Côte d’Ivoire: Au procès Blé Goudé-Gbagbo, les mesures de protection du témoin P-46 « Brindou M’Bia » font débat

Convoqué à la barre du procès Gbagbo ce mardi 14 février, le témoin P-46 n’a finalement pas déposé. Le débat entre les différentes parties concernant les modalités de sa protection n’a pu être tranché et sa comparution a été reportée.

Par Anne Leray Ivoirejustice

Le témoin qui devait comparaître ce mardi 14 février à la Cour semble être un témoin important. Avec « 391 pages » de déposition et douze heures d’audience prévues, le dossier se présente comme volumineux et dense. Emmanuel Altit, avocat de Laurent Gbagbo, avait d’ailleurs demandé lundi un délai supplémentaire pour étudier ce dossier, avec la possibilité de repousser le début de l’interrogatoire à mercredi. Ce à quoi la Chambre avait répondu par la négative : « les parties doivent toujours être prêtes à poursuivre l’interrogatoire. »

L’audience du jour a débuté sur des questions liées à l’immunité ou à la non-immunité du témoin P-46. Son conseiller juridique, Me Laucci, a présenté différentes demandes relatives à des mesures de protection applicables « durant toute la durée de sa comparution ». Des demandes concernant la non-divulgation de son identité, la garantie de non-incrimination ou encore des huis-clos partiel ou total face à des questions permettant de l’identifier. Me Laucci a estimé que ce témoin, apparemment en exercice en Côte d’Ivoire, pouvait présenter « des risques de poursuite devant les autorités ivoiriennes ».

La médiatisation des propos que les témoins tiennent devant la Chambre a aussi été abordée. Un nom jugé confidentiel lors de la déposition du témoin P-45 le 8 février dernier, toutefois prononcé publiquement par un avocat de la défense qui s’était alors fait rappeler à l’ordre, aurait été révélé par voie de presse. Ce malgré l’injonction du juge-président de ne pas le divulguer. Cette fuite semble avoir suscité la méfiance dans le prétoire.

« Un témoin n’est pas sur le banc des accusés »

La question de l’immunité des témoins convoque des problématiques centrales concernant la tenue des procès à la Cour pénale internationale (CPI), telle que la publicité des débats prévalant dans le prétoire. Si les huis-clos ne favorisent pas la transparence, certains estiment qu’ils permettent parfois aux témoins de s’exprimer plus librement, et donc d’en dire davantage.

Militant pour que les débats restent publics dans la mesure du possible, le représentant du procureur Eric Mac Donald, approuvant la demande de huis-clos quand elle sera pertinente, a estimé qu’il n’était pas nécessaire d’appliquer un régime différent à ce témoin. « Son identité doit être publique. Un témoin n’est pas sur le banc des accusés » a-t-il rappelé.

De son côté, l’avocat de Laurent Gbagbo, Me Altit, a estimé que les fonctions du témoin « rendent impossible des poursuites en Côte d’Ivoire. Le seul outil utile ici est le huis-clos, au risque de porter atteinte au sacro-saint accord concernant la publicité des débats ». Il a aussi précisé « qu’un témoignage relève de la responsabilité du témoin ».

Me Knoops, avocat de Charles Blé Goudé, a ajouté : « une protection contre l’auto-incrimination ne peut jamais être appliquée d’emblée sur la totalité du témoignage. C’est contraire au fondement de la procédure et cela pourrait ouvrir la porte à des applications abusives ».

La Chambre s’est ensuite longuement réunie pour statuer sur ces requêtes, sans finalement parvenir à trancher. « La décision concernant les demandes émises par le conseil du témoin se révèle plus compliquée à rendre que prévue. Nous sommes encore en train d’en débattre sur le fond » a indiqué le président Cuno Tarfusser. La déposition de P-46 a ainsi été reportée à demain.

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