en dehors des domiciles ». Là encore plusieurs questions se posent. Quels sont les critères de sélection des lieux privés ? Ont-ils été définis de façon consensuelle avec l’opposition significative ? Quelle est l’opportunité d’une telle décision proposée par le projet de loi du gouvernement nommé par le candidat Alassane Ouattara ? Projet de loi adopté par un parlement non représentatif acquis à sa cause. En fait, le régime du Président Alassane OUATTARA veut organiser des élections non transparentes et opaques afin de proclamer son candidat vainqueur. Sinon toutes les circonscriptions administratives de notre pays comprennent assez de lieux publics capables de contenir le déroulement des élections.

5- Un système des forces de défense et de sécurité clanique et régionaliste

Selon les statistiques du Ministère Ivoirien auprès du Président de la République chargé de la Défense et du Ministère Ivoirien de l’intérieur et de la sécurité, les effectifs de ces forces avoisineraient les trente mille (30 000) en 2015. Sur ce total, les 2/3 viendraient du Grand Nord de la Côte d’Ivoire, zone dont est issu le candidat Alassane OUATTARA. En outre, le problème est que ces 2/3 ont été recrutés après la crise post électorale de 2010 et viendraient des contingents de la rébellion armée des Forces Nouvelles ayant aidé le candidat Alassane OUATTARA à accéder au pouvoir d’Etat. Par ailleurs, selon le rapport d’un groupe d’experts du Conseil de Sécurité de l’ONU, rendu ce jeudi 23 Avril 2015, cinq mille (5000) ex-combattants détiennent encore des armes. Et presque vingt mille (20 000) ex supplétifs de la rébellion armée des Forces Nouvelles ne sont pas encore démobilisés et se sont évaporés dans la nature. Du coup, la sécurisation des élections, la sécurité des biens et des personnes notamment les opposants et candidats déclarés au régime d’Alassane OUATTARA sont remises en cause. C’est l’un des facteurs sur lesquels compte le régime d’Alassane OUATTARA pour intimider et brutaliser les électeurs et les candidats de l’opposition pour ne pas qu’ils accomplissent leurs devoirs de vote le jour du scrutin en octobre 2015 après une campagne à risque.

6- L’utilisation des deniers et biens publics pour la campagne du candidat Alassane OUATTARA

Depuis ces quatre dernières années, SEM Alassane OUATTARA, Président de la République, a concentré toutes les ressources financières affectées au budget d’investissement dans son Programme Présidentiel d’Urgence (PPU). A la réalité, il s’agit d’un budget de propagande et de campagne pour sa réélection en 2015.
En outre, le patrimoine de l’Etat est mobilisé à chaque fois qu’il organise des sorties sous prétexte des visites de travail. Il s’agit des biens meubles et immeubles, des ressources financières de l’Etat et des médias d’Etat. Et pourtant, jusqu’à ce jour l’opposition significative ne jouit pas de ces avantages.

Au total, après l’exposé de tout ce qui précède, vous comprenez les raisons des propos de Monsieur Bruno Nabagné KONE, porte-parole du gouvernement nommé par le candidat Alassane OUATTARA, lorsqu’il dit : « …une confrontation gagnée d’avance ». Ce qu’il ne sait pas, cette présomption de la victoire électorale du candidat Alassane OUATTARA sera une illusion pour lui-même, son régime et son gouvernement. En effet, l’opposition significative qui est déjà constituée et qui fera son entrée solennelle dans quelques jours par la signature officielle de sa Charte, récusera de façon vigoureuse et véhémente cette machine électorale mise en place par le candidat Alassane OUATTARA, en vue de voler la victoire de ladite opposition significative et la victoire du peuple ivoirien. Et, je mets au défi tous ceux qui porteront atteinte à l’intégrité physique des personnes. Ils seront poursuivis dans leurs plus grands retranchements devant les juridictions répressives internationales notamment la Cour Pénale Internationale (CPI).

Le Président Alassane OUATTARA a intérêt à accepter une période de transition pour étudier toutes ces questions avant l’organisation d’élections libres, transparentes, ouvertes et sécurisées. Sinon, le peuple de Côte d’Ivoire va l’y contraindre.

Fraternellement COULIBALY Lazéni,
Docteur d’Etat en Droit Economique et
Politiques de Développement, diplômé de
l’Université de Sorbonne-Paris Cité en France,
Enseignant Chercheur des Facultés de
Droit et de Sciences Economiques

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