Côte-d’Ivoire 2ème partie: Attachement au valeurs républicaines et aux acquis de la gouvernance «alassaniste»

1) – La préservation du niveau actuel de la reconstruction du lien social, et ses perspectives d’amélioration.

La Côte d’Ivoire a fait des progrès indéniables pour ressouder la nation. C’est un résultat important, quoi que l’on en dise, bien que celui-ci reste toujours fragile et insuffisant. Cependant, on doit admettre qu’il se situe à un niveau acceptable, en raison de la profondeur des blessures, et de la survivance d’une mémoire traumatique encore trop fraîche. L’enjeu de la cohésion sociale est majeur. « Le dialogue social n’est ni une formalité, ni une obligation, mais une condition du progrès » (F.Hollande), «La paix est un préalable au développement (F. Houphouet-Boigny). La reconstruction des liens sociaux est d’abord une affaire citoyenne. Elle ne se décrète pas du sommet de l’État. Ce n’est pas la réconciliation de la classe politique qui peut l’assurer le mieux. Elle peut y aider par la charge symbolique des gestes et la discipline de parti (positions, directives et orientations). Cette réconciliation verticale a cependant des limites. En effet, la réconciliation est un travail de longue haleine, s’articulant sur plusieurs générations, qui impliquent la cicatrisation des blessures, une capacité de dépassement, la bonne volonté de tous (majorité, opposition, corps social), la reconnaissance des torts réciproques, et la réparation des préjudices subis, autant que peut se faire. Dès qu’on apporte la démonstration que la réconciliation doit être prioritairement horizontale (interpersonnelle) et non verticale (inter-politique ou élitiste), les gens en prennent toute la mesure, et se rendent compte des résultats accomplis en si peu de temps.

J’ai déjà dit, et le Professeur Mamadou DJIBO a également traité la question de façon magistrale. « La cohésion sociale, est le lien de sens, entre le corps social et la conscience collective d’une communauté nationale. Cette définition fait écho au vécu, en tant qu’elle découle de l’expérience des relations sociales, telles que le vit concrètement un peuple : solidarité, confiance dans les relations interpersonnelles, équité dans la redistribution des richesses, égalité de chances et de traitement, égalité d’accès aux fonctions et services publics, liberté d’expression et d’opinion, socialisation des individus par le travail, protection des droits de la personne humaine, niveau d’éducation des populations, inclusion, transparence et intégrité morale dans la conduite des affaires, justice, intégration territoriale, fraternité, conditions d’épanouissement, paix, sécurité, participation aux projets et décisions, synergie des intelligences, acceptation collective des normes culturelles, sociales et juridiques. Lorsque ces relations et situations sont vécues de manière positive, il y a cohésion sociale. Ce sont elles qui tissent le fondement d’un vivre ensemble harmonieux. Celle-ci relève donc, plus de la situation réelle de la société ivoirienne, que d’une circonstance, soit–elle, la réforme de la Constitution. C’est cette articulation des relations interpersonnelles, communautaires, territoriales, institutionnelles, juridiques, sociales, culturelles et économiques, qui fonde la cohésion sociale, en fonction de leur intensité et de leur nature.

Dès lors, il y a un intérêt commun à ce que ces relations soient vécues de la meilleure des façons et dans la meilleure des intelligences. Aussi, il s’évince de cet impératif, un objectif à atteindre, par le moyen d’une politique de cohésion sociale, qui devient réellement la condition nécessaire à sa réalisation. Celle-ci peut se résumer en la capacité d’un État à garantir le bien-être de tous, à travers une politique de lutte contre la discrimination, les disparités, les inégalités, l’injustice, la corruption, les abus de pouvoirs, les passe-droit, l’insécurité, le chômage, et la satisfaction des besoins (au moins primaires), etc. » (SOUMAREY Pierre, Connectionivoirienne.Net, 27 Juin 2016).
L’école est sans doute, l’espace le plus adéquat pour construire une vision plus fraternelle de la société, plus confiante en elle-même et en l’autre, notre concitoyen. Une éducation citoyenne, plus disciplinée, civique, solidaire et tolérante à la différence. Un espace de brassage culturel, donc d’ouverture à l’autre, et de compréhension réciproque. Or, malheureusement, celle-ci fait l’objet d’une entreprise de démolition par des esprits malins, manœuvrant dans l’ombre. On constate aussi de la part du Pouvoir, de nombreuses violations du Droit et des manquements à l’équité. On parle alors de dictature ou de régression (je me demande parfois par rapport à quoi ou à qui ? C’est une constante de notre histoire politique, depuis l’ère post-Houphouët-Boigny). Néanmoins, ce qui est fait aujourd’hui va dans la bonne direction et marque comparativement une très nette avancée. Certaines formations de l’opposition, souvent amnésiques et de mauvaise foi, sont engagées dans des objectifs politiques, autres que la réalisation de l’intérêt général. Elles nous offrent comme avenir, un horizon très restreint. Dès lors, elles sont très mal venues de critiquer cette situation, dont elles portent une lourde responsabilité, bien qu’elles soient dans leur rôle de critiquer et de contester. C’est le jeu de la démocratie.

La première raison de la difficulté de la cohésion sociale tient au fait que la réconciliation n’est possible que si l’on accepte de discuter, de se parler, dans un esprit constructif, d’ouverture, d’écoute, de confiance réciproque, et de bonne volonté. Les fantômes et leurs chaises vides, ne peuvent pas rétablir les liens brisés, ou ne permettent pas d’établir une relation nouvelle, entre des personnes considérées naguère comme des adversaires, voire des ennemis. Une partie de l’opposition l’a compris, et chacune d’elle, peut faire honnêtement son propre bilan, pour juger des résultats et de la pertinence de leur stratégie.

La seconde raison tient à l’identité et au parcours du Président Alassane Ouattara lui-même, qui est un pur produit des Institutions de Brettons Wood (Banque mondiale, FMI) dont l’Afrique se méfie et garde un très mauvais souvenir, notamment des PAS, de la dévaluation du CFA, et de son maintien. Le succès mitigé de ses plans et programmes d’action en Afrique renforce de surcroît ce sentiment, devant la trajectoire inverse empruntée par tous les pays émergents, pour décoller et s’émanciper de façon frontale (autonomie monétaire, développement endogène, création d’une capacité technologique locale, profonde mutation des modes de production, importation massive et peu onéreuse des intrants technologiques). Aussi, apparaissent-elles suspectes au regard de nombreux africains et Ivoiriens, qui les considèrent, à tort ou à raison, comme les instruments du développement inégal et un des outils de la néo-colonisation. De nombreux pays sous-développés supportent difficilement leur ingérence dans leurs affaires intérieures et leurs contraintes antisociales, bien que cette préoccupation soit mieux prise en compte aujourd’hui. Dès lors, le Président Alassane Ouattara apparaît à son tour, pour beaucoup, comme un agent de la finance internationale, au service des intérêts de l’Occident (cession du patrimoine national au secteur privé étranger, concessions dans des activités relevant du service public (objectif social prioritaire), abandon de certains domaines jugés de souveraineté ou d’utilité publique, et adhésion à un capitalisme ultra-libéral et sauvage). Ici, réside un conflit doctrinal et idéologique. La question de fond est de savoir, quelles sont les chances d’aboutir à un progrès social et à une réelle indépendance économique avec une conception néo-libérale, en l’absence d’un véritable développement endogène (Notre recherche et développement est très pauvre et négligée, les écoles d’excellence et de savoir-faire sont très insuffisantes, pour assurer une transition vers un développement endogène) ? Nos entreprises n’ont pas une taille et une surface financière leur permettant d’entrer dans la mondialisation (compétition internationale, importance du volume d’échanges avec l’extérieur et croissance continue de ceux-ci). Elles n’ont même pas atteint une masse critique leur permettant d’assumer et de tirer la croissance (Il est toujours dangereux à terme, que celle-ci soit tirée de l’extérieur ou soit financée par de la Dette).

Or, rien n’est plus inexact. Notre Président est certes un libéral, et non un socialiste, mais il réforme notre économie et transforme notre société, en appliquant des idées libérales, tout en adoptant des mesures d’une très grande portée sociale (école obligatoire et gratuite, lutte contre l’échec scolaire, gratuité des soins de santé, promotion de la parité, relèvement du SMIG, déblocage des salaires, désenclavement des zones rurales, amélioration et extension du système éducatif, soutien et augmentation significative de la rémunération du travail agricole, programme électricité et eau potable pour tous). Il se révèle être un africaniste (réhabilitation des traditions culturelles dans le protocole d’État et restauration du rôle des rois et chefs traditionnels dans le fonctionnement de notre société : « Ivoirité positive »), et un dirigeant des plus panafricanistes de notre époque (Dispositions de la nouvelle Constitution, projets communautaires en partenariat avec nos voisins, augmentation substantielle de notre commerce inter-régional et Sud-Sud, leadership de la CEDEAO vers plus d’autonomie de ses institutions et la création d’une monnaie communautaire, plutôt qu’isolée et nationale (précision : cela ne supprimera pas pour autant le besoin d’un compte d’opération et d’accords de garantie, nécessaires à la stabilité, au pouvoir libératoire, et à la capacité d’échange de cette monnaie dans le système monétaire international.) Ce projet comporte l’avantage d’y inclure les pays anglophones de la zone, dont le Nigéria, qui battent déjà leur propre monnaie, pour peser sur les rapports de force avec les pays industrialisés, et leur offrir de fait, de plus grandes opportunités d’investissement en raison de la dimension du marché que constitue la zone considérée (entreprise longue, impliquant négociations, nouveaux mécanismes, législation communautaire, et politiques de convergence).

Au plan National, on peut se féliciter de la mise en place des fondations d’un développement structurel et durable, dont le niveau est à améliorer et à intravertir davantage dans le temps. Celui-ci n’est pas encore pleinement perceptible (développement du secteur privé, de la formation, diversification de la production et articulation géographique de l’activité, diversification du partenariat au développement (concurrence de l’offre), création de pôles industriels régionaux, important développement de la capacité énergétique, intégration sectorielle et modification de la structure de la croissance, infrastructures de base, investissements dans le développement industriel). C’est très insuffisant, car les besoins et le retard en la matière sont immenses et présents dans tous les domaines à la fois (nécessité d’une stratégie et d’une hiérarchisation des priorités, qui se concurrencent les unes des autres). Puis, il y a les destructions et le coût de la crise qu’on oublie trop souvent. Dans l’ensemble, l’action va dans la bonne direction. Les perspectives pour l’avenir sont encourageantes, sous réserve d’y apporter certains correctifs et inflexions. Le Gouvernement pour l’instant s’attèle à combler ces déficits et à reformer notre administration (modes de fonctionnement, modernisation, lutte contre l’improductivité, le sous-emploi des compétences, et l’absentéisme). On ne peut que le soutenir et l’encourager dans cette direction. Dès lors, le Chef de l’État et le Gouvernement ont besoin d’être supportés par une adhésion des masses populaires à leur action, car ce travail renforce la capacité de l’État à mener une politique de cohésion sociale, au sens horizontal du terme, et à satisfaire les nombreux besoins des populations.

Je voudrais dénoncer également le clivage entre les populations urbaines et rurales. Les premières, revendiquent, réclament, exigent, alors qu’elles « se gavent » littéralement du travail des secondes, pourtant silencieuses, qui produisent l’essentiel de la richesse du pays (agriculture). Il est peut-être temps, de percevoir les choses autrement (équité dans la redistribution de la richesse) et de concevoir plus de pudeur dans les revendications, au regard des conditions très austères que vivent les secondes, sans vouloir pour autant paralyser le pays ou le mettre à feu et à sang, parce qu’elles n’ont pas tout ce qu’elles veulent. Conclusion : force est de constater, non seulement que la situation apparaît actuellement bien plus stable qu’elle ne l’était, et qu’il existe une réelle décrispation des relations et une relative libéralisation du régime. C’est une avancée remarquable en si peu de temps (7 ans). Les Ivoiriens dans leur ensemble doivent s’opposer à tous ceux qui travaillent à rouvrir les plaies du passé ou souhaitent aggraver la fracture sociale ou encore faire échouer la réconciliation, de quelque bord qu’ils soient. Je souhaite pour finir m’adresser à l’épiscopat qui s’invite dans ce débat, pour jouer un rôle d’éclaireur de conscience et « normalement » de modérateur (évangile sociale). Celui-ci devrait plutôt prier pour la paix dans le pays, appeler à de nouveaux modes de comportements et de vie pour l’intérêt de la communauté nationale entière, et rassembler les ivoiriens autour d’une table commune sur l’essentiel, désarmer les cœurs et les esprits, plutôt que de se contenter de constamment dénoncer, et faire de la politique à peine déguisée (Déclarations revendicatives et positions qui suscitent de sérieuses interrogations sur son rapport à la vérité et son sens de l’équilibre. Il y a la catégorie de ceux qui ne voient que des problèmes, puis celle de ceux qui y apportent des solutions. Dans quelle catégorie se situe-t-il ? Quelles sont les initiatives fortes qu’il a prises pour éviter la guerre en Côte d’Ivoire, permettre une alternance pacifique du pouvoir en 2010, ou encore y ramener la paix après la crise ? Qu’est-ce qu’il a à dire aux Ivoiriens et à la justice, sur l’arrestation du Général Guéï, dans la Cathédrale du Plateau, où il s’y était réfugié pour se placer sous sa protection ? On ne devient pas faiseurs de paix de cette façon (mettre de l’huile sur le feu, ou être partie prenante dans un conflit politique). Nous ne reconnaissons pas dans cette attitude, la parole et le visage du Christ (que la paix soit sur lui, et que le jour de sa naissance et le jour de son élévation aux cieux, soient bénis). Je m’arrêterai là, par respect pour l’Église.

2) – L’attachement aux valeurs républicaines

Les menaces sur les fondements de la République (mutineries récurrentes de l’armée et pressions revendicatives déraisonnables de la part de certains syndicats) nous plongent dans un univers de crainte, un climat de tension et d’incertitude. Par ailleurs, elles font fuir les investisseurs et portent une atteinte grave à nos équilibres financiers. Elles nous concernent directement en tant qu’individu, que collectivité nationale, et en tant qu’histoire (mémoire). Le sujet fait partie du débat public, il nous fait réagir, interpelle nos consciences, participe à notre intelligence collective, notre sens de responsabilité, et notre degré de maturité en tant que peuple. D’une certaine manière, par leur dimension et leur récurrence, elles empoisonnent notre vie quotidienne, menacent notre liberté, notre développement, et notre démocratie. Celles-ci nous sont précieuses pour notre sécurité, notre épanouissement et notre avenir. C’est la raison pour laquelle, elles apparaissent inadmissibles et insupportables. Elles invitent à une réaction populaire pour leur faire fermement barrage.

Quel est le processus qui nous a conduit à cette situation, et comment la désamorcer ? Il y a désormais en Côte d’Ivoire une défiance de la société civile envers les politiques (abus de droit, enrichissement sans cause, exclusion sociale, déception morale, promesses non tenues), mais aussi dans la société Ivoirienne elle-même, en tant qu’elle est traversée par un esprit belliciste, des doutes sur son identité, une banalisation de la violence, des contradictions, des passions irrationnelles et des pulsions malsaines. Le tribalisme qui la mine, la divise, et qu’elle dénonce, à raison, depuis des décennies, l’empêche de réaliser son unité en tant que Nation, de vivre ensemble dans l’harmonie, la cohésion, la paix et l’intérêt commun, est lui-même, le produit d’un manque de confiance dans son concitoyen, du seul fait de son appartenance à un autre clan, une autre ethnie, une autre région, une autre formation politique. Cette simple réalité qu’il nous faut avoir le courage et la lucidité, de reconnaître, est le principal poison qui paralyse notre société. Les entrepreneurs politiques ne se font pas confiance entre eux (majorité, opposition), et pire, même lorsqu’ils sont d’un même camp (initiatives de charme, compétition des ambitions, carriérisme, faiblesses devant les séductions et les facilités du pouvoir). Il en est ainsi depuis le Président Félix Houphouet-Boigny, en passant par tous ses successeurs (Bédié, Guéï, Gbagbo, Ouattara). C’est une question de culture politique. La plupart des gens qui se battent en politique, ne le font pas, hélas, pour des idées, un projet de société, un programme d’action, mais pour des postes, des récompenses matérielles, un leadership, des retombées professionnelles, une question de personne, et un moyen de s’enrichir rapidement et facilement.

Les schémas de succession des gouvernants sortants, dont nous avons pris la très mauvaise habitude de mettre en place depuis le Président Félix Houphouet-Boigny, répondent d’abord à des préoccupations de protection et de sécurité pour les proches et le clan de ces dirigeants (famille, biens, amis, partisans, tribu, ethnie, parti politique), plutôt qu’à une préoccupation d’intérêt général (meilleur profil, meilleure aptitude à conduire le destin de la nation, meilleur projet de société ou de programme). Ceci devient aussi de fait une bataille politique dans les projets de succession (enjeu de pouvoir et partage de ses avantages). Sur le sujet, aujourd’hui, toutes les têtes de proue, présentement sous les projecteurs, sont des leurres mis en avant pour brouiller les pistes, afin de protéger celui qui est pressenti pour la succession (certainement un jeune et un inconnu du grand public). Le Président Houphouet-Boigny a répondu à la jeunesse intellectuelle qui le soutenait à l’époque, dans son combat pour l’indépendance de la Côte d’Ivoire et de l’Afrique via la création du RDA, qui lui reprochait des propos et des attitudes, jugés compromettants ou déviants, voire contradictoires par rapport à cette lutte: « si je sors mon arme maintenant, à ce stade du combat, mon ennemi aura toutes les chances de me désarmer avant que je ne puisse m’en servir. Aussi, il est préférable de ne point l’exposer. »

Dans ce contexte de succession, les prétentions du Président Guillaume SORO sont un secret de polichinelle. C’est son droit le plus légitime, d’avoir des ambitions et de croire en son destin. Sa trajectoire l’y prédestine, d’une certaine manière, car il a gravi tous les échelons qui peuvent l’y conduire (leader syndical et générationnel, ministre, premier ministre, Président de l’Assemblée Nationale). Cependant, il n’est pas le seul, à en avoir le droit, l’ambition, et le profil qui correspond à la fonction, tant dans la majorité que dans l’opposition (d’où ce climat de concurrence larvée, de suspicion, d’embuscade, voire de chasse aux sorcières). Puis, il y a les règles de l’alliance à laquelle il appartient (alternance du Pouvoir, soit-elle générationnelle). On peut observer qu’il s’y prépare (réseaux sociaux, clubs de soutien, moyens financiers, médias, production intellectuelle, œuvres caritatives et sociales, etc.). Il découle de ce constat, qu’il possède d’ores et déjà une longueur d’avance sur ses concurrents, donc un avantage. Toutefois, a-t-il l’intention et la capacité de déborder l’appareil dont il se réclame et qu’il soutien officiellement (RHDP), en allant puiser ses réserves sociales au-delà des frontières de celui-ci ? On observe chez l’homme une grande fidélité, religiosité, humilité, et proximité sociale. Cependant saura-t-il faire sa mue ? Celle-ci lui est indispensable tant au plan national qu’international. En effet, premièrement, sa formation idéologique (socialiste), son parrainage politique (Gbagbo) son parcours syndical (FESCI), et politique (révolutionnaire) ne font pas de lui un véritable et pur libéral, à plus forte raison un néo-libéral. Son ralliement à la formation politique à laquelle il appartient actuellement (RHDP), apparaît dès lors contre-nature, même en supposant une reconversion tardive (il ne peut pas être de ce chef, considéré et accepté réellement comme l’un des leurs). Dès lors, cette appartenance ou alliance, c’est selon, repose sur des facteurs historiques et des motifs politiques, ne permettant pas d’assurer une confiance totale, une identité de vision, une communauté idéologique et programmatique. C’est un inconvénient qui hypothèque son ambition dans la conjoncture actuelle. Avec un tel avantage et inconvénient, il reste encore maître de son destin au plan national, en fonction de ses capacités politiques (actions, stratégie, équipes, et assises sociales).

