Mutinerie dans l’armée en Côte-d’Ivoire: Questions et perspectives par Prof. Mamadou Koulibaly (LIDER)

Prof. Mamadou Koulibaly | Président de LIDER | 23 janvier 2017

En ce début d’année 2017, nous apprenons, avec ou sans surprise, que des militaires ivoiriens sont à nouveau en mutinerie. Ils réclament des primes qui leur auraient été promises. Une partie de l’opinion s’offusque, crie à l’illégalité de la demande et regrette que les politiciens au pouvoir soient pris en otages par les militaires. Une autre partie de l’opinion reste choquée, craint le coup d’Etat qui renverserait le régime et se pose la question de savoir pourquoi le gouvernement ne demande pas, conformément à des accords de défense restés confidentiels, l’intervention de la force militaire française basée en Côte d’Ivoire, pour protéger et sécuriser le pouvoir puis mater les mutins. En face de ces deux parties, il y en a une troisième qui se félicite des troubles en question, les jugeant bien mérités par ce gouvernement corrompu, illégal et illégitime qui ne fait que récolter les fruits du vent semé à coups de propagande auprès des populations, pour bien asseoir une dictature. Ce groupe n’attend que la chute du régime sous le poids de ses contradictions internes, pour réclamer l’instauration d’une transition vers la démocratie et la liberté pour le pays et son peuple.

Quel que soit le point d’observation, il n’échappe à personne qu’il y a un jeu ambigu, des relations équivoques entre les politiciens et les militaires de Côte d’Ivoire. Ces relations sont complexes et sont faites aussi bien de manipulations que de chantage profitable aux deux côtés, mais corrosifs pour les populations et leurs activités. Ces relations ne datent pas de 2017 et se montrent de plus en plus toxiques avec le temps. Elles peuvent nous faire craindre une explosion, vu l’ampleur et la logique qu’elles prennent maintenant. Pourtant, tout semble montrer que la question devrait en principe être traitée, étant donné que ces dernières années, le Président de la République est lui-même ministre de la défense. Or, tout se passe comme si cette organisation du sommet de l’Etat passait à côté des problèmes par ignorance ou par incompétence, alors que leurs conséquences prévisibles sont graves pour la stabilité du pays et la sécurité des populations.

Se pose alors la question de la responsabilité des uns et des autres, et celle de leur capacité à comprendre et à résoudre les questions militaires.

L’objet de la réflexion qui suit est de poser des perspectives qui, même si elles ne résolvent pas les problèmes, posent les jalons pour ne plus se détourner d’eux et les aborder avec vérité car, après tout, la Côte d’Ivoire doit avancer et ne peut le faire correctement que si les institutions sont cohérentes et fonctionnent selon le bon sens commun aux pays et peuples libres et démocratiques.

Tour à tour, nous aborderons la question de savoir qui sont les mutins de janvier 2017 et nous nous demanderons s’ils sont manipulés et par qui ? Nous poserons aussi la problématique de la prime dans la fonction publique et chez les militaires en particulier. Après, nous questionnerons les processus du DDR (désarmement, démobilisation et réintégration), de la RSS (réforme du secteur de sécurité) et le destin de la LPM (loi de programmation militaire). Nous terminerons sur une évaluation des risques politiques et économiques de cette mutinerie en ce moment précis.

Le texte, par son étude des relations cachées et complexes sur toutes les questions abordées, devrait mettre les populations, les politiciens, les militaires et les observateurs intéressés dans une posture de meilleure compréhension et de renforcement de leurs capacités d’analyse et de gestion de la situation. Nos remèdes à nous ne changent pas et ont été par ailleurs exposés dans l’analyse de ces questions il y a quelques années de cela.

I. Qui sont donc les soldats entrés en mutinerie en janvier 2017

Ce sont les anciens rebelles qui sont dans les camps et les unités moins favorisés, qui n’ont pas de bonnes conditions de vie et de travail et qui considèrent que, comme par le passé, ils peuvent revendiquer, exiger, réclamer dans tous les domaines et avoir gain de cause.

Ils sont donc, si l’on s’en tient au recrutement massif effectué par le pouvoir en 2011-2012, environ 13.000 dans l’armée, auxquels il ne faut pas oublier d’ajouter 6.000 autres répartis entre la douane, la garde pénitentiaire, la garde des eaux et forêts.

Comme ils revendiquent au nom de promesses qui leur ont été faites pendant qu’ils avaient encore le statut de rebelles, il faut leur ajouter ceux qui ont été démobilisés après le 11 avril 2011. Au bas mot, loin des chiffres officiels de 8.500 ou de 7.400, il faut travailler sur une base comprise entre 12.000 et 20.000 personnes qui, une fois le paiement de la prime engagé, pourraient y prétendre. Les 8.500 ne sont alors que la partie visible des protestataires. Il ne faut pas se tromper là-dessus. Il ne faut pas tromper l’opinion là-dessus.

Ils sont pour la plupart analphabètes, sans formation, ni qualification, ni compétence. Avec l’arrivée de Ouattara au pouvoir, ils ont obtenu, au lieu du désarmement prévu par les accords de sortie de crise, le recrutement dans la fonction publique militaire. Ils ont donc la sécurité de l’emploi et le paiement qui va avec, jusqu’à la retraite, ce qui fait pour un militaire de rang (deuxième classe), environ 200.000 fcfa par mois. Ils sont déjà relativement bien payés par rapport à la grille de la fonction publique, à niveau de diplôme et d’ancienneté égal.

Toutefois, eux ne se comparent pas aux autres populations ivoiriennes qui seraient sous la ligne de pauvreté ou carrément au chômage. Leurs référents sont plutôt ceux qui, avec les mêmes niveaux et conditions d’entrée dans l’armée, sont spécialement bien traités et mieux payés par le Président de la République qui reste, depuis son arrivée au pouvoir, chef suprême des armées et ministre de la défense, et qui a sélectionné, parmi les rebelles recrutés, certains qui sont devenus membres des forces spéciales, du centre de coordination des décisions opérationnelles (CCDO), du groupe de sécurité du président de la République (GSPR) et autres unités privilégiées, rendant envieux leurs promotionnaires restés militaires de caserne. Telle est une des raisons de leurs revendications. A promesse égale, traitement égal. Or tel ne leur semble pas le cas depuis 2011.

