Côte-d’Ivoire Agenor Youan Bi « Oui, le Cojep est avec le camp Sangaré, Koulibaly doit se discipliner » (interview)

Agenor

Est-ce que tout va bien au Cojep ?

(Rires) Je pourrais vous dire que ça va. Je sais que c’est parce que ces derniers temps vous entendez des bruits que vous demandez cela. Mais dans toute organisation humaine, il y a ce genre de choses qui peut donner le sentiment que ça va mal. Mais la capacité des hommes c’est de pouvoir surmonter toutes ces épreuves et toutes ces contradictions qu’on ne comprend pas souvent. C’est cela qui fera du cojep une organisation forte. Moi je vais œuvrer pour que le Cojep demeure dans la ligne de la lutte pour que le cojep soit un instrument de combat assez fort. C’est ce qui est ma conviction personnelle et sur la question je ne vais pas transiger.

Vous dites que ça va alors qu’une frange de vos camarades vous reproche une démarche solitaire dans certains choix. Ils vous reprochent d’avoir adhéré à la CNC de façon unilatérale sans accord préalable du conseil politique de votre mouvement. Que répondez-vous à ces critiques ?

Pourtant au meeting de la CNC à Koumassi le Cojep était au complet. C’est ce qui est essentiel. C’est un pas positif pour pouvoir avancer. Il n’y a donc pas un Cojep contre la CNC et un Cojep pour la CNC. S’il y avait une entité qui était contre l’adhésion à la CNC, elle aurait dû s’exprimer depuis lors. Le Cojep est un, il n’y a pas plusieurs entités.

Je repose la question autrement. L’adhésion à la CNC est-elle une décision personnelle de Youan Bi ou une décision du conseil politique ?

Aujourd’hui je porte la signature du président Charles Blé Goudé. C’est pour cela on m’appelle président par intérim. Sur la question de la CNC nous avons émis le vœu d’adhésion depuis quelque temps. Le président Blé Goudé a conversé avec nous sur la question pour dire que nous ne pouvions être ailleurs qu’à la CNC. Et aujourd’hui nous y sommes. C’est vrai qu’à la présentation de la CNC, nous n’avons pas signé parce que nous n’étions pas membres fondateurs. Ce sont les initiateurs qui sont venus nous présenter le fruit de leurs réflexions. Nous étions à la cérémonie de signature et après nous avons pris les contacts. Ce qui nous a été demandé c’était de manifester notre volonté d’adhésion par écrit pour une question de traçabilité. Nous avons fait la demande et avons été appelés le 11 juin pour la signature. C’est ainsi que nous avons pris la parole pour la première fois au meeting de Koumassi.

Pouvez-vous affirmer que vous êtes à la CNC avec l’accord de Charles Blé Goudé ?

Oui bien sûr.

Est-ce que la crise au Fpi n’a pas contaminé d’une certaine manière le Cojep ? On vous reprochait d’avoir opté pour le camp Sangaré là où certains de vos camarades optaient pour une neutralité. Toutes ces questions ont-elles été évacuées ?

Quand on est dirigeant, on doit pouvoir anticiper les choses. Nous sommes une organisation de gauche et nous ne pouvons être avec les oppresseurs contre les opprimés. Les opprimés aujourd’hui, c’est le Fpi dirigé par Sangaré. On ne pouvait être ailleurs qu’être avec le camp Sangaré. C’est un choix idéologique et nous pensons que c’est un choix judicieux. Certains de nos camarades ne peuvent pas comprendre maintenant. Au Cojep je suis chargé de la ligne idéologique et à ce titre il y a des choses que je dois pouvoir faire pour la lutte et c’est ce que je fais. Les grincements de dents dont on parle souvent… ne peut pas être partagé de tous. Aujourd’hui, au regard de l’appel de notre base, de nos coordonnateurs et de la mobilisation générale, les structures du Cojep sont favorables à l’entrée dans la CNC. Donc à ce niveau-là, nous n’avons pas de problème. Mais on ne peut pas comprendre que certains camarades me reproche d’être allié au Fpi et ne pas être à la CNC. Le Fpi qui est à la CNC est bien celui de Sangaré. On ne peut pas être dans la CNC et dire qu’on n’est pas avec Sangaré. Je dis souvent que Sangaré est un exemple de loyauté, de fidélité et de probité morale. Notre génération a besoin de repère et Sangaré en est un. Je n’ai aucun regret. Nous allons avancer.

