Espace CEDEAO – Survivre face au terrorisme (Analyse)

Mokhtar

Demain, dans l’espace CEDEAO, une nouvelle cartographie des relations commerciales et donc des parts de marché, liées aux influences politiques, s’esquisseront sous l’effet de divers éléments dont la crise sahélienne, l’évolution du piratage en mer et l’issue des élections en cours. Les relations dans l’espace politique, économique, social de l’Afrique de l’ouest seront dépendantes de ce qu’il en sera de Boko Haram, Aqmi, El-Mourabitoune et d’autres mouvements islamistes couvrant les zones entières de la Mauritanie, du Mali, du Niger, du Nigeria, de l’Algérie, de la Lybie, de l’Egypte, de la Somalie…

Quelle connexion entre ces différents mouvements terroristes? Leurs leaders se retrouvent-ils pour définir les grandes orientations stratégiques du terrorisme? Qui définit leurs cahiers de charges? Quelle relation avec les mouvements terroristes du Moyen Orient? Avec l’Etat islamique ? Quelle Afrique à l’issue de la lutte contre le terrorisme ?

I-GUERRE DANS L’ESPACE MARITIME

En 2014, 104 attaques ont été recensées dans le Golf de Guinée. La frontière ivoiro-libérienne est considérée comme une zone à très fort risque. La Côte d’Ivoire a connu 16 actes de piraterie de 2006 à 2012. Quelles incidences sur le second port ivoirien? La frégate de la mission Corymbe pourrait être d’un secours inestimable dans cette zone. Notons que le Ghana, qui a connu 17 attaques dans la même période, a commandé en 2012 quatre (4) nouveaux patrouilleurs avec la Chine tout en attendant 2 avions d’attaque de l’Allemagne. En outre, le Ghana ambitionnait d’acquérir 3 avions de surveillance.

II-APRES LES ATTAQUES DE OUAGADOUGOU

« Le groupe terroriste El-Mourabitoune dirigé par Mokhtar Belmokhtar, dit Le Borgne, auteur des attentats les plus spectaculaires au Sahel ces dernières années, ex-membre des GIA et du GSPC est en quête d’un mouvement fédérateur, une sorte de ligue des groupes terroristes dont il serait le guide. » Cette analyse qui circule dans certains milieux continue de servir de substrat à diverses analyses. Que faut-il y comprendre?
Les terroristes sont aussi des hommes; pas comme vous et moi mais nous avons des « déterminismes » en commun. Chacun d’eux a son ego et tient à se « faire respecter ». Les différentes tendances devraient se livrer une certaine guerre en termes d’attentats les uns plus meurtriers que les autres en vue de la reconnaissance des Barrons de la nébuleuse. Besoin d’estime (Maslow) mais aussi et surtout contrôler tout le business de la zone sahélienne. « 3,5 milliards de dollars, c’est ce qu’ont rapporté les trafics de drogue, d’armes et de tabac dans le Sahel entre 2013 et 2014, d’après l’ONUDC, l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime.

Les terroristes vont essayer de récidiver à Ouaga sous peu; cherchant à déstabiliser le Burkina Faso; signifier qu’ils sont capables de faire ce qu’ils veulent quand ils le veulent. Un peu comme ils le font au Mali, au Niger, au Nigeria, au Cameroun…Après avoir créé une telle psychose à Ouagadougou, ils vont revenir à leur agenda de fin 2012, lorsqu’ils étaient à 72 h de Bamako; obligeant Hollande à intervenir dans des circonstances exceptionnelles. Leur nouvel objectif sera Abidjan et Conakry. Abidjan figure bel et bien sur l’agenda de ces mouvements terroristes. D’abord leur agenda originel est de créer un Califat mondial; ce qui les amène à attaquer partout ou faire se peut. Ensuite, Abidjan regorge de plusieurs sites qui les excitent: les investissements français, américains. Enfin, frapper Abidjan ferait plus de bruits que dans n’importe quel autre espace de l’UEMOA. Pour des êtres qui sont en quête de publicité permanente, cela compte énormément.

III-LES IMPACTS D’UNE ATTAQUE TERRORISTE

Après un attentat, il va falloir faire des audits non pas forcement pour situer des responsabilités mais pour éviter que cela se répète dans l’avenir. Le résultat de ces enquêtes peut faire plus de mal s’il est avéré une faille au niveau sécuritaire. Il sera difficile de se rendre dans un pays où un attentat serait lié à une légèreté des forces de défense. Comment amener Autrui à faire confiance de nouveau au secteur qui a été défaillant? Cela susciterait quelques suspicions légitimes dans les relations économiques…sous régionales.

Imaginons qu’un aéroport de la sous région, pour une raison quelconque, subisse des attaques terroristes. Quel avion poserait dans le court terme dans ce lieu? Qui accepterait d’y transiter ? Les autres aéroports accepteraient-ils des avions en provenance de ce lieu? Souvenons-nous de la fermeture des frontières lors de l’épidémie du virus d’Ebola…L’économie et le contexte politique sont en permanente relation dialectique. Si l’environnement politique est perçu comme truffé de menaces, c’est l’économie qui prendrait un coup. En même temps, il faudra redémarrer l’économie pour trouver les moyens de combattre ces menaces.

Quels impacts des attentats terroristes sur le chiffre d’affaires des compagnies aériennes? Notons que la fuite des touristes affecterait davantage les secteurs de la culture, des spectacles et loisirs sans oublier la restauration, de l’hôtellerie. A moyen terme, les impacts sont difficiles à évaluer. Toutefois, la confiance est le moteur de la croissance économique de tout pays. Qui sont ces investisseurs qui s’aventureraient à placer leurs économies dans des projets à long terme dans un pays touché par des attentats terroristes? On pourrait dire adieu à la transformation du taux de croissance en développement économique et social. Document Stratégique de Réduction de la Pauvreté, Programme National de Développement, projet de société…pourraient faire place au pilotage à vue. Il serait impossible de parler de réduction de la pauvreté, de développement humain, de résorption du chômage…Et ceux qui auraient leur premier emploi à…40 ans devraient bénir leur Dieu.

Le géant de la CEDEAO n’a pu venir à bout du terrorisme. Aucun pays de l’Afrique ne peut, à lui seul, lutter contre le terrorisme. Unir les forces pourrait être un début de solution. Dans ce domaine là, le nombre ne fait pas le poids. Et en l’état actuel, le besoin de sécurité devrait l’emporter sur diverses considérations. Sans vouloir remettre en cause les stratégies de gouvernance en place, ne faudrait-il pas se souvenir de nos forces spéciales sur des bases purement objectives? Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Mali…Voici des pays où des contingents d’élites, formés aux frais du contribuable ont subi un rude Vetting si ce n’est une simple dissolution. En l’état actuel, n’est-il pas possible de leur faire appel pour créer une force sous régionale en charge de la lutte contre le terrorisme? Le dire n’est pas simplement réveiller de vieux démons encore moins être un fiévreux nostalgique… Il nous revient de moderniser l’armée (recruter et gérer les carrières sur des bases saines; renforcer les capacités, équiper l’armée…); renforcer la collaboration avec les pays expérimentés (France, Tchad, Nigeria, USA…); développer un leadership de sorte à susciter une fluidité des informations entre les capitales (Dakar, Nouakchott, Alger, NDjaména, Jo’Burg…)

Au nom des victimes, des survivants, de l’Humanité, il nous faut vaincre le terrorisme si nous ne voulons pas purement et simplement disparaitre!

Sylvain N’GUESSAN
Consultant en Gouvernance et Justice transitionnelle

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