II. Que veulent les soldats en mutinerie ?

Les mutins demandent plusieurs choses, parmi lesquelles nous retenons la réduction du temps passé par grade et le versement de prime Ecomog. Les deux questions semblent complexes, mais montrent en réalité une logique de rébellion face aux lois en vigueur en Côte d’Ivoire.

Dans les dispositions militaires, les éléments ont en principe un temps à passer dans chaque grade avant de prétendre, dans certaines conditions de concours, de prestations, de citations, de compétences, de qualifications et pas seulement d’ancienneté, au grade supérieur. Cette demande des mutins signifie que les militaires en grève veulent des promotions automatiques, rien que sur l’ancienneté et dans les délais plus courts, pour rapidement monter en grade.

Rappelons que quelque temps après qu’ils aient été déversés dans la fonction publique militaire en 2011-2012, ils ont, en 2015, année électorale, exigé des avancements en grade qui leur ont été offerts tout de suite, faisant de plus de 50% d’entre eux des sergents, après qu’ils aient bloqué le fonctionnement du port d’Abidjan. Les grades ainsi distribués ne sont ni liés au mérite professionnel tel que l’on peut l’entendre dans les lois militaires de notre pays, ni aux compétences spécialement acquises et nécessaires. Le résultat est que ce que nous appelons armée ivoirienne est constituée d’un faible effectif de militaires de rang non qualifiés, mais pourtant surencadrés par des sous-officiers eux-mêmes insuffisamment qualifiés.

On a des rapports d’encadrement d’environ 1 officier pour 21 personnels et 1 sous-officiers pour 3 militaires de rang, que les militaires eux-mêmes reconnaissent comme étant en déphasage avec les mesures des armées modernes, où ce taux d’encadrement est de 1 officier pour 10 personnels et 1 sous-officier pour 4 militaires de rang.

Le problème en la matière est donc connu, mais ni les militaires, ni les politiciens qui gèrent l’Etat ne sont engagés à le résoudre. Bien au contraire, les exigences et les solutions qui leur sont données tendent à renforcer les dysfonctionnements. Peut-on alors dire que nous avons vraiment une armée de la République en Côte d’Ivoire ?

La reconnaissance du mauvais fonctionnement de cette formation et de l’encadrement a conduit d’ailleurs, après le désengagement de l’armée française dans ce domaine, à la signature de plusieurs contrats juteux avec des sociétés privées françaises d’encadrement et de formation militaire, sans aucune correspondance avec la réalité de l’armée ivoirienne et la politique gouvernementale en la matière.

Si l’expérience de l’avancement dans l’armée ivoirienne se fait plus par ancienneté et par passe-droit ethnique ou politique, il est à noter que cette pratique a des limites fixées par la pyramide des grades qui elle, tient compte des exigences professionnelles, des contraintes de capacités et d’équipement de l’armée, et des dispositions budgétaires cohérentes avec une politique militaire claire. L’ancienneté ne peut donc être le critère principal et sans contrainte.

Le tableau d’encadrement issu de la pyramide des grades doit être respecté, sinon la satisfaction de simples revendications alimentaires qui voient dans la promotion expresse rapide une justification de la valorisation salariale rapide, rendrait inopérante une armée.

Un autre volet de la revendication des militaires est la promesse d’une prime dite Ecomog. A quel moment les forces de l’Ecomog ont-elles séjourné et agi en Côte d’Ivoire ? Aux termes de quels accords des propositions de primes ont-elles été faites aux soldats de la rébellion ivoirienne ? Aux termes de quels contrats des soldats ont-ils agi pour et dans le cadre de l’Ecomog ? Combien de francs l’Ecomog aurait versé au Trésor Public ivoirien pour le compte de ces soldats mis à la disposition des forces de la Cedeao ? Quelle part de ces montants devrait revenir à ceux qui sont aujourd’hui en mutinerie ? Combien sont-ils à bénéficier de cette prime selon les bases de données de l’Ecomog ?

Ces questions qui semblent élémentaires ne sont pas traitées dans la discussion sur la mutinerie, et le compte-rendu du gouvernement ne nous en dit pas plus. Or elles sont essentielles pour estimer ce qui est dû aux mutins et savoir pourquoi, depuis 2011, cette somme ne leur a pas encore été versée par l’Etat de Côte d’Ivoire, qui programme depuis cette date en moyenne plus de 200 milliards de francs cfa comme budget de l’armée. Pourquoi l’Assemblée Nationale de la Côte d’Ivoire, qui a pourtant une commission de la défense présidée jusqu’au récemment par un ex-officier supérieur de l’armée, n’en n’a jamais fait cas ? Pourquoi le président du Parlement, qui a le triple privilège d’avoir été secrétaire général des forces armées des forces nouvelles (FAFN), premier ministre et ministre de la défense, n’a jamais posé le problème lors de l’étude des budgets des militaires pendant la législature qui vient de s’achever ? Pourquoi le Président de la République lui-même, qui pendant son mandat passé a eu à présider la Cedeao et à créer, pendant qu’il était au Golf Hôtel, les forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) par ordonnance et qui reste encore ministre de la défense, président du conseil de sécurité, président du conseil de défense, n’a-t-il pas traité la question depuis 2011 ? Pourquoi ? Et pourquoi ?

Au-delà de ces questions, il faut savoir ce qu’est une prime des militaires pour mieux apprécier la situation. Mais les militaires étant des employés de l’Etat, le phénomène des primes est plus général lui aussi et s’apparente à du détournement organisé de fonds publics.

III. Les primes : un détournement de deniers publics à abandonner pour tous ou à budgétiser pour tous

Le phénomène des primes, en général et dans la fonction publique en particulier, vient du fait que les fonctionnaires estiment que leurs salaires ne sont pas complets et en adéquation avec le coût de la vie. Ils estiment que leur revenu salarial est inférieur au coût de la vie, même s’ils se répètent à eux-mêmes à longueur d’année, et dans le système du franc cfa, que l’inflation est faible et très supportable. Ce discours véhiculé à travers leurs propres rapports par l’Etat dont ils sont employés, ne les convainc point, et pourtant ils n’y renoncent pas. Ils aiment aussi affirmer au reste de la population que les revenus salariaux des fonctionnaires ivoiriens sont supérieurs à ceux en vigueur dans les pays voisins de la sous-région ouest africaine.