Si l’on excepte l’influence internationale sur une élection de ce type (soutiens multiformes), il lui reste une dernière équation à résoudre. Quelle image réussira-t-il à se construire pour être l’homme du peuple ? D’un point de vue légaliste et historique, celle d’un Ex Chef rebelle, ayant déstabilisé les Institutions, poignardé la République, trahi les siens et ses valeurs, commis des atrocités, et pillé une grande partie du pays, (existait-il un Etat de droit et une pratique réellement démocratique lors de la survenance de cette insurrection? Ceci justifie-il l’action ? ). D’un point de vue conceptuel, celle d’un révolutionnaire qui par sa révolte face à une situation inacceptable, aura permis à son pays, de réaliser un progrès significatif, un bond en avant (changements positifs dans la Gouvernance et l’Etat de droit ; la libération du capital, du pouvoir, et des libertés sous confiscation; l’éviction de tous les parvenus, corrompus et criminels installés dans les différents rouages de l’État ; la restauration de la pratique démocratique. Le progrès des sociétés n’est-il pas souvent inscrit dans le bouleversement d’un ordre établi (exclusif, accaparateur et oppresseur)? Les avancées politiques et historiques des nations, voire de l’humanité, ne sont-elles pas souvent écrites dans le sang ? La Côte d’Ivoire serait-il le premier ou le seul pays à connaitre une révolution ? Cette dernière a–t-elle-réussie, au regard des résultats obtenus par les changements qu’elle a induit ? Au contraire, s’agit-il d’un prétexte, d’une imposture, au service d’un homme, d’un clan ?

De l’expérience, de l’observation objective des faits, du déroulement de l’histoire (soutien imprévu au regard du verdict des urnes), du jugement et de l’analyse des uns et des autres, dépend son adoubement, ou son adoption, ou encore son rejet par le peuple, en considération de son passé, qui fait désormais partie intégrante et indissociable de sa personnalité. Il a donc devant lui, un énorme travail pédagogique à accomplir, pour mieux se faire comprendre, convaincre de la justesse de ses motifs, de l’intérêt collectif de ses objectifs et des raisons de son engagement politique, pour asseoir définitivement sa réputation et son image. Par ailleurs, sa proximité avec certains cadres du haut commandement militaire et la fidélité réciproque qu’ils se vouent, tissée au fil des années passées ensemble dans la lutte armée de la « rébellion pour les uns, ou de la révolution pour les autres, c’est selon » pose un problème, non pas à l’encontre de sa personne (la mutinerie des forces spéciales, a démontré qu’il n’existe aucune corrélation avec sa personne, et qu’il s’agit bien d’une revendication en rapport avec des engagements non honorés), mais vis à vis de l’ensemble de la classe politique (accointances et liens partisans des politiques avec les militaires) depuis l’ère Houphouet-Boigny, comme l’a si bien démontré le Pr. Mamadou Koulibaly, dans un article remarquable.

Il s’agit de couper le cordon ombilical entre le monde politique et l’institution militaire, donc de « dépolitiser » cette dernière, pour permettre le bon fonctionnement de la démocratie, la stabilité des Institutions de la République, et la sécurité des populations. Il faut aller très loin dans cette direction (Loi d’incompatibilité). La meilleure solution pour la succession est de toujours remettre le Pouvoir entre les mains du peuple souverain. Il est suffisamment intelligent, responsable, et sage pour pouvoir choisir par lui-même, le successeur qui lui convient le mieux (circonstance, aptitude, confiance, projets, programme). Chaque fois que nous avons voulu faire le contraire (choisir ou s’imposer par la force), nous avons connu une crise. L’un des principes fondamentaux de notre République est son caractère démocratique, laïque, et indivisible. Il nous suffit de respecter notre Constitution, de tirer les enseignements de notre histoire, et de s’approprier le contenu de notre hymne national, qui énonce également des valeurs et principes (union, discipline, travail, hospitalité, fraternité, etc.) Ce sont des droits politiques et sociaux, qui ont été reconnus aux citoyens par les pères fondateurs de notre Nation. Ceux-ci ne doivent pas et ne peuvent plus laisser, les militaires et les politiques s’y opposer ou les piétiner, quels que soient les différents régimes qui gouverneront désormais la Côte d’Ivoire. C’est une mutation sociale et intellectuelle générationnelle, Les politiques doivent dépasser leurs petites querelles de personnes pour être désormais résolument républicains. Ce qui implique le respect des libertés fondamentales et la désignation des différents pouvoirs uniquement par le suffrage universel ouvert à tous les citoyens. Ce n’est ni à un individu, ni à un comité restreint, ni à des personnalités aussi éminentes soient-elles, ni à un parti politique de le faire, encore moins à des militaires.

