Retrait de l’ONU ou de la CPI ? Les dirigeants africains n’ont aucune légitimité à critiquer la justice internationale

mamadou-koulibaly

LIDER News | 07 février 2016

A l’issue du dernier sommet de l’Union africaine, qui a vu le président tchadien Idriss Deby succéder à Robert Mugabe à la tête de l’organisation, une information a fait le buzz : sur proposition du président kenyan Uhuru Kenyatta, les chefs d’Etat africains ont décidé de plancher sur une résolution de retrait de leurs pays de la Cour pénale internationale.

Il serait bon que messieurs Kenyatta, Deby et leurs pairs comprennent qu’il y a des choses utiles attendues d’eux. La première, c’est d’éradiquer le terrorisme en Afrique. Au Kenya et dans la corne de l’Afrique, les shabbabs massacrent. En Afrique centrale, au Tchad, au Cameroun, au Nigeria, des femmes, des enfants, des hommes sont exterminés, violés, décapités par Boko Haram. Au Mali, au Burkina Faso, au Niger, Aqmi, Ansar Dine, Al Mourabitoune perpétuent des attentats et des attaques et déciment des vies. La terreur s’abat sur les villes de Libye, de Tunisie, d’Egypte.

Des terroristes, des djihadistes, des fous sèment la mort sur le continent. Des jeunes filles sont transformées en bombes humaines, des petites filles sont enlevées par centaines, des villages et des églises sont brûlés, des marchés et des ponts explosent, des hôtels, des restaurants, des supermarchés, des universités se font mitrailler, des gendarmeries et des dépôts d’armes subissent des raids meurtriers…

Messieurs Deby, Kenyatta et autres chefs d’Etat africains, voilà la préoccupation première des populations. Que ce soit à la maison, à l’école, au marché, dans la rue, au commissariat, au maquis, à l’hôtel, nous ne sommes plus en sécurité. Que l’on prenne l’avion, le bateau, que l’on se déplace à pied, en voiture ou à moto, que l’on soit agnostique ou que l’on prie dans une église ou dans une mosquée, nous sommes des cibles en sursis de malades mentaux en armes que vous avez laissé prospérer.

Aujourd’hui, vous faites comme si la sortie de la Cpi était une urgence pour l’Afrique. Vous avez tout faux. Ce n’est pas le principe de l’existence la cour pénale internationale qui nous indigne. Ce qui est révoltant, c’est que les tyrans qui nous gouvernent, s’éternisent au pouvoir, éliminent leurs opposants et suscitent des conflits ethniques et régionaux tout en pillant allègrement les caisses des États qu’ils dirigent, ne puissent pas être jugés pour leurs crimes parce que l’Union Africaine –qui n’est en fait qu’une association de chefs d’Etat aux mains très sales pour la plupart– , s’arrange toujours, en premier lieu, à les protéger. L’intérêt des peuples, des victimes, importe peu.

Par ailleurs, la résolution de sortie de la Cpi dénote une lecture inintelligente de la situation. La Cour pénale internationale est devenue –hélas– un outil politique au service du Conseil de sécurité de l’Onu. C’est donc la présence de l’Afrique dans cette instance qui devrait être discutée, et non celle d’un retrait de la Cour. S’il y a une décision qui aurait dû être prise, c’est celle du retrait des États africains de l’Onu tant que l’Afrique n’a pas de siège permanent avec droit de véto au Conseil de sécurité. En prenant la résolution d’un retrait des pays africains de la Cpi, les dirigeants africains agissent comme des gens qui ont de la fièvre et qui cassent le thermomètre en pensant ainsi soigner leur maladie.

Si l’Afrique siégeait au Conseil de sécurité, elle pourrait influer et s’assurer que les présidents africains ne soient pas les seuls poursuivis et jugés pour crimes contre l’humanité. Il est vrai cependant que les dirigeants occidentaux ou asiatiques sont suffisamment intelligents pour ne plus martyriser et violenter leurs propres peuples comme le font leurs pairs africains, mais s’attellent plutôt à organiser, financer et semer la rébellion, le désordre et la terreur ailleurs. Chez nous, les élites africaines passent le plus clair de leur gouvernance à se quereller, à se faire des guerres tribales, des coups d’état, des luttes armées pour arriver et se maintenir au contrôle des Etats, et malgré cette lutte acharnée, nos pays sont les plus défaillants du monde et la majorité des populations vit dans une pauvreté sordide.

Pendant tout son mandat à la tête de l’organisation, Robert Mugabe a vilipendé les Occidentaux, mais est-ce ce à quoi doit servir l’UA ? Qu’est-ce que ces récriminations ont apporté aux populations d’Afrique ? Les Etats africains sont les plus médiocres du monde. L’on n’attend pas du dernier de la classe qu’il se plaigne sans cesse, mais plutôt qu’il se mette au travail, redouble d’efforts, fasse plus fort, plus vite et mieux que les autres.

Les dirigeants africains reprochent aux pays d’Europe et d’Amérique essentiellement, de leur imposer des règles collectives pour la gestion de la planète qui ne tiennent pas compte du point de vue des Africains. Ils reprochent à l’Occident de s’arroger un droit d’ingérence dans les affaires africaines. Ils veulent rester indépendants mais demandent de l’aide publique, de l’assistance humanitaire, militaire et des rallonges budgétaires aux pays qu’ils accusent d’ingérence, tout en insistant pour que ces derniers respectent leurs engagements. Ils ont des appareils judiciaires aux ordres dans leurs pays respectifs et déplorent l’attitude de la justice internationale qui leur rafle certains de leurs amis.

Pendant ce temps, les peuples du continent sont maintenus en captivité, n’étant sortis des griffes des anciennes puissances coloniales que pour mieux tomber dans celles de leurs propres dirigeants, faibles par rapport à la gouvernance mondiale, mais hyper puissants par rapport aux populations locales.

Sans la justice internationale, qui demandera des comptes pour toutes les victimes de leurs dérives ? La Cour pénale internationale n’est pas exempte de critique, loin de là. Elle n’est pas équitable, se laisse entrainer par les puissants du Conseil de sécurité des Nations unies, qui peuvent l’actionner pour punir leurs ennemis et l’ignorer quand ils ont décidé de tolérer les crimes de leurs amis. Ceci est une réalité, mais cela ne donne pas la légitimité aux chefs d’Etat africains de la critiquer.

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