Mais nous n’avons pas encore accepté l’idée que le revenu salarial du fonctionnaire est très supérieur à la productivité de celui-ci, compte tenu du fait que l’économie nationale ne génère pas suffisamment d’emplois dans le secteur privé, entrainant un détournement des travailleurs vers la fonction publique. Alors, l’équation est simple. Le fonctionnaire dit qu’il gagne par mois un salaire plus faible que le coût de la vie en Côte d’Ivoire. Mais ce salaire reste plus élevé que la productivité du fonctionnaire. Autrement dit, il travail moins qu’il n’est payé, mais ce qu’il gagne ne lui permet pas de faire face à la cherté de la vie dans un pays où les prix sont administrés pour cacher la réalité du coût de la vie.

Pour corriger cette anomalie, certains ministères et institutions s’offrent des primes qui, très vite, contaminent l’ensemble de la fonction publique et s’imposent comme complément non budgétisé de salaire. Officiellement, ni le gouvernement, ni le parlement ne sont au courant de ces primes qui n’ont pas d’existence légale dans la loi des finances, mais qui pourtant sont prélevées et distribuées. La question que la mutinerie nous révèle est la version militaire de cette pratique des primes.

Qu’est-ce que la prime chez les militaires ?

Lorsque les militaires, gendarmes et policiers sont projetés en mission sur des terrains d’actions, là où l’intendance ne peut se déplacer pour assurer leur confort alimentaire, il leur est donné par l’employeur, donc l’Etat, deux à trois mille francs cfa par jour de mission. Il s’agit donc d’une prime d’alimentation. Lorsque la rébellion se déclenche en 2002, les rebelles de la zone CNO font savoir qu’ils verseraient à leurs guerriers des primes savons de 5.000 francs cfa/mois. Dans le même temps, les forces loyalistes du Sud font instituer une «prime haut les cœurs» qui restera en vigueur jusqu’en avril-mai 2011. La prime haut les cœurs, loin d’être une prime d’alimentation, est vite devenue une prime d’encouragement pour ceux qui allaient au front. Elle s’élevait à 80.000 fcfa/mois. Mais très vite, la prime d’encouragement s’étend à tous les soldats, qu’ils soient au front ou pas. Elle devient donc une prime de loyauté de 50.000 fcfa pour tous les soldats qui n’étaient pas au front.

L’Etat de Côte d’Ivoire décaissait ainsi, en moyenne, plus de 3 milliards de francs cfa par mois entre 2003 et 2011, pour financer cette prime versée aux hommes en armes du côté loyaliste, somme qui était ainsi dévolue, non pas à la capacité des armées, mais à leur loyauté et comme complément de solde.

Les soldats du sud n’ayant pas gagné la guerre, n’ont pas été capables d’en arrêter le paiement et les soldats du nord n’ayant pas perdu la guerre, voulaient avoir droit au même privilège que ceux du sud.

En aucun cas, les exigences des mutins ne peuvent provenir des accords de sortie de crise, qui disposent, au titre II du quatrième Accord complémentaire à l’Accord politique de Ouagadougou signé le 22 décembre 2008 :

Article 3 : Afin de favoriser l’organisation des élections dans de bonnes conditions, les deux Parties ont convenu de relancer, sans délai et sous la conduite du Cci et la supervision des Forces impartiales, le désarmement, le stockage des armes des deux Forces ex-belligérantes, ainsi que la démobilisation des ex-combattants ; des Forces nouvelles. En tout état de cause, ces opérations devront être achevées au plus tard deux mois avant la date fixée pour l’élection présidentielle.
Les armes recueillies seront stockées par le Cci, sous la supervision des Forces Impartiales.
Les Forces Nouvelles transmettront sans délai au facilitateur, pour le Cci, la liste des 3400 éléments proposés pour être commis à des tâches de sécurité aux fins de leur déploiement dans les meilleurs délais aux côtes de la Police nationale et de la Gendarmerie nationale, sous le commandement du Cci à l’issue du processus de sortie de crise, ils pourront postuler aux concours de recrutement dans la Police Nationale et dans la Gendarmerie Nationale sur la base des critères nationaux de recrutement. Leur prise en charge sera assurée par le budget de l’Etat.Les Forces Nouvelles transmettront aussi au Facilitateur, pour le Cci, la liste du quota des 600 éléments issus de l’Accord de Pretoria qui seront déployés sans délai aux côtés de la Police nationale et de la Gendarmerie nationale sous le commandement du Centre de commandement intégré. A l’issue du processus de sortie de crise, ils seront intégrés dans la Police Nationale et dans la Gendarmerie Nationale. Leur prise en charge sera assurée par le budget de l’Etat.

Article 4 : Afin d’accélérer la démobilisation des Ex-combattants des Forces Nouvelles, les Parties invitent le Gouvernement à verser au Ex-combattants démobilisés une prime ou aide directe de démobilisation d’un montant de cinq cent mille (500.000) francs CFA pour solde de tout compte. En tout état de cause, la démobilisation des ex-combattants des Forces armées des forces nouvelles (Fafn) devra être achevée au plus tard deux mois avant la date fixée pour l’élection présidentielle.

Article 5 : Concernant le démantèlement des milices, les deux Parties ; conviennent d’entamer leur désarmement, le stockage de leurs armes et leur démobilisation sous l’autorité du Cci et sous la supervision des Forces impartiales, concomitamment avec la démobilisation des ex-combattants des Fafn. En tout état de cause le démantèlement des milices devra être achevé au plus tard deux mois avant la date fixée pour l’élection présidentielle.
Les armes recueillies seront stockées par le Cci, sous la supervision des Forces Impartiales.
Afin d’accélérer le démantèlement des milices, les parties invitent le Gouvernement à verser aux miliciens démobilisés une prime ou aide directe de démobilisation d’un montant de cinq cent mille (500.000) francs CFA pour solde de tout compte.