3) – La préservation des acquis de la Gouvernance OUATTARA

Celle-ci fait appel à une réaction vigoureuse citoyenne et populaire. Les Motivations en sont évidentes : nous revenons de très loin et nous avons un énorme retard à rattraper dans tous les domaines. Nous avons démoli notre pays, et avons détruit l’héritage que nous ont légué les pères fondateurs de la Nation. Nous avons perdu beaucoup de vies et beaucoup de temps, et nous avons beaucoup régressé par rapport à nos voisins, nos propres capacités, nos atouts, et nos richesses naturelles. Nous ne pouvons plus continuer dans cette irresponsabilité, folie collective d’autodestruction. Aujourd’hui, la Gouvernance OUATTARA travaille à rattraper ce retard, à redresser le pays, et à poser les jalons des prérequis de notre émergence. Il appartient au peuple, à la nouvelle génération, à la relève politique, de poursuivre cette trajectoire en l’amélioration dans le futur. Le mythe de l’émergence 2020 a été écorné, son horizon est pour 2035, comme je l’avais prédit, sous la condition de poursuivre l’effort dans la même direction. La clé de voute de nos Institution a été affaibli par l’armée de « tirailleurs et de mercenaires » que nous avons. Cela ne veut pas dire que nous nous ne comptons pas dans ses rangs de bons et loyaux officiers ou soldats, dignes, respectables, et bien formés, mais nous parlons ici, d’un fait majoritaire. Certaines faiblesses et travers du Pouvoir lui-même, lui sont imputables dans la dégradation de la situation actuelle, notamment ses promesses non tenues aux militaires et aux fonctionnaires. Cependant, quoi qu’il en soit, les acquis et les projets actuellement en œuvre constituent l’enjeu fondamental sur lequel il faut se focaliser. À défaut nous serions tous perdants. Il convient absolument de les sauvegarder. Dès lors, quelles que soient nos sentiments, notre appartenance, notre bord politique, nous avons le devoir citoyen, voire l’obligation, d’aider le Président de la République à achever son programme action dans la sérénité nécessaire.

Pourquoi ce mouvement citoyen? C’est pour le bénéfice de tous (opposants, militaires, civils, partisans, indifférents). Pourquoi faut-il le faire maintenant et massivement ? En raison des insuffisances évidentes des structures et organisations qui soutiennent son action (RDR et RDHP) ; de l’attitude de certains de ses collaborateurs (désintérêt précoce au succès de son programme), plutôt préoccupés à assurer leurs arrières et à se positionner dans le train du futur (attraction gravitationnelle du Pouvoir et logique de fin de règne) ; d’une communication gouvernementale encore inaccessible aux masses et insuffisante (lisibilité et pédagogie de l’action). Elle lui manque surtout la motivation de certains choix et décisions, ayant un impact important sur la vie des populations. Comme disent les juristes, « Les enjeux de la motivation d’une décision sont cruciaux. Moralement la motivation est censée garantir de l’arbitraire, mais ses vertus sont aussi d’ordre rationnel, intellectuel, car motiver sa décision impose à celui qui la prend la rigueur d’un raisonnement », la pertinence des motifs et des choix arrêtés. En matière de justice sociale, d’équité, d’égalité, et de transparence de la gouvernance, il faut livrer l’information, mais pas seulement que l’information, il faut en expliquer les raisons, renseigner sur les faits, circonstances et conditions ayant concouru à la formation de la décision, en permettant le contrôle de leur réalité et de leur exactitude, énoncer les considérations prises en compte dans la démarche qui y a conduit. Donc, l’enjeu n’est pas de déclarer, d’informer ou de faire savoir. Cela va beaucoup plus loin, il doit permettre de questionner la rationalité et l’adéquation de la décision elle-même. C’est donc aussi, faire vivre la démocratie, recadrer le débat public, et nourrir l’intelligence populaire. Il convient de communiquer plus et mieux (progrès chronologique, bilans comparatifs, bénéfices présents et futurs, reportages audio-visuels, statistiques, bilan d’étape, projections, débats, conférences, interviews, etc.).

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