Guinée – Au moins trois morts dans des violences électorales à Conakry

Alpha-Conde

Les tensions électorales s’exacerbent à l’approche de l’élection présidentielle guinéenne, dont le premier tour aura lieu dimanche 11 octobre. Après plusieurs heurts à Koundara le 20 septembre et à N’Zérékoré le week-end dernier, la capitale Conakry a été jeudi 9 octobre le théâtre de violences électorales.

Des heurts ont en effet opposé les partisans du candidat sortant, Alpha Condé, à son plus sérieux rival, Cellou Dalein Diallo. Les affrontements ont éclaté lors du retour de ce dernier dans la capitale, qui reste en proie aux tensions.

Un bilan plus lourd ?

« J’ai appris qu’il y a un mort par accident de moto dans la foule surexcitée et un par bastonnade lors d’accrochages entre militants de l’UFDG et du RPG (partis respectifs de MM. Diallo et Condé, NDLR) non loin du marché de Madina », a déclaré le général Ibrahima Baldé, chef d’état-major de la gendarmerie nationale.

Une autre source sécuritaire a affirmé sous couvert d’anonymat qu’il y avait eu entre deux et trois morts, précisant avoir vu personnellement deux corps et avoir été informée de la découverte d’un troisième, apparemment battu à mort, sous un pont.

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Des coups de feu étaient encore entendus vendredi matin non loin du marché de Madina, rapporte le correspondant de Jeune Afrique à Conakry. Des jeunes vendeurs de pièces détachées malinkés, l’ethnie d’Alpha Condé, y ont par ailleurs vu leurs conteneurs partir en fumée jeudi lors du passage du cortège de M. Diallo. Vendredi, ces jeunes interdisaient l’accès aux commerçants peuls proches de l’UFDG, selon la même source.

La situation restait également tendue sur l’autoroute Fidel Castro, qui mène de l’aéroport au centre-ville. Des partisans du pouvoir y bloquaient le passage aux automobilistes, voire aux piétons supposés soutenir l’opposition, selon des témoins.

Le ministre de l’Intérieur appelle à la retenue

Le ministre de l’Intérieur, Mahmoud Cissé, a appelé la population et les militants de toutes les formations politiques à faire preuve de retenue et à maintenir le calme dans la cité, prévenant qu’aucun trouble à l’ordre public ne sera toléré.

La campagne du chef de l’État s’est fixé l’objectif ambitieux, sous le slogan « un coup KO », de le faire réélire dès le premier tour, prévu dimanche. Ses adversaires l’accusent de vouloir emporter la victoire grâce à des fraudes à grande échelle, ce que le camp présidentiel dément, arguant de commentaires positifs de la communauté internationale sur le processus électoral en Guinée.

AFP

Des habitants rêvent d’une élection sans violence (reportage)

Par Serge Alain Koffi

« On espère cette fois que les choses qui ont bien commencé vont également bien se terminer », affirme d’un pas pressé Lamine Bangoura, agent de banque à Kaloum (centre des affaires de Conakry), à quatre jours de la présidentielle en Guinée où des habitants, marqués par les graves débordements du précédent scrutin de 2010, rêvent d’une élection sans violence.

Pour parer à toute éventualité, des patrouilles de police et de gendarmerie sont visibles un peu partout dans la capitale guinéenne. Equipés de casques de protection, de matraques et de gaz lacrymogène, les forces de l’ordre essaient par leur présence de dissuader les éventuels fauteurs de troubles.

C’est qu’en 2010, l’élection s’était déroulée dans un fort climat de tension exacerbée par l’annonce du résultat provisoire du 2e tour, donnant Alpha Condé vainqueur du scrutin face à Cellou Dalein Diallo.

Il s’en est suivi d’une part des affrontements entre des partisans des deux camps, et d’autre part de violents heurts entre de jeunes supporters de Cellou Dalein Diallo et la police. Ces échauffourées avaient ­causé la mort de nombreuses personnes dans plusieurs villes du pays.

Mamadi Kandet, environ la trentaine, étudiant en technologie et contrôle des produits et aliments, ne se revendique d’aucun camp mais souhaite simplement que son pays ne connaisse plus pareille tension.

« Cette fois je ne crains pas de violence parce que c’est moins tendu qu’en 2010 », déclare-t-il. Et d’expliquer : « cette année, les supporters des deux camps se rencontrent dans Conakry sans qu’il n’y ait de problèmes. Ce qui n’était pas forcément le cas en 2010 ».

Un optimisme partagé par Mohamed Doumbia, membre du staff de campagne d’Alpha Condé. « Le président nous a instruit pour qu’il n’y ait pas de violences et nous a invité à ne pas répondre aux provocations des autres ».

Mais les récents affrontements à N’Zérékoré, capitale régionale de la Guinée forestière (Sud-Est), entre partisans de Condé et sympathisants de Dalein Diallo qui ont fait un mort et 80 blessés, sont venus rappeler la fragilité de cet engagement.

« A Conakry, il n’y a rien » tente-t-il de minimiser. « C’est en zone forestière que les gens sont un peu violents et ne sont pas tolérants », ajoute-t-il sans fioritures.

Dans un pays où l’engagement politique est bien souvent sous-tendu par un repli communautaire, on a bien souvent réduit le scrutin à la victoire d’un homme ou d’une ethnie; donc à la frustration de la défaite ou l’amertume des vaincus contre l’arrogance et l’outrance du camp des vainqueurs. C’est en somme malheur au vaincu.

Dans une enquête d’opinion, le réseau de sondage Afrobaromètre a scruté le ressenti des habitants de la Guinée à l’approche du scrutin. Les résultats livrés montrent d’ailleurs qu’une partie des Guinéens (50%) ne redoute pas des flambées de violence. Contre 23% pour ceux qui ont « beaucoup peur ».

Comme d’autres guinéens, des partisans de Cellou Dalein Diallo, disent ne pas craindre de violences mais pensent aussi que le pays ne pourra pas y échapper.

Moustapha Diallo et Alassane Diallo sont des peuhls qui tiennent un petit commerce de vente de fruits à quelques encablures de l’aéroport de Conakry. Pour eux, il n’y a rien à faire, « il y aura des violences ».

Dans un réquisitoire acerbe, ils accusent le président Condé d’être le suppôt de la Françafrique et de vouloir « voler encore » la victoire de leur champion. « Cette fois, Cellou ne se laissera pas faire », assure Alassane.

Oumar Kassa Diallo, un autre supporter du chef de file de l’opposition, se veut plus direct et menaçant: “Dire que Alpha Condé a gagné au 1er tour, c’est brûler la Guinée! ».

SKO, envoyé spécial à Conakry

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