Article 6 : Concernant les quotas d’intégration d’éléments des Fafn dans la Nouvelle Armée Nationale, les deux Parties, se référant aux propositions contenues dans l’arbitrage du Facilitateur du 5 janvier 2008, ont décidé de régler définitivement la question comme suit :

Les Forces nouvelles procéderont d’abord à l’identification et au profilage de leurs ex-combattants ayant déposé les armes et transmettront leur liste définitive au Facilitateur ;
Elles soumettront ensuite au Gouvernement une liste de 5000 ex-combattants aptes en vue de leur intégration dans la Nouvelle armée nationale ;
Le Gouvernement statuera sur le dossier des 5000 ex-combattants des Forces Nouvelles et prendra les décisions appropriées pour leur intégration dans la Nouvelle armée nationale dans un délai qui n’excédera pas deux ans;
En attendant leur intégration dans la Nouvelle Armée Nationale, les Ex-combattants des Fafn seront regroupés, sous le commandement de l’état-major des Forces Nouvelles appuyé par les Forces impartiales, pour une formation commune de base, dans les camps militaires de Bouaké, Korogho, Man et Séguela, à raison d’un camp par ville. Leur prise en charge sera assurée par l’Etat.
On s’aperçoit bien qu’aucune des revendications actuelles, ni les 5 millions de fcfa, encore moins les 12 millions évoqués par le gouvernement, ni le nombre de 8.500 militaires bénéficiaires ne découle des dispositions ci-dessus, contrairement aux affirmations du gouvernement.

Mais à quel moment des promesses de primes Ecomog ont-elles été faites ? Et par qui ?

Dans son principe, lorsque les forces Onusiennes et celle de l’Ecomog interviennent sur des terrains en pays étrangers, l’Onu ou la Cedeao leur verse des primes Onusienne ou Ecomog. Les soldats qui aujourd’hui revendiquent ces primes ont-ils eu le sentiment d’intervenir en territoire étranger en venant dans le sud du pays ? Les forces qu’ils représentent se considéraient-elles comme des forces internationales intervenants en Côte d’Ivoire pour justifier le paiement des primes à ces soldats qui se sentent aujourd’hui frustrés ?

Quand on fait des promesses aux gens en armes, il faut les tenir et la paire Outtara-Soro doit bien savoir ce à quoi correspondent les primes exigées et les promesses dont il est question. Le problème ne consiste donc pas à en vouloir aux mutins et à oublier les auteurs des promesses, mais il est dans la perversion d’un système de primes alimentaires devenues primes de loyauté et de mercenariat. Pourquoi la paire Ouattara-Soro, depuis 2011, alors qu’ils ont été tous les deux, soit législateurs soit ministres de la défense, n’a rien fait pour régler le problème ? A qui a-t-on promis ces primes ? A quelles dates les promesses ont-elles été faites ? En effet, selon les dates, les militaires concernés sont aujourd’hui dispatchés dans différents corps de la police, de la gendarmerie et même parmi les démobilisés qui sont repartis, sans matricules mais avec les armes qui leur ont été distribuées. A quels moments les autres concernés, une fois les paiements engagés, feront pression pour toucher eux aussi le pactole ?

On ne peut traiter la question des primes des militaires en oubliant celle des primes en général. Les ex-FDS sont aussi concernés que les fonctionnaires dans leur ensemble. Il s’agit donc de légiférer sur les primes des fonctionnaires, et de les intégrer dans la grille globale des salaires, ou bien alors de les supprimer et les interdire une fois pour toutes.

Mais, alors que les fonctionnaires sont en grève, offrir des paiements gracieux et hors budget à une partie des militaires, sans présumer de la possible réaction en chaine de la pyramide des grades et des corporations de la fonction publique, serait totalement irresponsable et sans issue. Si seulement nous avions un parlement qui voudrait jouer son rôle, il aurait eu son mot à dire. Mais, lorsque les députés eux-mêmes poursuivent des primes hors budget auprès du Président de la République, peut-on en vouloir aux autres bénéficiaires de ces paiements de l’Etat ?

Toutes ces questions restent ouvertes et conduisent à nous interroger sur le désarmement qui, semble-t-il, aura été un grand succès mondial qui s’exporterait dans tous les pays qui en auront besoin. Si cela est vrai, et qu’en plus la réforme du secteur de la sécurité aura été une grande réussite, et que la loi de programmation militaire une idée géniale qui modernisera la nouvelle armée, pourquoi alors autant de troubles cataclysmiques dans l’armée ?

IV. Les relations équivoques entre les militaires et les politiciens en Côte d’Ivoire

Autour de la mutinerie et de la question de primes, il y a toute la problématique des relations inavouables entre les politiciens et les militaires en Côte d’Ivoire. Il est vrai que tel ou tel politicien peut se réclamer d’être le père des mutins ou des rebelles, mais il faut être prudent dans les interprétations des propos triomphalistes des uns ou dans les regrets pleins d’inquiétudes des autres.

Jusqu’à présent, la mutinerie a des allures festives de partage de butin de guerre, mais il n’en a pas toujours été ainsi et les perspectives des relations entre politiciens et militaires sont pleines d’incertitudes, aussi bien dans le domaine sécuritaire que dans le domaine politique et économique. En effet, si les politiciens ont pris l’habitude de manipuler et d’instrumentaliser les militaires pour arriver ou se maintenir au pouvoir contre des promesses d’argent et de promotions, en retour, les militaires sont devenus de gros handicaps pour les politiciens, qu’ils n’hésitent pas à faire chanter et à intimider à volonté. Le résultat est un grossier système de gaspillage de ressources et de déprogrammation de la nature républicaine de l’Etat, qui disparait dans la corruption et les connivences redistributives au profit de clans politiques amis et alliés.

Si le service après-vente de la mutinerie est convenablement servi, il devient abusif et peut provoquer l’écroulement de l’Etat. Se pose alors la question de la fidélité et de la loyauté des forces militaires aux politiciens au pouvoir, et celle des déstabilisations probables, lorsque ces politiciens entrent en conflit au sein des institutions ou lorsqu’ils ne représentent plus l’Etat.

