Côte-d’Ivoire: Un pouvoir acquis par la force demeure toujours un pouvoir instable

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PRAO Yao Séraphin, LDI

Le 6 janvier 2017, les FRCI ont encore manifesté de manière soldatesque à Bouaké et dans plusieurs villes du pays. Les mutins réclamaient les primes promises par le Président Ouattara pour que ces derniers viennent déloger de force le Président Gbagbo du pouvoir. C’est la deuxième fois que ces militaires revendiquent de cette façon. Pour des promesses non tenues entre des amis, les honnêtes ivoiriens ont subi les caprices de quelques soldats indisciplinés. Le régime Ouattara a eu peur car les agissements de ces militaires ressemblaient à une tentative de coup de force. Mais ce qu’il faut retenir de ces évènements, c’est qu’un pouvoir imposé par la force reste et demeure un pouvoir instable. En général, en Afrique, si ce n’est pas le peuple qui vous donne son onction alors c’est que le pouvoir a été imposé, soit par une puissance occidentale ou une force armée rebelle. Les pouvoirs installés par la force seront toujours instables pour deux raisons.

La première raison est que celui qui te fait roi a un droit de regard sur ton fauteuil. Prenons le cas de Joseph Kabila à la tête de la RDC depuis Janvier 2001, après la mort de son père. Mais la façon avec laquelle, il a été désigné Président de ce grand pays d’Afrique, laisse penser que les capitales occidentales voulaient qu’il soit là. D’ailleurs, des observateurs très écoutés désignent les Etats-Unis et la France comme les deux pays ayant installés Joseph Kabila au pouvoir. Aujourd’hui, ce sont ses soutiens d’Hier qui le déstabilisent. Lors de la dernière présidentielle au Gabon, la France a officiellement exprimé ses doutes quant à la véracité des résultats de l’élection présidentielle au Gabon qui donne vainqueur, à 49,85% des suffrages, le président sortant Ali Bongo Ondimba. Cette victoire sur son opposant Jean Ping, contestée par ses partisans, a suscité une vague de violences à Libreville, la capitale du pays. Le président François Hollande a réclamé « un processus garantissant la transparence ». Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault a, lui, demandé à ce que « les résultats des élections soient donnés bureau par bureau « . Et pourtant, Ali Bongo était le « protégé » de la France. Mais le président gabonais, Ali Bongo avait plutôt mal reçu cette annonce. Il écrivait ceci sur son compte Twitter. « Une fois encore, le Parti socialiste fait dans l’ingérence et le néo-colonialisme le plus douteux après son communiqué sur le Gabon». Cette façon de dicter les lois aux Présidents Africains et de fixer le calendrier de notre Histoire dérange mais ce sont ces marionnettes à la tête de nos pays qui ont accepté les règles du jeu. Alassane Ouattara a lui aussi bénéficié du soutien des occidentaux pour être Président. Les Ivoiriens se souviendront pendant longtemps du bombardement du palais présidentiel de Côte d’Ivoire, juste pour aider Ouattara dans sa quête d’un pouvoir qui était devenu pour lui un supplice de tantale. Aujourd’hui, lui aussi s’attaque à ses amis en parlant de souveraineté de son pays. Ce que ces présidents corvéables ont oublié, c’est que la France n’a pas d’amis en Afrique. Elle est présente en Afrique pour quatre raisons : elle veut des clients pour voter pour elle à l’ONU, elle veut avoir accès à nos fabuleuses matières premières, ses politiciens cherchent à se faire financer et enfin elle veut toujours maintenir son rôle de sous-traitant des Etats-Unis auprès des pays d’Afrique.

La deuxième raison est que les soutiens locaux vous affaiblissent. Il est connu de tous que la rébellion du nord qui coupa la Côte d’Ivoire en deux en 2002-2011 était favorable à M. Ouattara, alors que le sud était tenu par les forces loyales au président Laurent Gbagbo. Mais aujourd’hui, les FRCI sont devenues un os dans la gorge du Président Ouattara. Ils sont souvent coupables d’actes de répression, de vandalisme et de vol. L’insécurité grandissante qu’a connue le pays durant des années est de leur fait. En mars 2012, des éléments du camp commando d’ABOBO avaient tenté de se soulever pour réclamer leur statut. Voici le catéchisme qu’il répète à qui veut l’entendre : «On nous a promis 5 millions de FCFA par soldat pour aller au front, chasser Laurent Gbagbo du pouvoir et le donner à Alassane Ouattara. Nous avons accompli avec succès notre mission. Nos chefs ont eu des promotions. Nous sommes sortis bredouilles». Les dernières législatives en Côte d’Ivoire ont permis également de voir que le Président Ouattara n’a pas entièrement le soutien du rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et pour la paix (RHDP). Le choix des candidats du RHDP a exacerbé les rivalités au sein de ce rassemblement. Mieux, le 25 novembre 2016, M. Mabri Toikeusse, et M. Gnamien Konan ont été chassés du gouvernement. Le président Ouattara perd ainsi une partie de ses soutiens, fragilisant ainsi son pouvoir au niveau local. En tout cas, si jamais il me passait à la tête de devenir Président de mon pays, alors je compterai sur mon peuple, rien que sur lui.

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