Côte d’Ivoire – Affi N’Guessan sans détours sur BBC « Comment construire un jeu démocratique transparent, clair et apaisé ? »

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Pascal AFFI N’Guessan, Président du Front Populaire Ivoirien (FPI) a été « l’invité témoin » le samedi 19 octobre 2013 de BBC et Africa n°1 Paris pour l’émission « Le Débat BBC Afrique- Africa n°1 Paris », 52 minutes pour comprendre l’Afrique et ses changements, vus d’ici et de là-bas. »

Veuillez trouver ci après l’essentiel des échanges sur la Côte d’Ivoire:


BBC : Le processus de réconciliation dans ce pays est-il en marche ou en panne ?

Pascal AFFI N’Guessan Bouake, Kong ou Mama, Bongouanou ou Ferkessedougou, Yamoussoukro ou Bendekouassikro, là on n’a pas la même lecture. Les ONG ivoiriennes et d’autres étrangères ont dénoncé la justice dite partiale. Elles accusent le pouvoir de n’avoir poursuivi que les proches du président déchu. Mais certaines de ces organisations admettent aujourd’hui que des efforts ont été faits pour décrisper l’atmosphère. Il faut rappeler que début aout dernier Pascal AFFI N’Guessan, vous avez été libéré autant que d’autres détenus pros Gbagbo.

Est-ce qu’aujourd’hui, vous avez compris la raison pour laquelle la justice ivoirienne vous a accorde ce sursis ?

Pascal AFFI N’Guessan : – Oui évidemment. Je crois que le choix tactique qui avait été opéré par le pouvoir au lendemain de la crise post électorale était véritablement d’étouffer, d’imposer la normalisation par la violence et par la force. Et je crois que deux (2) ans et demi (1/2) après donc la mise en œuvre de ce projet, le pouvoir comme la communauté internationale se rend bien compte qu’il s’agit d’un échec, qu’il faut changer son fusil d’épaule, que le Front populaire ivoirien est incontournable pour la paix et la réconciliation en Côte d’Ivoire, qu’il faut donc entrer dans une autre dynamique, dans une autre logique de décrispation pour que la réconciliation nationale ait un sens. Nous sommes dehors, nous sommes libérés et nous souhaitons que tous les autres camarades qui sont en prison retrouvent la liberté, que tous ceux qui sont en exil puissent rentrer en Côte d’Ivoire pour que nous nous mettions ensemble pour panser les blessures du passé, pour réfléchir sur les causes qui nous on divise pendant ces vingt (20) dernières années et pour véritablement conclure un nouveau contrat social qui permette à la Côte d’Ivoire d’envisager l’avenir avec sérénité et stabilité.

BBC :  Vous êtes en liberté provisoire, est-ce que vous envisagez un possible retour en prison ?

Pascal AFFI N’Guessan :  Je n’envisage pas. Personne ne peut envisager d’aller en prison. Ce n’est pas un projet politique de faire la prison. Ce sont les circonstances de la vie politique surtout en Afrique qui amènent certains leaders politiques à se retrouver en prison. Mais cela n’a jamais apporte de solution aux problèmes, profonds, réels, qui agitent les sociétés qui sont confrontées à ces genres de situations. Et c’est pour cela qu’il faut d’ailleurs éviter de recourir à la prison, à la violence, au harcèlement, à la persécution des acteurs politiques. Il faut privilégier le dialogue, il faut privilégier le jeu politique, il faut renoncer à la violence parce que dans tous les cas, la violence ne produira rien. Dans tous les cas de figure, vous êtes amenés par la suite à vous asseoir parce qu’il s’agit d’un même pays, il s’agit de frères et sœurs qui veulent contribuer, chacun à sa manière, à la construction nationale. Donc ce n’est que dans le dialogue, dans la persuasion, dans la coopération que nous pouvons avancer.

BBC :- Il faut rappeler qu’avant et pendant votre détention, vous avez constamment contesté la légitimité de l’actuel pouvoir. Est-ce que vous en reconnaissez aujourd’hui pleinement la légitimité ?