Laissons tomber la période du parti unique et des relations fusionnelles entre le parti et l’Etat copiées sur le modèle de l’ex URSS. Regardons l’histoire des relations entre militaires et politiciens à partir de la Côte d’Ivoire nouvelle, celle du multipartisme inauguré en 1990. Cette période voit l’émergence de systèmes de manipulations des militaires par les politiciens à leur profit, et positionne en même temps les militaires comme des arbitres cupides du jeu entre des prétendants kleptocrates au pouvoir dans cette période de transition.

Regardons donc le vacillement continu de cette relation équivoque depuis 27 ans.

1990 : La paire Alassane Dramane Ouattara et Félix Houphouët-Boigny est aux affaires, lorsque le premier péché mortel est administré. Les 4.000 appelés du contingent qui refusent de partir de l’armée à la fin de leur service militaire et exigent d’être intégrés définitivement à l’armée avec une prime en hausse, calquée sur celle des loubards que le gouvernement utilisait pour maintenir l’ordre sur le campus, et la retraite unique à 55 ans. Les capacités opérationnelles et les équipements militaires vont en pâtir. Ouattara était là au commencement avec Houphouët-Boigny. Les militaires veulent participer au maintien de l’ordre et recevoir en compensation une garantie d’emploi et de l’argent.

1991 : Les militaires se permettent des exactions contre des civils dans les résidences universitaires de Yopougon, à la demande des politiciens. Le général Robert Gueï est envoyé, par Houphouët et Ouattara, pour maintenir l’ordre. Le gouvernement, encore fragile, demande une commission d’enquête qui conclut à la responsabilité des militaires, avec à leur tête le général Gueï, dans les exactions. Houphouët rétorque que lorsque son propre couteau le blesse, il ne peut le jeter et qu’il ne fallait pas que les politiciens donnent le mauvais exemple de livrer à la justice les militaires coupables. Dans cette ambiance de multipartisme naissant, des partis d’opposition protestent en 1992 contre cette attitude du gouvernement et leurs manifestations sont réprimées et les contestataires emprisonnés. Ceux qui décident sont un militaire et deux politiciens, parmi lesquels Ouattara. Le message principal de cette période est que, lorsque les militaires acceptent d’agir pour réprimer pour le compte des politiciens, ils sont bien rémunérés et toutes leurs demandes sont accordées en retour, même si elles passent par des mutineries. La mutinerie paye lorsque ceux qui la font ont, par le passé, rendu service aux politiciens. La règle du donnant-donnant s’instaure entre politiciens et militaires au sommet de l’Etat, jusqu’aux bases politiques et aux militaires de rang, comme nous le montrerons les mutineries qui suivront par la suite.

1995 : Henri Konan Bédié, alors Président de la République, demande à Gueï d’intervenir dans un processus électoral qui se présente mal. Le général refuse d’engager les forces militaires dans le maintien de l’ordre public. Il sera sanctionné et mis à la retraite, montrant ainsi que les hommes politiques qui nomment aux hautes fonctions de l’administration et de l’armée, peuvent sanctionner les chefs militaires qui refusent la connivence. Bédié et Gueï étaient là et nous l’ont montré. Ils connaissaient donc très bien, l’un et l’autre la question.

1996 : encore une fois, les appelés de la Garde Républicaine refusent, comme leurs devanciers de 1990, de partir de l’armée après leur service militaire. Bédié capitule devant 600 militaires qui sont alors maintenus en place, contre le règlement et la législation en vigueur en la matière. Le Président de la République croit ainsi acheter la connivence de ces militaires après l’élection difficile déroulée en 1995 et la montée du chômage qui attend les personnes non qualifiées et dont le passage dans l’armée n’a pas été une opportunité de formation et d’apprentissage de quelques métiers, parce que les moyens mis à la disposition par l’Etat sont essentiellement consacrés à la solde, aux baux et à la retraite des militaires, sans que rien ne soit consacré aux capacités opérationnelles, à l’équipement, à la formation et à l’acquisition de compétences nouvelles. Bédié était là. Il connait donc très bien la question lui aussi.

1997 : Bédié essaye d’imposer une réforme des armées, mais ses ministres de la défense et de l’intérieur qui cherchaient eux-mêmes à faire une réforme, ne semblent pas le suivre. L’activité clientéliste des chefs militaires en font les arbitres entre le Président de la République et son gouvernement. Et Bédié impose ses hommes à la tête de l’armée. C’est dans cette ambiance que les militaires ivoiriens ayant participés à des opérations en Centrafrique accusent le gouvernement d’avoir détourné leurs primes. Cette prime que Bédié refuse de leur payer leur donne un argument pour une mutinerie en 1999, qui va aboutir à l’effondrement de la République. Donc lorsque l’armée manque de capacité opérationnelle et que les politiciens au pouvoir ont des dissensions quant à la gestion de la clientèle militaire, le refus de paiement de la prime peut aboutir à l’effondrement du système et à de grande perte pour les politiciens. La disparation de la République de Bédié en 1999 profitera au général Guéï, qui instaurera une nouvelle République.

2000 – 2010 : La décennie ne fera pas exception à ces règles du clientélisme militaire par les politiciens. Avec les primes hors budget et les distributions rapides de grades, les politiciens abusent de l’outil militaire pour en tirer profit. Le résultat de cette pratique, c’est une armée divisée avec les rivalités entre unités et casernes et l’utilisation des militaires, soit comme mercenaires, soit comme miliciens à la solde de politiciens capables d’en payer le prix avec des derniers publics détournés de leurs objectifs budgétaires connus ou avec l’accaparement de ressources naturelles du pays confisquées.

