cote d’ivoire – Les révélations de Seth Koko sur Gbagbo, Bohoun Bouabré, Tagro et Alcide Djédjé

Ce qu’il a fait dans l’ombre pour l’ex-chef de l’Etat déchu

. Ses vérités au régime Ouattara et sur les FRCI

Il se réclame le père du dialogue direct interivoiriens dans la résolution de la crise politico-militaire en Côte d’Ivoire. Régulièrement présent dans son pays entre 2006 et 2008, M. Seth Koko s’est exilé à Paris pour des raisons, souligne-t-il, de sécurité. Depuis lors, ce natif de Guibéroua comme le leader de la Galaxie patriotique, Charles Blé Goudé, n’a eu de cesse de faire entendre sa voix sur Internet. Dans cet entretien qu’il nous a accordé par le même canal, ce jeune leader de la société civile fait de graves révélations et dit ses vérités sur la situation actuelle en Côte d’Ivoire.

M. Seth Koko, depuis plus de 3 ans vous vivez en exil en France. Qu’est-ce qui explique cet exil?

Avant tout, permettez-moi de remercier tous les frères et amis en Côte d’Ivoire qui m’ont aidé à survivre aux menaces de mort, aux tentatives d’enlèvement et autres violations de droits dont j’ai été victime durant l’année 2008, sous le régime Gbagbo. Merci également aux personnalités qui m’ont aidé à sortir de la Côte d’Ivoire alors que mes ennemis m’avaient fiché à l’aéroport d’Abidjan. Merci à la France qui m’a accueilli. Et enfin, merci à toutes les personnes qui croient en moi et qui ont bien voulu me soutenir financièrement afin que je tienne le coup jusqu’à ce jour. Pour revenir à votre question, je suis l’auteur du projet du dialogue direct interivoirien qui a ramené la paix dans notre pays de juillet 2006 à novembre 2010. Le ministre Bohoun Bouabré était le parrain de ce dossier auprès du président Gbagbo. Et c’est en reconnaissance à ce service rendu à la nation que j’ai été invité en janvier 2008 par le ministre d’Etat, ministre du plan et du développement d’alors, à occuper le poste de conseiller diplomatique du Gouverneur de la BCEAO. Souvenez-vous, M. Bouabré était en ce temps le favori de l’ex-président Laurent Gbagbo, pour ce poste. Une fois à Abidjan, je me suis mis à la disposition du ministre, qui malheureusement n’avait finalement pas été retenu pour la gouvernance de la Banque centrale. Après cet échec, me recevant le 7 février 2008 à son cabinet de l’immeuble SIAM au Plateau, M. Bohoun me propose le poste de directeur général de la TICAD Côte d’Ivoire (la conférence internationale de Tokyo sur le Développement de l’Afrique). Pour cela, il m’a demandé de rentrer définitivement en Côte d’Ivoire avant la fin du mois de mars de la même année. Il était convenu que je rentre le 9 mars, après mon parrain Bouabré qui lui devait rentrer d’un autre voyage aux USA, le 2 mars 2008. Il m’avait promis que le décret de ma nomination serait signé par Laurent Gbagbo, et rendu public le 5 avril au plus tard. J’ai donc répondu à l’exigence du ministre et je suis rentré au pays le 16 mars 2008. Le 17 mars à 20 heures, il m’a reçu à son domicile et nous avons convenu d’une séance de travail à son cabinet du Plateau, pour le 18 mars à 11h30. