Côte-d’Ivoire CPI: « De mon appartenance ethnique, je n’étais pas un homme de confiance» (Colonel Kouaho Amichia)

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Procès Blé Goudé/Gbagbo: L’ancien chef du groupement n°1 de la Garde républicaine parle de sa mise à l’écart

Le commandant de la Garde républicaine a fait son entrée comme témoin au procès de Charles Blé Goudé et Laurent Gbagbo ce jeudi 22 septembre à la Cour pénale internationale (CPI). À l’époque de la crise postélectorale, le colonel Kouaho Amichia Edouard occupait les fonctions de commandant du groupement n°1 de la Garde républicaine.

Par Camille Dubruelh Ivoirejustice

Une prière pour l’aider à dire « toute la vérité et rien que la vérité ». Le colonel Kouaho Amichia Edouard s’en est remis à Dieu avant de commencer son témoignage ce jeudi, à l’ouverture de l’audience. « Unis dans la foi, nous apporterons la paix », a-t-il promis avant d’être interrogé par le bureau de la procureure.

L’accusation s’est tout d’abord penché sur la hiérarchie au sein de la Garde républicaine à l’époque de la crise postélectorale. Principal mission de cette unité : assurer la protection du président, des institutions et des hautes autorités du pays. Le témoin dirigeait pour sa part le groupement n°1, qui couvre la zone d’Abidjan, depuis le poste de commandement de Treichville. Il répondait alors aux ordres du capitaine Dogbo Blé, ancien chef de la Garde républicaine.

« Il m’est revenu que, du fait de mon appartenance ethnique, je n’étais pas un homme de confiance »

Le colonel Kouaho Amichia Edouard a longuement raconté comment les lignes de la chaîne de commandement avaient bougé lors de la crise. Un incident en particulier a marqué un tournant. Mi-décembre 2010, le commandant apprend qu’une formation de recrues est sur le point de commencer, encadrée par son officier adjoint, le capitaine Blé Kouassi. Le témoin explique avoir été « surpris » puisqu’il n’avait pas été mis au courant de cette décision. La formation de ces recrues, de jeunes hommes issus des ethnies du groupe krou, selon les dires du commandant, avait été « négociée avec le chef de corps pour renforcer les effectifs ». C’est plus tard que le colonel Kouaho Amichia recevra des explications quant à sa mise à l’écart, lors d’une visite du général Dogbo Blé et de son chef de cabinet, le commandant Yakba Kipré, au camp de Treichville. « Yakba Kipré m’a dit : on a demandé à Kouaci de ne pas t’informer de cette formation parce qu’on n’a pas confiance en toi », rapporte le témoin.

« J’ai compris qu’il y avait des chances pour que je ne sois plus associé aux décisions et la suite m’a donné raison », explique encore Edouard Kouaho Amichia. « Ma hiérarchie ne m’a jamais dit ce qu’elle me reprochait. (…) Il m’est revenu que, du fait de mon appartenance ethnique [appolo, ndlr], je n’étais pas un homme de confiance », poursuit le témoin, notant que l’éthnicité de sa femme, une Dioula, pouvait aussi « expliquer cette mise à part ». Selon les dires du colonel, c’est donc le capitaine Blé Kouaci qui recevait directement les ordres à partir de ce moment là, conduisant les opérations aux côtés de l’adjudant-chef Kokobo Gokou Mathias. Les deux hommes menaient des missions sur le terrain pour combattre les rebelles, sortant du camp avec des chars et en revenant, sans faire de rapport au commandant du camp.

Parmi les hommes qui participaient à ces missions, les membres de la Garde républicaine, mais pas seulement. Le colonel Kouaho Amichia raconte ainsi qu’une centaine d’hommes étaient arrivés sur le camp sans qu’il ne soit prévenu. Des hommes entre 25 et 35 ans, en civil et armés de mitrailleuses. « Ils obéissaient à Kokobo et Blé Kouaci », affirme le commandant. « Au regard de leur accent et de ce qu’ils disaient en anglais, je me suis dit que ça pouvait être des supplétifs venant du Liberia », note-t-il encore.

Tensions au sein de la Garde républicaine

Son éviction de la chaîne de commandement, le témoin explique ne l’avoir jamais contestée, et ce à cause de « l’atmosphère » qui régnait à l’époque. « Les hommes se regardaient en chiens de faïence, c’est à croire qu’on avait deux camps », explique-t-il, racontant que tous les éléments de l’ethnie dioula avaient quitté les lieux « parce que leur vies étaient menacées ». « J’ai compris qu’il fallait être prudent (…) J’avais peur pour ma vie », avoue le colonel. Quant à savoir pourquoi lui est resté : « Je ne pouvais pas abandonner mes hommes, ça aurait été une sorte de lâcheté », justifie-t-il.

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