Pascal AFFI N’Guessan :  Vous savez, il faut éviter, au stade ou nous en sommes, de remuer le couteau dans la plaie, de revenir sur certaines questions qui n’ont aucun intérêt à l’heure actuelle et qui ne font que vous ramener en arrière, qui ne font que donner le sentiment de ressentiments. Nous voulons avancer. Il y a des problèmes réels que le pays connaît . Ce sont ces problèmes-là que nous devons, ceux qui sont au pouvoir à l’heure actuelle et nous qui sommes dans l’opposition, nous asseoir autour de la même table de négociations, régler toutes les questions d’environnement. Parceque aujourd’hui comme je l’ai indiqué , nous avons encore beaucoup de militants, de leaders politiques qui sont en prison. Beaucoup sont en exil. Il y en a qui ont perdu la vie pendant cette période d’exil. Il y a beaucoup de réfugiés au Liberia, au Ghana. Il y a des problèmes du foncier. Il y a des problèmes d’insécurité. Il y a des problèmes de refonte de l’armée. Il y a des problèmes de reformes politiques profondes, de la constitution, des institutions… Comment construire un jeu démocratique transparent, clair et apaisé ? Donc ce sont des questions fondamentales.

BBC : d’accord donc Parlons de l’avenir alors ?

Pascal AFFI N’Guessan :  Oui parlons de l’avenir …

BBC : vous avez lance un appel récemment au dialogue.

Je vous cite :  » le pouvoir en place doit savoir que le Front Populaire Ivoirien, parti d’opposition, est un partenaire dans la reconstruction de la Côte d’Ivoire. Nous sommes ouverts et nous demandons le dialogue. Le dialogue politique franc et sincère  » .
Toutefois, vous avez précisé également récemment à Gagnoa :  » Même si les Ivoiriens sont condamnés à se réconcilier, cette réconciliation passe par la libération du President Laurent GBAGBO « .

BBC: Alors est-ce que la libération de Laurent Gbagbo demeure un préalable non-négociable pour le retour du FPI dans le jeu politique en Côte d’Ivoire ?

Pascal AFFI N’Guessan : Je crois qu’il faut éviter peut être des termes qui peuvent représenter pour les uns et les autres des connotations différentes. Ce qui est important pour nous tous, c’est de savoir que Laurent Gbagbo constitue une pièce maitresse dans le processus de réconciliation national. Quelqu’un à qui on a attribue 46 % des voix à l’élection présidentielle dernière, qui a le parcourt que les uns et les autres savent en terme de lutte pour la démocratie, pour les libertés en Côte d’ivoire et en Afrique, et qui a gouverne le pays pendant 10 ans, qui a donc une assise nationale incontestable, il est véritablement illusoire de penser qu’on peut se réconcilier sans sa contribution, sans sa présence, sans sa mise en liberté. Je crois que c’est une question de bon sens. Et si nous sommes sincères dans notre volonté de remettre les ivoiriens ensembles, de tourner la page des violences politiques, des confrontations, il faut savoir que tous les acteurs qui comptent doivent participer à ce processus de réconciliation. Et en particulier le Président Laurent Gbagbo.

BBC :  Vous avez répondu à la question sur le retour ou l’exigence du retour de l’ancien President Laurent Gbagbo, ça fait partie de vos demandes tout comme l’immunité des membres de votre parti. Mais est-ce que vous comprenez que les ONG dénoncent le fait qu’il y a comme une sorte de discussions, qu’il y a des discussions politiques qui veulent passer par pertes et profits les 3 000 victimes de la crise post électorale ? Est-ce que vous comprenez que les ONG s’en plaignent ?

Pascal AFFI N’Guessan : – Je comprends et je suis totalement d’accord avec les ONG. Et je ne pense pas, je ne crois pas qu’en Côte d’ivoire, il y ait des personnes qui soient favorables à une sorte d’amnésie sur la situation passée et qui pencheraient pour qu’on passe comme vous le dites par « perte et profit » toutes les victimes des différentes crises que le pays a connues. Nous sommes d’accord pour la question de la justice, pour la nécessité de justice.

BBC : Mais en même temps, vous demandez la libération de vos membres ?

Pascal AFFI N’Guessan : Mais bien sur, ils sont innocents. Ce n’est pas contradictoire…

BBC : Ils ne sont pas jugés. Personne n’a établi leur innocence encore

Pascal AFFI N’Guessan :  Personne n’a établi aussi leur culpabilité. Et nous, nous proposons un autre schéma en partant de deux constats : c’est que la justice en Côte d’Ivoire à l’heure actuelle n’est pas en mesure de rendre une justice équitable, c’est d’abord cela, pour des raisons d’abords techniques. Avant même la crise, la justice n’avait pas les moyens techniques, les moyens humains, les moyens matériels pour mener avec célérité, avec efficacité toutes les investigations que nécessite la situation complexe que le pays a connu…

BBC :  Vous faites table rase de tout ?