Est-ce que vous ne traînez pas les stigmates de votre ancienne appartenance au Fpi ?

Les gens le disent souvent. Mais je suis fier d’avoir été à l’école du Fpi, d’avoir été un pur produit du Fpi. A présent, après avoir eu cette expérience, je ne suis plus militant du Fpi et il faut que les gens le sachent. Ceux qui me le reprochent ne savent pas qu’au sein même du Cojep, le porte-parole de Charles Blé Goudé (Dr Patrice Saraka, ndlr) est membre du comité central du Fpi sans que cela ne gêne quelqu’un. C’est donc par raccourci que les gens disent souvent que moi je protège les intérêts du Fpi.

Récemment au colloque international du Cojep à Yopougon, vous étiez programmé pour intervenir à la fin et puis après on ne vous a plus vu. Est-ce qu’on vous a refusé la parole ?

Il faut poser la question aux organisateurs pour savoir pourquoi ils ne m’ont pas donné la parole à un colloque qui célébrait la paix.

Est-ce que vous avez donné votre caution à ce colloque ?

C’est le Cojep qui a organisé le colloque et il serait irresponsable de ma part de dire que je n’étais pas partie prenante.

Quelles en sont les retombées au regard de l’objectif qui était la réhabilitation de Charles Blé Goudé ?

En termes de retombées, il faudra compter avec le temps pour tirer des conclusions. Donc nous attendons.

sur votre adhésion à la CNC. Qu’êtes-vous allé chercher dans une organisation qui nait avec des dissensions à la base sur les stratégies et sur l’idéologie, d’aucuns parlent même de cacophonie ?

Je dirai que je suis un homme heureux. Face à la crise éconoique et sociale, face au piétinement des droits de l’homme, nous pensons que la CNC vient comme une alternative pour régler toutes ces questions. C’est un tournant de l’histoire de la Côte d’Ivoire et le Cojep ne saurait être en marge de cette histoire qui se construit. Ensemble, unis et forts, nous pensons que nous pouvons mener la lutte pour le changement en Côte d’Ivoire. Pour ce qui est des tiraillements, l’histoire récente de la Côte d’Ivoire a montré qu’il y a eu le Front républicain dans les années 90 qui a commencé avec près de dix organisations mais vers la fin on s’est retrouvé avec le couple Fpi-Rdr. Et quand vous regardez, à Ficgayo, il y a eu des sons discordants. A Koumassi, il n’y a pas eu trop de sons discordants. On a parlé d’inéligibilité, de piétinement des droits de l’homme et tout le monde s’est retrouvé sur ces points. Et à mesure que nous allons avancer, nous allons encore converger vers ces points, c’est ce qui est essentiel. Au village nos parents disent que le jour on te donne le nom, le nom n’est pas intéressant. C’est ce que tu fais du nom quand tu grandis, qui fait que le nom devient intéressant. On sait que la CNC est en train de faire son petit bonhomme de chemin et elle a besoin de notre soutien à tous et de nos critiques pour pouvoir avancer.

Que dites-vous alors de ce qu’on pourrait qualifier de croc-en-jambe du professeur Mamadou Koulibaly vous accusant d’être en train de féconder le ventre de l’ivoirité ?

Je ne lui repondrai pas dans le cadre de cette interview. Je pense que nous avons la conférence des présidents. Dans ce cadre-là, je répondrai. Mais je pense que lorsqu’on appartient à une organisation il y a une certaine discipline qu’on doit suivre.

Il reste quatre mois pour la présidentielle d’octobre 2015. Est-ce que vous croyez à la tenue de cette élection à cette échéance ?

Nous disons que les élections c’est en octobre 2015. Et si en octobre 2015, les élections ne se tiennent pas, nous tirerons ensemble les leçons. C’est-à-dire que si le délai constitutionnel n’est pas respecté, nous tirerons les conclusions.

Est-ce que vous croyez que le délai sera tenu ?

