Côte-d’Ivoire la faute médicale: Que dit le Droit ivoirien ? [contribution]

chu-dabidjan

La santé est pour tout individu un bien précieux en raison du fait que sa vie en dépend dans une certaine mesure. La santé est un droit fondamental de l’individu comme le reconnaît le préambule de la Constitution de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) lorsqu’il dispose que « La possession du meilleur état de santé qu’il est capable d’atteindre constitue l’un des droits fondamentaux de tout être humain, quelles que soient sa race, sa religion, ses opinions politiques, sa condition économique ou sociale ». Ces dispositions réaffirment donc le droit à la santé comme un élément cardinal de la vie de tout être humain. De plus, conscient de l’importance de la santé, le constituant ivoirien, consacre le droit à la santé en son article 7 aux termes duquel « L’État assure à tous les citoyens l’égal accès à la santé … ». Cette consécration est également faite par l’article 25 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme selon lequel « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé » ainsi que par l’article 16 de la charte africaine des droits de l’homme et des peuples qui dispose que « Toute personne a le droit de jouir du meilleur état de santé physique et mental qu’elle soit capable d’atteindre ». La reconnaissance de la santé comme droit de l’individu, combinée au désir de la personne humaine d’entretenir son état de santé, accroit les obligations des professionnels de santé, en l’occurrence les médecins. Ceux-ci doivent faire face à un nombre croissant d’obligations non seulement en rapport avec l’activité médicale mais aussi juridiques.

En effet les progrès scientifiques en général, et l’évolution des techniques médicales en particulier, suscitent des attentes chez de nombreux patients qui ne sont plus en mesure de tolérer les fautes médicales. Juridiquement définie comme la violation par le praticien de ses obligations imposées par l’art médical, la faute médicale, qui est d’ailleurs à distinguer de l’erreur médicale, lorsqu’elle est grossière ou manifeste, doit permettre d’engager la responsabilité de son auteur (Le médecin en l’occurrence, à qui nous nous intéressons particulièrement dans le cadre de notre réflexion). Etant entendu que cette dernière peut être définie comme un impératif moral, intellectuel ou juridique invitant à remplir un devoir, à satisfaire une obligation ou à réparer une faute. Sur le plan juridique, elle consiste à répondre des conséquences dommageables de ses actes. Elle peut donc être la conséquence directe d’une faute médicale.

En tout état de cause, la question de la faute médicale, est un sujet qui intéresse l’opinion publique car celle-ci semble être sensible à tout ce qui est relatif au système de santé. Malheureusement, de nombreuses fautes sont commises au quotidien par des agents de santé. Certaines font l’objet de campagnes médiatiques, de procès, tandis que d’autres sont tues parce que certaines victimes n’ont pas le courage d’intenter une actions en justice, ou n’ont pas les moyens de le faire.

Cela ne devrait pourtant pas être ainsi. En cas de faute médicale avérée, la victime (ou ses ayants droits), doit pouvoir être en mesure de mettre en jeu la responsabilité civile, pénale, disciplinaire ou même administrative du praticien, auteur de la faute. Une faute médicale commise a de graves conséquences tant physiques, morales, que pécuniaires. Au pire des cas elle peut avoir des fins dramatiques telles que la mort du patient.

Pour éviter d’en arriver là, le professionnel de santé dans l’exercice de son art, doit agir non seulement en maîtrisant les contours techniques de son art, mais aussi en exerçant avec conscience l’activité médicale. Le médecin est donc tenu d’une obligation de moyens qui est à la fois de science et de conscience. C’est le manquement à ces obligations qui permet de conclure à l’existence d’une faute.

En droit ivoirien, il est nécessaire que les contours de la faute médicale soient clairement définis. Cela passe par l’adoption par la Côte d’Ivoire d’un code de la santé publique, à l’instar d’autres Etats comme la France. De plus, en cas de faute médicale, l’un des problèmes cruciaux qui se posent, est celui de la réparation des conséquences dommageables. Or en droit ivoirien, les victimes de fautes médicales sont identifiées à toutes autres victimes en raison du manque de textes spécifiques en matière de droit médical. Pour mettre en œuvre la responsabilité de l’auteur de la faute, et ainsi obtenir réparation, la victime doit avoir recours aux textes de droit commun. Il est grand temps que le droit médical en général et le droit de la santé en particulier occupent une place de choix dans l’arsenal juridique ivoirien. Ce serait aussi une manière de consacrer des droits aux patients à l’instar de la France, qui l’a fait au travers de la Loi du 4 mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. La mise en vigueur de Lois en matière médico-légale s’avère donc nécessaire en droit ivoirien qui souffre d’une carence extrême en la matière. L’inexistence de Lois est une difficulté majeure à laquelle se trouve confrontée la victime d’une faute médicale en droit ivoirien. Or l’importance extrême de la santé devrait conduire à une législation particulière en la matière.Cette législation pourrait porter sur les sanctions des auteurs de fautes médicales et sur les droits des victimes.

Le législateur ivoirien devra donc faire de l’élaboration de Lois nouvelles en matière médico-légale, son crédo. Il importe dès lors, de parer à l’éminent vide juridique qui existe en la matière. Dans le cas contraire, comment en cas de faute médicale, la victime peut-elle revendiquer des droits si les textes qui sont sensés la protéger n’existent pas? Dans ces conditions, la question de la faute médicale ne peut qu’être problématique.

Par ailleurs, il revient aux victimes de pouvoir intenter une action en justice en cas de faute médicale. De plus, les attitudes fatalistes devraient être abandonnées ainsi que la trop grande sacralisation du professionnel de santé. En effet, son statut ne fait pas de lui une personne susceptible d’être à l’abri d’une quelconque action en justice. Tout citoyen doit donc se former et s’informer, quant à ses droits, aux obligations du praticien, et à la conduite à tenir en cas de faute médicale.

De plus, pour éviter au maximum de commettre des fautes médicales, le praticien doit être en perpétuelles formations. Il doit également être au diapason des règles juridiques qui encadrent ses droits et ses devoirs. En cas de faute médicale, il faudrait que chacun assume la responsabilité qui lui incombe.
Aussi, la commission d’une faute médicale, doit permettre de sanctionner son auteur et donner droit à réparation à la victime.

En fin de compte, en cas de faute médicale, aussi bien les intérêts de la victime que ceux du praticien doivent être pris en compte. Ainsi, l’éthique de la responsabilité, qui se traduit par une effective sanction de l’auteur de la faute, et une juste indemnisation de la victime, aura tout son sens en droit ivoirien.

Anna Carine N’DA
Doctorante en droit privé

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