Côte d’Ivoire: Décryptage du silence de Ouattara malgré des rencontres avec Bédié et Alpha Blondy

Charles Kouassi Afrikipresse

Le chef de l’État ivoirien n’a pas parlé depuis plusieurs semaines. Il n’est pas dans la parole mais dans l’action. Malgré son silence, Alassane Ouattara dirige le pays, donne les consignes et orientations aux uns et autres comme il le fait depuis qu’il a été élu en 2010.

La mise en place des institutions de la 3ème n’a pas changé la donne. Le pouvoir n’a pas du tout changé de camp. C’est bien Ouattara qui donne le directives en Conseil des ministres, et qui signe les décrets et les éventuelles ordonnances. En d’autres mots, le pays est gouverné et le Président de la République est à la barre; il la tient fermement même s’il ne s’est pas encore prononcé lui-même.

La parole présidentielle se fait rare depuis, mais l’impact de la pensée présidentielle et des décisions présidentielles, ou même des « colères présidentielles » ( suivez mon regard ) s’impose à tous. Malgré tout cela, des voix s’étaient pourtant exprimées en coulisses lors de la grève des fonctionnaires, lors de là mutinerie pour souhaiter que le Président Alassane Ouattara parle et dise un mot. Une option qui n’était pas du goût de certains conseillers aussi bien du Palais que de la Primature.

« Le gouvernement est au travail. Le porte-parole rend compte chaque mercredi des décisions prises. Les ministres montent au créneau lorsqu’il le faut pour expliquer les choses et donner la position du gouvernement qui est bien celle du Président de la République. Insister pour que le Président de la République parle lui-même, c’est donner l’impression d’un rejet des messages du gouvernement, c’est faire croire à tort que ce que dit le gouvernement n’engage pas le chef de l’État, c’est aussi espérer à tort que le Président de la République viendra dire des choses différentes de ce qui a été dit par le gouvernement », explique une source généralement bien informée (Sgbi), qui dit néanmoins comprendre les arguments avancés.

« C’est bien lui Alassane Ouattara que les populations ont élu. Ce n’est pas le gouvernement, ni les ministres qu’il envoie parler, qui ont été élus. Si le Président de la République parle lui-même pour expliquer et pour dire les mêmes choses dites par le porte-parole, ou par un autre ministre, ou par le Premier ministre lui-même, peut-être que les ivoiriens comprendront et accepteront mieux les mesures qu’ils semblent rejeter quand les autres en parlent », argumentent de leur côté ceux qui souhaitent une parole présidentielle plus présente, moins avare, plus réactive, et même durant les évènements.

Selon eux, pendant la grève des fonctionnaires, la mutinerie, la crise de la vente du cacao, et même pendant l’interpellation des six journalistes récemment, le chef de l’État devait à chaque fois parler directement lui-même, comme cela se fait dans les grandes démocraties à l’occasion de certains évènements jugés majeures: « Hollande, Obama, Trump peuvent parler directement plusieurs fois par jour si nécessaire par rapport à certains sujets ».

Cette position est rejetée par notre premier interlocuteur Sgbi cité plus haut qui justifie: « Il ne faut pas banaliser la parole présidentielle. Le Président de la République n’est pas un Dj pour parler sans arrêt. Sa parole est forte et a une grande portée. Elle doit se faire rare, pour garder sa force et son autorité. Et puis imaginez que le chef parle et que malgré tout le peuple reste insatisfait, que reste-il si ne n’est le chaos ? Si après Bouaké le chef de l’État avait parlé, et puis Adiaké et tout ce qui est arrivé avant comme mouvement intervenaient malgré tout après, c’était grave, c’était gâté ! Car rien ne nous dit que justement s’il parlait tout le monde allait se calmer. Des gens sont capables de dire que les promesses et discours ou appels du chef de l’État ne donnent pas à manger. Il faut se donner de la marge. Le gouvernement et les collaborateurs du Président de la République sont là pour cela. Il reste à l’écoute du peuple et non des officines. Le chef de l’État parlera le moment venu, et sa parole qui n’est pas une parole de démagogie ni de populisme, guérira tout le monde « .

Le débat est-il pour autant clôt ?

Rien n’est moins sûr si l’on s’en tient aux échos de quelques consultations discrètes entreprises par le chef de l’État. Avant la rencontre médiatisée avec le Président Bedié de mercredi dernier au Palais présidentiel au Plateau, le chef de l’État a reçu des leaders d’opinion, des acteurs et opérateurs économiques parmi lesquels Alpha Blondy.

L’artiste lui-même n’a pas pu être joint pour avoir des détails sur les échanges, tandis que les autres qui ont confirmé (des anciens ministres et conseillers à la Présidence) ont souhaité ne pas être cités dans le cadre de cet article.

À tous ses interlocuteurs le chef de l’État à demandé et proposé la même chose: une analyse froide et sans complaisance de la situation et des propositions, suivies d’échanges.

Après ces premières consultations appelées à se poursuivre, le chef de l’État va-t-il enfin rompre le silence ou bien attendra-t-il finalement encore deux mois, comme suggéré par certains, pour rompre solennellement le silence, et parler à l’occasion du 1er mai prochain, en guise de bilan des mesures annoncées l’an dernier à la même date ?

Quand la parole doit guérir….

Charles Kouassi

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