A partir de 2000, ces divisions se feront sentir jusque dans les clans constitués par les militaires en révolte, avec des appellations remplies de symboles : Camorra, Brigades rouges, Kamajor, Cosa Nostra. Et tout cela se terminera avec une armée qui se donnera des pouvoirs économiques en politique en contrôlant d’abord entièrement l’Etat, puis à partir de 2002, en prenant le contrôle d’une partie du territoire grâce à une rébellion dans les zones CNO avec une structure étatique informelle, et loyaliste dans les zones sud, avec un Etat défaillant dont l’essentiel des dépenses étaient militaires. Dans tous les cas des figures, nous découvrons des gouvernements otages des forces de sécurité qui les aident à accéder au pouvoir, et les militaires qui deviennent de grands handicaps pour les gouvernements dont ils sont les enfants. Se marieront ensuite fumisterie et entreprise de communication pour faire croire que tous les problèmes ont trouvé solutions. DDR, RSS et LPN sont réalisés dans l’esprit des gens, jusqu’au jour où une mutinerie les rappelle à la réalité.

V. Le désarmement, le secteur de la sécurité, la programmation militaire : rien que de la communication. Hélas !

D’abord le DDR. Dans sa logique, il s’agissait de récupérer les armes des rebelles et de leurs combattants non membres de l’armée régulière, de les démobiliser, c’est-à-dire de les libérer de leurs engagements, et enfin de travailler à faciliter leur réintégration à la vie civile. Or, que s’est-il passé ?

Pour l’état-major de la rébellion, à partir de 2011, la question du DDR se posait en des termes clairs. Deux armées se sont affrontées, les forces armées nationales de Côte d’Ivoire (FANCI) et les forces armées des forces nouvelles (FAFN). Les FAFN sortent victorieuses de cet affrontement, donc elles désarment les FANCI et créent une nouvelle armée qui est présentée comme la synthèse des deux qui étaient en conflits : Les forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI). Dès lors, les combattants issus de la rébellion n’ont plus à se désarmer. Ils constituent désormais l’armée régulière et gardent, par générosité, les anciennes FANCI désarmées, dans celle-ci, après un tri minutieux. La conception du désarmement issue des accords de sortie de crise est abandonnée pour une intégration pure et simple des combattants dans les forces régulières. 12.000 à 15.000 combattants sont ainsi intégrés à l’arrivée, et 6.000 environ dans les corps para militaires de la douane, de la garde pénitentiaire, des eaux et forêts. Le désarmement s’est donc mué et terminé par l’octroi de matricules militaires à ceux qui auraient dû être effectivement désarmés et démilitarisés.

Mais, comme ceux qui auront la charge du programme national de désarmement, démobilisation et réintégration (PNDDR) de 2003 à 2011 n’avaient point peur de dépenser l’argent des autres, ils vont maintenir le projet du DDR et iront rechercher, identifier, recruter et présenter une nouvelle clientèle pour le DDR. On passe rapidement à près de 80.000 personnes concernées, pour un budget allant à plus de 100 milliards de francs cfa. Pour l’essentiel, cette clientèle n’a jamais été au combat ou bien elle n’a participé que juste dans les derniers instants de pillage et d’installation de Ouattara au pouvoir.

Le problème du DDR se transforme en celui de l’intégration des ex combattants dans l’armée, et de la gestion de la nouvelle clientèle à laquelle on applique des principes du DDR. Les paiements qui auraient dû être réservés pour le DDR se révèlent insuffisants, puisqu’il fallait en plus trouver des fonds pour les clients non concernés, mais qui désormais seront présentés comme les bénéficiaires du DDR.

Se met en place alors, une grosse fumisterie à la satisfaction des autorités locales qui règlent un problème militaire crucial par une belle entourloupe. Elle convient aussi à la communauté des bailleurs de fonds internationaux, avec l’Onu en tête, qui peut alors présenter une activité non réalisée comme un succès certain. Elle permet aux communes et aux conseils régionaux d’offrir à leurs administrés et électeurs des opportunités de formation aux métiers de l’élevage, de l’agriculture, de la pisciculture et autres, aux frais du DDR. Et enfin, elle enthousiasme les populations ciblées comme nouvelle clientèle qui peuvent ainsi bénéficier de versements de 800.000 francs, avec des équipements et du matériel, sans avoir jamais été combattants pour ou contre qui ou quoi que ce soit. Tous gagnent dans l’affaire, sauf que le DDR n’est pas fait.

Tous ces soldats intégrés dans l’armée vont bénéficier, après une mutinerie en 2014-2015, de promotions à des grades au-dessus de leurs compétences, de primes exceptionnelles de participation à l’installation des nouvelles autorités, et ils vont demander des revalorisations salariales, des accélérations de grades et obtenir un emploi fonctionnaire assuré jusqu’à la retraite. Maintenant viennent les questions.

Problème 1 : De 2003 à 2011 l’actuel ministre délégué à la défense auprès de Président de la République est l’animateur du PNDDR et met en application cette grosse entreprise de communication qui fait croire que le DDR se déroulait, alors qu’il en était rien. A partir de 2013, la même personne devient secrétaire général du conseil national de sécurité. Aujourd’hui, Mr Alain Richard Donwahi est ministre en charge de la défense auprès du Président de la République, qui est lui-même le titulaire du poste. Tous les deux sont au courant du problème tel qu’il se pose depuis le commencement.

Ouattara suit le dossier depuis les origines en 1990 et Donwahi depuis au moins sa période du PNDDR en 2003. En principe, sauf par cynisme ou incompétence, ils devraient connaitre parfaitement les questions des militaires et celles posées par les mutins. Alors, pourquoi ces questions n’ont-ils jamais été abordées, traitées et réglées définitivement ?

Problème 2 : Pourquoi faire travailler les hauts responsables de l’armée sur des dossiers dit du désarmement, de la démobilisation et de la réintégration, leur faire passer de longues heures à se réunir pour concevoir la meilleure organisation de l’armée, pour ensuite ne pas se servir des résultats et remettre aux calendes grecques les réformes attendues en ne donnant pas de sans suites aux propositions faites ?

Problème 3 : Pourquoi, à son arrivée au pouvoir, monsieur Ouattara demande et obtient de la France un conseiller militaire, général de l’armée, chargé de la réorganisation de la nouvelle armée ivoirienne mais qu’il n’a jamais reçu alors que ce dernier était supposé travailler sur l’identification des problèmes de l’armée ivoirienne et les traitements à lui administrer ? Si ce conseiller n’a pas servi, qui d’autre auprès du Président de la République, qui était et qui reste encore commandant en chef des armées et ministre de la défense, avait en charge la gestion, au plus haut niveau, des problèmes militaires de l’après crise, pour mieux les laisser s’accumuler, les utiliser comme instrument de vengeance et donc ne pas les résoudre ?