Pascal AFFI N’Guessan : Laissez moi terminer mon argumentation. Je vous ai dit au départ qu’il ne s’agit pas de faire table rase, mais la justice pénale n’est pas la seule forme de justice dans le règlement des situations de conflits. Il y a d’autres formes de justice…

BBC :  La justice transitionnelle ?

Pascal AFFI N’Guessan :  Transitionnelle, oui. Qui est plus large, qui va au-delà de la volonté de réprimer, de la volonté de sanctionner, de la volonté de punir. Dans le cas d’espèce, dans le cas ivoirien ou les deux partis, même ceux qui sont au gouvernement, sont partis au conflit, nous ne voyons pas comment ceux mêmes qui sont partis au conflit peuvent mener une justice équitable. Comment nous pouvons sortir de la logique de la justice des vainqueurs. Vous le constatez depuis la fin de cette crise, il y a des rapports abondants qui montrent que les crimes ont été commis des deux cotés. Mais quels sont ceux du cote du pouvoir aujourd’hui qui sont en prison ou même qui font l’objet de poursuite judiciaire ? Aucun ! Même vis a vis de la Cpi le pouvoir a décidé de renoncer parce qu’ il ne veut pas courir le risque de traduire devant la Cpi certains de ses combattants, ses ex com’zones . Donc techniquement, politiquement, il n’est pas possible de mener une justice équitable si l’on veut recourir à la justice pénale. C’est pourquoi nous proposons les états généraux de la république pour mettre en œuvre une justice transitionnelle qui ne fait pas l’impasse sur la vérité ni sur la justice ni sur les réparations, mais qui va au-delà et qui va permettre de véritablement mener une justice réparatrice afin que la Côte d’ivoire puisse dépasser ses troubles, ne soit pas prisonnière des violences passées, pour qu’elle puisse dépasser ces situations-là et voir l’avenir avec assurance, avec espoir.

BBC : Une question rapide … Le régime de libération provisoire dont vous bénéficiez depuis le 5 aout dernier est-ce que c’est le résultat d’un accord politique ? Autrement dit est-ce qu’il y a eu un deal entre vous et le pouvoir ?

Pascal AFFI N’Guessan : Non, il n’y a pas eu de deal.

BBC :  Est-ce que le FPI est entrain aujourd’hui d’élaborer une stratégie en vu de la prochaine présidentielle de 2015 ?

Pascal AFFI N’Guessan :  Nous sommes un parti qui a été crée pour prendre le pouvoir et pour appliquer son programme de gouvernement. Donc nous sommes en permanence en train de travailler à reconquérir le pouvoir.

BBC : Pascal AFFI N’guessan candidat du FPI en 2015 ?

Pascal AFFI N’Guessan :  Ce n’est pas à l’ordre du jour. C’est le congrès du parti qui décide.

BBC :- Mais à quoi servent donc ces tournées à l’intérieur du pays si ce n’est pas pour les élections de 2015 ?

Pascal AFFI N’Guessan : C’est pour relancer le Front Populaire Ivoirien… Vous savez pendant ces deux dernières années, nous avons été gravement brimés, persécutés. Nos militants sont pratiquement dans la clandestinité. Les populations vivent dans la peur et donc la tournée avait deux (2) motifs :
. Premièrement, compassion aux populations éprouvées,
. Deuxièmement, campagne en faveur de la réconciliation nationale et
. Troisièmement, parce qu’il y a un troisième motif, réactivation de nos structures, redynamisation de nos structures

BBC :- Si en 2015 le FPI ou le candidat du FPI est le faiseur de roi comme Bedie en 2010, pour qui appelleriez-vous à voter ? Le candidat du Pdci ou celui du Rdr ?

Pascal AFFI N’Guessan :  Nous le verrons le moment venu. Pour le moment, nous ne sommes pas à cet stade.

BBC :- Mais de qui vous sentez-vous plus proche aujourd’hui ? Le Pdci ou le Rdr ?

Pascal AFFI N’Guessan :  Nous serons proches de tous les partis politiques qui luttent pour la Côte d’Ivoire, qui luttent pour les populations ivoiriennes, qui veulent la démocratie qui veulent promouvoir les libertés, l’état de droit, la bonne gouvernance. Donc si d’aventures une telle hypothèse se présentait, c’est par rapport à cela que nous décideront

Écrit par Alain Doh B

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