Moi je suis politique et je suis positif. Je suppose que tout sera mis en œuvre pour que nous tenions ce délai. Donc il faut pouvoir évacuer tout ce qui est lié à la crise postélectorale de 2010. Parce qu’on ne peut pas aller à une élection en trainant les casseroles de celle précédente. Le contentieux de la crise postélectorale, c’est la libération des détenus politiques dont des cadres du Fpi et certains anonymes qui se retrouvent dans cette situation, mais c’est aussi la libération des maisons, des plantations, le retour sécurisés des exilés. Il faut pouvoir le faire et nous pensons que Ouattara doit pouvoir le faire pour garantir un climat apaisé avant les élections.

Vous attendez de Ouattara qu’il le fasse alors que resurgit brusquement le vieux débat de l’article 35 sur son inéligibilité. N’est-ce pas remué le couteau dans la plaie comme le supposent certains ?

Mais le débat sur l’article 35 gène qui ? et les gens nous accusent d’être xénophobes, ivoiritaires. Mais la constitution est passée au référendum et les Ivoiriens l’ont adopté. Et donc quand on dit que l’article 35 ne fait pas de vous candidat, c’est un rappel qu’on vous fait ! ce n’est pas un acte de xénophobie ! ce n’est pas une insulte ni être contre une ethnie. Nous disons qu’on ne doit pas toucher à la constitution. Mais il se trouve aussi que l’un des candidats qui, certainement n’est pas éligible, dit ne pas vouloir toucher la constitution. Et en même temps, au Conseil constitutionnel, il change celui qui était là pour placer un homme de son clan. Nous serons donc un matin devant le fait accompli où le Constitutionnel déclare éligible, le candidat inéligible. En ce moment-là, il n’y aura plus de recours parce que c’est une décision du Conseil constitutionnel. C’est ce que nous craignons !

Et devant le fait accompli, que ferez-vous ?

On avisera le moment venu.

Président Youan Bi, peut-on faire le débat sur l’article 35 en occultant l’histoire récente de la Côte d’Ivoire à savoir que ce débat a été l’une des causes de la guerre ?

Vous me dites que c’est le débat sur l’article 35 qui a généré la guerre. C’est la justification de certains acteurs de la guerre… Donc dans votre raisonnement vous dites que si on parle de l’article 35, la guerre peut revenir. Donc on laisse les choses en l’état et on viole la constitution ? et comment rendrons-nous compte devant l’histoire ? Pourquoi ne pas aller à d’autres arrangements comme ce fut le cas sous le président Gbagbo ?Et comment ces arrangements se font ? Nous, nous pensons qu’on ne doit pas violer la constitution et les arrangements ne doivent pas être la règle. Il faut assumer et puis on avance. La nation est éternelle, les hommes sont de passage. La constitution s’écrit par rapport aux circonstances vécues par un peuple. Il y a des pays où les constitutions sont vieilles de siècles.

Pour être réaliste monsieur le président du Cojep, peut-on tenir l’élection d’octobre 2015 à l’exclusion d’Alassane Ouattara ?

Est-ce parce que vous avez peur ? Nous on ne parle même pas d’exclusion. Pourquoi pensez-vous que l’article 35 vise M. Ouattara ?

A quoi faites-vous allusion quand vous dites qu’il n’est pas éligible ?

Si parler de l’article 35, pour vous c’est éliminer Ouattara alors posez lui la question de savoir ce qu’il fait lui-même dans le cas d’espèce. Il répondra de façon claire devant tous les Ivoiriens.

Moi je vous pose la question.

Moi je ne saurai y répondre. Il est bien placé pour y répondre pisqu’on dit que c’est parce qu’il n’a pas été candidat que la guerre est survenue. Maintenant on dit que pour 2015, les mêmes conditions demeurent. Donc il faut lui demander.

On dit qu’à la CNC c’est parce que vous n’avez pas de programme que vous êtes focalisés sur ce débat de l’inéligibilité de Ouattara. Que répondez-vous à cette critique ?

A ceux qui parlent de programme, dites-leur que la CNC est un regroupement de partis et de candidats déclarés. C’est-à-dire que les partis membres de la coalition qui aspirent à diriger le pays ont un programme de gouvernement et un projet de société. Mais pour la grande famille de la CNC, nous disons qu’il faut d’abord un Etat de droit où on ne piétine pas les libertés et les droits de l’homme, un Etat où les Ivoiriens bénéficient des retombées de l’embellie économique. Sur ces questions, nous sommes tous d’accord. C’est cela qui mobilise les Ivoiriens autour de la CNC.