Problème 4 : Alassane Dramane Ouattara peut-il affirmer qu’après six ans de sa présidence et en tant que ministre de la défense, un conglomérat de 23.000 militaires avec 14.000 sous-officiers dont 10.000 au moins n’ont aucune qualification, la plupart étant analphabètes, encadrés par 1.000 officiers et ayant à encadrer 8.000 militaires de rang, serait une armée dite nouvelle et moderne ? Peut-on appeler un tel conglomérat armée ?

Problème 5 : Alors qu’il était premier ministre en 1990, au début de cette fuite en avant dans l’indiscipline organisée à l’époque par Houphouët-Boigny, Ouattara peut-il dire qu’il n’a pas eu connaissance des couches successives d’appelés ayant refusé de s’en aller de l’armée par mutinerie contre la législation militaire, faisant ainsi de près de 90% des gens qui sont dans l’armée des personnels indisciplinés, qui abusent et contournent le statut militaire normal ? De 1990 à ce jour, pourquoi n’a-t-il rien fait pour résoudre ou atténuer le problème ? Pourquoi a-t-il tout fait pour lui ajouter des promesses qu’il n’a jamais réalisées ni pour le DDR, ni pour la réforme du secteur de la sécurité, ni pour la modernisation de l’armée nouvelle, ni pour le paiement des soi-disant primes Ecomog ?

Problème 6 : Pourquoi de 1990, avec Ouattara au commencement, à 2017 avec toujours Ouattara à la fin, tout a été fait pour que la discipline qui est traditionnellement présentée comme la force principale des armées, ait été abandonnée par les forces militaires de Côte d’Ivoire qui lui ont substitué l’indiscipline, la mutinerie, la révolte contre l’autorité, le contournement de la hiérarchie ?

Problème 7 : Pourquoi depuis 1990 avec Ouattara au commencement, l’on veut tout faire pour attribuer aux forces militaires la mission de maintien de l’ordre public, en lieu et place des forces de polices et de gendarmerie ?

Problème 8 : Est-ce par manque d’information ou de compétence que Ouattara, président depuis 2011, n’a cessé de se nommer lui-même ministre de la défense, s’il n’est pas capable de connaitre les problèmes de l’armée ? Et s’il les connait, pourquoi n’a-t-il pas alors été capable de les comprendre et de les suivre pour résoudre les questions liées aux capacités opérationnelles des armées, à la discipline des militaires et au respect de la loi et de l’ordre par les forces sous son commandement ?

Problème 9 : Ouattara, avec cette mutinerie, se rend-il compte que la Côte d’Ivoire n’a plus d’armée, mais une compilation de différentes catégories de mercenaires, qui ont chacune des problèmes à lui soumettre, et qu’en la matière, vouloir diviser les hommes armés pour mieux les instrumentaliser est la pire des stratégies ?

Problème 10 : Pourquoi alors qu’il est ministre de la défense et Président de la République, Ouattara, contre son armée en crise, ne trouve rien de mieux à faire que de demander aux autorités françaises de mettre à sa disposition leur force basée en Côte d’Ivoire pour lui assurer sa sécurité et le maintien de l’ordre public ? Au nom de quel accord de coopération militaire et/ou de défense se permet-il une telle demande ? A quel prix était-il prêt à s’offrir une telle protection ?

Problème 11 : Ouattara était au début de cette dérive, qui consiste à demander aux militaires d’assurer l’ordre public en 1990. Il a été un acteur majeur dans la crise militaire de 2002-2010. Il a créé une armée, alors qu’il était président élu au Golf en 2011. Depuis cette date, il reste président de la République et ministre de la défense. Comment avec un pedigree pareil, Ouattara peut-il être surpris par les problèmes posés par les militaires auxquels il a fait des promesses paternalistes, alors que son président de l’Assemblée nationale actuel, qui était avec lui au Golf, était premier ministre et ministre de la défense ? Pourquoi, connaissant ces problèmes militaires, n’ont-ils pas, au sommet de l’Etat, légiféré, géré et traité ces questions qui durent depuis plus de 5 ans ? S’ils admettent ne pas être au courant de ces problèmes que font-ils au quotidien avec les moyens de l’Etat, dans leurs bureaux, au gouvernement, avec le budget du renseignement militaire et les financements du ministère de la défense ?

Problème 12 : Comment, dans notre système politique, une personne ou quelques personnes peuvent-elles promettre des primes à des catégories de fonctionnaires et ne pas les budgétiser tout en espérant les payer ? Si ces primes ne sont pas budgétisées, comment les payer sans en faire un instrument de perversion et de corruption des bénéficiaires ?

Problème 13 : Depuis plus de cinq ans que les promesses de primes ont été faites, pourquoi le ministère de la défense et le président de la République ne sont pas encore capables de nous identifier clairement les bénéficiaires ? S’agit-il de 7.400 militaires ? Sont-ils 8.500 ou 12.000? A quel niveau de commandement les a-t-on identifiés et dénombrés ? S’agit-il des militaires de rang seulement ou bien des sous-officiers sont-ils concernés autant que les officiers ? Les combattants qui étaient actifs au moment de la proposition au Golf et qui n’ont pas eu de matricule pour être intégrés dans la nouvelle armée, et donc par la suite ont été démobilisés, sont-ils concernés autant que les Dozos ? Ouattara ministre de la défense et président de la République peut-il verser un montant de 12.000.000 francs cfa à une partie des FRCI, en ignorant le reste des militaires FRCI et les anciens FANCI sans que cela n’ait de conséquence immédiate et générale sur l’ensemble des corps de la défense et la sécurité nationale ?

Problème 14 : Pourquoi depuis cinq ans qu’il est Président de la République et ministre de la défense, ces promesses faites et les autres problèmes de primes dans l’administration n’ont pas fait l’objet d’un débat public à l’Assemblée nationale, pour en établir la transparence, la budgétisation, et la meilleure gestion dans un cadre de rationalisation de la dépense publique ?

