La Presse écrite en Côte d’Ivoire en mode survie

UNE-AFFOUSSIATA

Par Serge Alain Koffi

La publication le 10 juillet 2015 par le Conseil national de la presse (CNP) en Côte d’Ivoire des chiffres de vente des journaux ivoiriens au 1er trimestre 2015 met en évidence la précarité croissante de la situation financière de la plupart des organes de presse, que le relèvement des prix des journaux en avril 2014 n’est pas parvenu à juguler.

La situation financière de la quasi-totalité des journaux ivoiriens était déjà peu reluisante selon des acteurs du secteur. Au regard des statistiques du CNP, l’organe de régulation de la presse, elle s’est davantage détériorée malgré l’augmentation le 1er avril des prix des quotidiens qui sont passés de 200 à 300 FCFA pour les quotidiens et de 300 à 500 FCFA pour les hebdomadaires.

Au premier trimestre 2015, le quotidien pro-gouvernemental “Fraternité Matin’’ arrive en tête du classement des journaux les plus vendus avec un chiffre d’affaires de 165 millions FCFA en 2015 pour 551.335 exemplaires vendus sur 1.097.332 livrés, soit un taux de 50,24%.

Ces chiffres flatteurs du journal cinquantenaire cachent une réalité bien plus difficile puisque sur la même période en 2014, Fraternité Matin, déjà premier au classement, avait un chiffre d’affaires de 158 millions FCFA.

S’il est excessif et précipité de dire que Fraternité Matin est déjà en mode survie, l’effritement progressif des chiffres de vente n’incline pas non plus à l’optimisme.

Selon les mêmes statistiques du CNP et pour la même période de janvier à mars 2015, le quotidien “Le Temps’’, proche de l’opposition ivoirienne, est classé 3e avec un chiffre d’affaires de 88.248.300 FCFA contre 90.804.200 FCFA au premier trimestre 2014.

Dans cette grisaille, seul le journal indépendant, “Soir Info’’ a réalisé un résultat en hausse malgré son second rang au classement général. De 119.036.800 FCFA de chiffre d’affaires au premier trimestre 2014, le quotidien spécialisé dans les faits divers, est passé à 142.327.800 FCFA pour 474.426 exemplaires vendus en 2015.

Selon le directeur de publication du quotidien “Aujourd’hui’’, Joseph Titi, interrogé par ALERTE INFO, la baisse des chiffres est due essentiellement à deux facteurs : une paupérisation généralisée des populations et une mauvaise politique de la société de distribution « Edipresse ».

“D’une part, ceux qui achetaient les journaux, ne l’achètent plus vraiment parce que leur situation économique s’est dégradée. D’autre part, on n’a aucune visibilité dans la manière dont Edipresse expose nos produits’’, explique-t-il.

Une situation qui entrave le fonctionnement normal de nombreuses entreprises de presse, obligées de se “séparer de leurs collaborateurs pour réduire le personnel au stricte minimum’’.

Pour lui, le changement de la situation des organes de presse passe par l’amélioration des contenus et la réduction du nombre de journaux.

Les réseaux sociaux et la presse en ligne une “réelle menace“ pour les journaux…

Le paysage médiatique ivoirien compte une trentaine de publications dont la survie pour certains dépend essentiellement des subventions du Fonds de soutien et de développement de la presse (FSDP). L’augmentation du prix des journaux ne s’est pas révélée comme la panacée pour sortir les entreprises de presse de la mévente à laquelle elles font face.

En outre, l’émergence des réseaux sociaux comme Facebook et Twitter associée à la vulgarisation de l’Internet en Côte d’Ivoire depuis la fin des années 1990 et au début des années 2000 (après la crise postélectorale 2010-2011, les abonnements ont explosé passant de 200.000 à plus de 7 millions), a coïncidé avec une baisse drastique des chiffres de vente des journaux dans leur ensemble. De 100.000 exemplaires vendus par jour en 2003, les quotidiens sont passés à 85.000 en 2004, puis 70.000 au premier trimestre 2008, selon des statistiques du CNP.

Vamara Coulibaly, directeur de publication du groupe Olympe, société éditrice des quotidiens Soir Info et L’Inter, estime que la presse numérique est une “réelle menace’’ pour les journaux.

Selon lui, “les lecteurs ont désormais tendance à s’informer par la presse en ligne qui leur donne l’information instantanée’’.

“Aujourd’hui, nous vivons grâce à la publicité et aux annonceurs qui continuent de nous faire confiance’’, ajoute-t-il, tout en reconnaissant ne pas avoir de “solution miracle’’ pour améliorer le sort des journaux ivoiriens dont certains comme le Point d’Abidjan, Révélation, le Figaro d’Abidjan, le Monde d’Abidjan ont récemment ouvert le temps de quelques parutions avant de mettre rapidement la clé sous le paillasson.

D’autres plus chanceux comme “Le Jour plus’’, “Le Sursaut’’ et “La Matinale’’, tous proches du pouvoir d’Abidjan, continuent de paraitre mais avec des chiffres qui sont totalement au rouge.

“Le Jour plus’’, par exemple, a au cours du premier trimestre 2015, réalisé un chiffre de vente de 8.525.100 FCFA pour 28.417 exemplaires vendus, soit un pourcentage de vente de 8,6%.

Beaucoup plus que “Le Sursaut’’ avec un chiffre de vente de 3.671.400 FCFA pour 12.238 exemplaires vendus, soit un pourcentage de vente de 4,19%. “La Matinale’’ ferme la marche au classement des quotidiens avec seulement 2.390.100 FCFA de chiffres de vente pour 7.967 exemplaires vendus soit 2,80% de pourcentage de vente.

SKO

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