Comment les agro-impérialistes sont en train de créer le terrorisme alimentaire en Afrique

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PRAO Yao Séraphin

L’Afrique, notre continent possède un quart des terres fertiles mondiales, il concentre 41% des transactions foncières sur un total de 1515 transactions à travers le monde selon le rapport de l’ONG ActionAid International, datant de fin mai 2014. Selon l’ONG, c’est un véritable hold-up sur les terres par les multinationales. Le continent est devenu la nouvelle attraction des multinationales, des fonds de pensions et des grands groupes agro-alimentaires qui ont acquis, avec les complicités des gouvernements locaux, des millions d’hectares de terres arables. Nous présentons l’ampleur du phénomène et le terrorisme alimentaire que cela engendre.
L’ampleur du phénomène

Il est très difficile d’estimer précisément l’ampleur du phénomène pour plusieurs raisons : les contrats et les transactions foncières sont rarement publics. Mais quelques statistiques existent. La Copagen (une coalition d’organisations paysannes et de la société civile présente dans neuf pays africains) a mené une étude de plusieurs années sur les accaparements dans neuf pays : le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo. Les conclusions sont alarmantes.
Alors qu’on estimait le phénomène à un million d’hectares à l’échelle du continent, au cours des dix dernières années, ce sont 2.313.400 d’hectares de terres qui ont été accaparés. A ce rythme, dans moins d’une décennie, le Burkina Faso par exemple n’aurait plus de terres pour les petits paysans.

Quelles sont les causes de ces accaparements ?

Plusieurs causes peuvent expliquer l’accaparement des terres africaines par les multinationales. Nous évoquons ici seulement deux causes.
Premièrement, l’absence d’actes de possessions. En effet, la saisie des terres africaines a été facilitée par l’absence des actes de possessions que ces paysans n’ont jamais pu établir ou obtenir. En Afrique subsaharienne, seulement 10% des terres arables sont inscrites aux registres officiels.
Deuxièmement, la complicité des gouvernants. Sous-couvert de relance de l’agriculture pour éradiquer la famine qui ravage régulièrement des millions de personnes, les gouvernements locaux ont cédé presque à un prix symbolique des centaines de milliers d’hectares aux fabricants de biocarburants. Les pouvoirs publics dans pays africains ont une responsabilité dans ce phénomène, soit parce qu’ils cèdent eux-mêmes des terres ou qu’ils en facilitent l’accès à certains acteurs dans un contexte législatif faible. Les émeutes de la faim qui ont secoué Maputo en 2010 n’ont pas empêché le gouvernement à céder 6,6 millions d’hectares aux Etats-Unis et à des compagnies étrangères. Pour rappel, le Mozambique dispose de 36 millions d’hectares de terres arables, soit 46% de son territoire, qui sont propres à la culture, et dont seulement 10% sont exploitées.

Les conséquences de ces accaparements

Selon ActionAid International, les États-Unis sont à l’origine de la plupart des investissements conclus (7,09 millions d’hectares), suivis par la Malaisie (3,35 m ha), les Émirats Arabes Unis (2,82 m ha), le Royaume Uni (2,96 m ha), l’Inde (1,99 m ha), Singapour (1,88 m ha), les Pays-Bas (1,68 m ha), l’Arabie saoudite (1,57 m ha), le Brésil (1,37 m ha), et la Chine (1,34 m ha) . Ces pays se sont aussi mis à acheter les terres fertiles africaines pour satisfaire leurs besoins alimentaires et fabriquer les biocarburants.
L’Arabie saoudite et le Qatar sont deux pays désertiques qui importent toute leur nourriture. Ces deux pays ont acquis, au prix de la répression menée par le gouvernement d’Addis-Abeba contre les paysans et les éleveurs, des dizaines de milliers d’hectares pour satisfaire leur demande intérieure en fruits et légumes. Et pendant ce temps, les populations africaines meurent de faim.
La conséquence véritable de ces accaparements de terres est le terrorisme alimentaire. En Afrique subsaharienne, région à forte instabilité politique et sécuritaire, l’accaparement des modestes terres fertiles s’est fait par les autorités, ce qui a privé des milliers de paysans de leur principale ressource de survie. Cette spéculation foncière met clairement en péril la sécurité alimentaire des pays africains. En effet, ces terres sont cédées aux grands investisseurs privés au détriment des petits paysans. Or, ces derniers fournissent 60 à 70% de l’alimentation dans pays africains. Leur enlever les moyens de produire, c’est mettre en danger l’accès à l’alimentation de l’ensemble de la population.

Mais ce phénomène menace également les écosystèmes, les forêts et les espèces animales.
Ce qu’il convient de faire

La situation est grave. En République démocratique du Congo (RDC), 50% de ses terres fertiles sont passées sous le contrôle des pays étrangers et des firmes internationales qui sont plus intéressés par l’exploitation du sous-sol que par l’agriculture, sans payer la moindre taxe ou redevance. Au Mozambique, 40% de la population souffrent de malnutrition, selon les chiffres officiels des ONG onusiennes.
Il est temps pour les africains de mettre en place des politiques agricoles vivrières qui leur garantiraient la sécurité alimentaire. Il n’est pas bon de céder les terres à la destructrice industrie des biocarburants. Les Etats doivent mettre en place des législations foncières qui permettent de sécuriser l’accès au foncier des populations locales et un encadrement des investissements privés prenant en compte les impacts sur la terre, les ressources naturelles et le droit à l’alimentation.

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