Mais quand on a fini de dire cela, qu’est-ce qu’on propose pour l’emploi, pour l’école ?

Au moment opportun vous verrez. C’est justement pour cela que nous demandons la libération des médias d’état pour qu’il y ait le débat contradictoire. Nous sommes à l’heure du bilan. Le bilan de Ouattara contre les propositions de la CNC. Pour Ouattara, c’est son bilan économique, son bilan de la cohésion sociale. Et dans le bilan économique, il y a l’environnement économique qu’il faut prendre en compte.

Il a fait des ponts et des routes…

Nous disons qu’au-delà des ponts physiques, il faut réaliser des ponts entre les cœurs pour que les Ivoiriens se parlent. Et puis parlant de ponts, vous n’allez pas me dire que c’est Ouattara qui a construit le pont HKB encore moins celui de Jacqueville. Vous ‘allez me dire que c’est Ouattara qui a fait l’autoroute Singrobo Yamoussoukro.

C’est sous son mandat que cela a été fait ! non ?

Je suis en train de vous dire que les gens n’auront pas l’honnêteté intellectuelle de vous dire celui qui les a réalisés. Non pas du tout ! c’est pourquoi je vous ramène au programme de Ouattara. Est-ce qu’il réalise ce qu’il avait promis ? il a promis cinq universités en cinq, il a promis un million d’emplois ; nous n’avons rien vu de tout cela. Or c’est sur ce programme qu’il va falloir le juger et non l réalisation de projets qui étaient déjà financés. Il a promis la couverture maladie universelle là où on parlait d’assurance maladie. Où en sommes-nous ? de l’école gratuite, de la sécurité, du respect des droits de l’homme, où en sommes-nous ? quatre ans après, des Ivoiriens sont encore dans les prisons, quatre ans après, des Ivoiriens ne peuvent pas regagner leur pays, quatre ans après des Ivoiriens sont obligés de se cacher dans leur propre pays, ils sont devenus des sans-domiciles-fixes pour leur opinion. C’est ça le bilan qu’il doit pouvoir présenter courageusement et les Ivoiriens aviseront. Je pense qu’ils pensent eux-mêmes que leur bilan n’est pas reluisant. S’il était reluisant, ils ne refuseraient pas une Commission électorale indépendante, ils ne mettraient pas non plus un homme de leur clan au conseil constitutionnel. Pourquoi ils ne veulent pas ouvrir les médias ? Nous les soupçonnons d’avoir un mauvais bilan et de se rattraper par la force en nommant des gens de leur clan.

Le procès de Charles Blé Goudé est prévu pour Novembre 2015. Comment le préparez-vous ?

Nous travaillons à présenter notre leader comme étant celui-là qui a mené son combat les mains nues. Quelqu’un qui a toujours rassemblé en ne tenant pas compte des ethnies. Il a fait un travail formidable dans le sens de la paix. On se souvient encore de la caravane de la paix. Il n’a jamais pris les armes ni ordonné à des groupes de prendre des armes contre d’autres groupes. Notre arme a toujours été le micro et nos munitions, la parole.

Vous ne craignez pas que le procès prenne une dimension politique ?

Mais le procès est déjà politique. On fait un maquillage juridique. On veut éloigner Laurent Gbagbo et Blé Goudé de la scène politique de leur pays mais malgré cet éloignement, ils demeurent toujours au cœur du débat national. Au regard des personnalités politiques qui vont les voir, au regard de la vivacité de leurs organisations politiques.

Et quand la procureure utilise ces visites comme arguments pour refuser la liberté provvisoire à Laurent Gbagbo ?

La procureure veut simplement que Laurent Gbagbo renonce à ses convictions politiques et qu’il ne fasse plus la politique or la politique circule dans ses veines. C’est un homme aguerri qui peut toujours apporter beaucoup à son pays s’il était libéré.

Et Blé Goudé libéré, cela apporterait quoi ?

La réconciliation d’abord. Nous ne sommes pas dans un esprit de vengeance. Moi j’ai fait trois ans en prison et je n’ai jamais nourri de haine pour qui que ce soit.

Et si son séjour devrait être encore allongé comment se comporterait le Cojep ?

Dans nos têtes nous n’envisageons pas les choses de cette manière. Pour nous, Blé va revenir. Il est à La Haye pour des raisons politiques.

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