Problème 15 : Comment, devant la misère des conditions de vie et de travail des militaires, qui ne sont d’ailleurs que le reflet des mêmes conditions des fonctionnaires, Ouattara va-t-il financer les mutins sans actionner une pompe aspirante qui réveillera la spirale des revendications dont la satisfaction totale se chiffrerait à pas moins de 500 milliards de francs cfa, en dehors de celles des mutins ?

Problème 16 : L’Etat de Côte d’Ivoire peut-il honorer les promesses de son chef dans les conditions conjoncturelles actuelles, qui voient le cours mondial du cacao baisser en même temps que la monnaie de facturation de la vente de ce produit perd de la valeur et que les échéances de remboursement de la dette s’accumulent avec un dollar en hausse ?

Problème 17 : A quoi sert-il de vouloir installer sur les côtes ivoiriennes des radars de surveillance, alors qu’il serait plus simple d’y installer des garnisons et d’améliorer les conditions d’équipement, d’entrainement et de renforcement des capacités des militaires ? A quoi a-t-il servi d’acheter 500 VLRA (véhicule de liaison de reconnaissance et d’appui) en 2011, à part l’obtention de la médaille de la légion d’honneur française pour le signataire local du contrat, sans aucune préparation d’une chaîne logistique de réparation, sans formation aucune de mécaniciens dédiés, sans l’acquisition au même moment de pièces de rechange en grand nombre ? A quoi sert-il de passer des contrats de formation et d’encadrement militaires à des prix exorbitants avec des sociétés privées, animées par des anciens officiers supérieurs français, sinon à faire du chiffre en sachant très bien que des services offerts ne correspondent pas aux problèmes qu’ils sont supposés résoudre en Côte d’Ivoire ?

Problème 18 : Comment appliquer maintenant une loi de programmation militaire votée l’année dernière et qui prévoit le départ de l’armée de 4.000 éléments au moins, si les mutins peuvent tout remettre en cause pour une affaire de prime impayées ?

VI. Et alors, quels sont les risques ?

Les politiciens en Côte d’Ivoire ont pris l’habitude, depuis 1990, d’utiliser les militaires à leur profit et pour le maintien de l’ordre. Il est apparu depuis cette date que nul ne peut accéder au pouvoir d’Etat dans ce pays s’il n’a une armée ou des forces militaires à sa disposition. Mieux que les commissions électorales, se sont les forces armées qui font la différence en fin de compte.

En rétribution de leur engagement et de l’aide qu’ils peuvent apporter aux politiciens, les militaires exigent et obtiennent de leurs mandants des prébendes non officielles, non budgétisées, dont la réalisation entre en conflit avec d’autres promesses faites à d’autres corps de l’Etat.

Les convoitises s’exacerbent et les militaires peuvent mater les autres demandes sociales, réprimer la réalisation des autres promesses politiques pour donner priorité aux leurs, avec la bienveillance des politiciens qui ont les clés de répartition et de redistribution des différentes rentes étatiques. Il est ainsi imposé à toute la société une tyrannie de la redistribution néo patrimoniale.

La conséquence de toutes ces pratiques est une société divisée sur toutes les questions essentielles à sa survie. La construction de l’Etat se fait sur une base clientéliste. La construction de la République sur des critères ethniques, la construction de la Nation sur des critères ivoiritaires ou de rattrapage tribaliste. Comment des peuples aussi divisés par leurs politiciens peuvent-ils avoir des projets communs de construction harmonieuse d’une société libre et prospère ?

Diviser pour régner, telle est la devise des politiciens affairistes, qui savent ainsi qu’il ne pourra jamais avoir contre eux de révoltes sociales pour rejeter ce système de gouvernement qui, en définitive, vampirise tout le monde, même si chacun croit pouvoir vivre du sang de l’autre.

La diversité des individus et des forces sociales qui aurait dû être une force dans la construction nationale en devient le maillon faible. Cette dimension ethnique, religieuse, tribale et régionale est utilisée pour créer et entretenir la méfiance entre les populations, les catégories sociales et socio-professionnelles. Il ne peut y avoir de jacquerie, même si tous les paysans sont pauvres et s’en plaignent. Les gouvernements successifs sont à l’abri d’un soulèvement populaire, car ceux qui ont le pouvoir ont toujours des frères qui vont les défendre et les protéger contre tout risque de le perdre, selon une logique qui se résume dans la phrase : «Nous préférons être brimés, appauvris et exploités par un piètre gouvernement dirigé par un des nôtres que d’être libérés, enrichis et heureux par un gouvernement dirigé par quelqu’un qui n’est pas de chez nous». Les soulèvements ne peuvent donc être que de circonstance, localisés, ponctuels, catégoriels et corporatistes. Les revendications corporatistes ne servent qu’à la lutte pour améliorer la part de gâteau d’un groupe. Mais tous les groupes ne se mettent pas ensemble pour faire en sorte que la taille du gâteau augmente. Les politiciens, en jouant sur cette division, prennent aux uns pour le donner autres et jugulent ainsi les révoltes catégorielles et sociales.

Le système est appelé à s’éterniser ainsi, jusqu’au jour où l’Etat n’aura plus les moyens de prendre aux uns pour le distribuer aux autres. Alors et alors seulement, la convoitise des groupes en rivalité pour le partage du gâteau fera en sorte que le système s’écroule. Mais sera-t-il remplacé par un système différent ou bien alors par une réplique du même système avec de nouveaux acteurs ? Telle est la question.

A lire, du même auteur :

L’impossible réforme de la sécurité sous Ouattara (I) : http://lider-ci.org/limpossible-reforme-du-secteur-de-la-securite-en-cote-divoire-sous-ouattara/
L’impossible réforme de la sécurité en Côte d’Ivoire sous Ouattara (II) : http://lider-ci.org/limpossible-reforme-du-secteur-de-la-securite-en-cote-divoire-sous-ouattara-ii/
Le désarmement nécessite la confiance : http://lider-ci.org/le-desarmement-necessite-la-confiance/

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