En Côte-d’ivoire des militants toujours détenus sans jugement dans les geôles de Ouattara

Assoa Adou, Hubert Oulaye, Koua Justin, Dahi Nestor, Lida Kouassi…etc.

Des partisans de l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo sont toujours détenus sans jugement, dans un contexte de restriction des libertés.

Il croupit depuis plus de deux ans dans les geôles ivoiriennes, d’abord détenu dans la sinistre maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca), puis transféré à Bouaké, dans le centre du pays, loin de sa famille qui ne peut lui rendre visite qu’une fois par mois. Assoa Adou, membre fondateur et figure du Front populaire ivoirien (FPI), a été arrêté le 7 janvier 2015. Accusé d’atteinte à la sûreté de l’État, d’achat d’armes, de formation de bande armée et de meurtre, il attend toujours son jugement. Et faute de suivi médical, son état de santé se dégrade. Sa vue décline, il souffre d’hypertension, ce qui n’empêche pas ses geôliers de le soumettre au supplice d’une lumière en permanence allumée, pour le priver de sommeil.

Assoa Adou n’est pas le seul prisonnier politique ivoirien soumis à ce genre de maltraitance. Dans son dernier rapport annuel, Amnesty International estime à 146, au moins, les partisans de l’ancien président Laurent Gbagbo arrêtés entre 2011 et 2015 et toujours en attente de jugement pour des infractions qu’ils auraient commises pendant la crise post-électorale de 2010-2011. « Les autorités ont restreint le droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique en vertu de lois érigeant en infractions les manifestations pacifiques, entre autres formes d’expression non violente. Plus de 70 personnes, principalement membres de partis de l’opposition, ont été arrêtées, puis libérées au bout de plusieurs heures, voire plusieurs jours », relève l’ONG.

Un amer souvenir de son passage à la Maca

Mariam Cissé, une dirigeante du FPI, est de ceux-là. Elle a été interpellée le 10 juin 2015 alors qu’elle préparait une initiative en faveur de la libération de l’ex-président Laurent Gbagbo, détenu depuis 2011 à La Haye et jugé par la Cour pénale internationale. Placée en détention provisoire, elle a été entendue par un juge d’instruction seulement quatre mois plus tard, avant d’être relâchée et jugée huit mois après son arrestation. Verdict : « délit non constitué ». Relaxée, cette militante garde un amer souvenir de son passage à la Maca. « Sans suivi médical, nous en étions réduits à prier pour ne pas tomber malades. Seuls les traitements antipaludéens étaient accessibles aux détenus. Pour le reste, nos proches devaient nous apporter vivres et médicaments », raconte-t-elle.

Une justice des vainqueurs qui perpétue les divisions

Aux antipodes de cette répression politique, les partisans d’Alassane Ouattara suspectés de crimes de guerre en 2011 bénéficient toujours, eux, de l’impunité. « Les membres des forces loyales au président Alassane Ouattara qui s’étaient rendus coupables de violences, notamment de l’homicide de plus de 800 personnes à Duékoué en avril 2011 et de 13 personnes dans un camp pour personnes déplacées à Nahibly en juillet 2012, n’ont pas été poursuivis. Certains d’entre eux ont pourtant été identifiés par des familles de victimes mais, malgré les enquêtes menées, personne n’avait été traduit en justice à la fin de l’année », souligne Amnesty International. Une justice des vainqueurs qui perpétue les divisions et les tensions politiques en Côte d’Ivoire, avec la bénédiction de Paris, indéfectible soutien de Ouattara. « Il est inacceptable que l’État français n’intervienne pas pour faire cesser les maltraitances des prisonniers politiques. C’est pourtant Paris qui a contribué à installer par la force le régime actuel de Côte d’Ivoire, remarque Dominique Josse, responsable Afrique du PCF. Il suffirait d’une simple pression, qui pour une fois irait dans le bon sens, un simple coup de fil, pour stopper ces violations. Des vies sont en danger, il est temps d’agir. »

Rosa Moussaoui
Journaliste à la rubrique Monde de L’Humanité

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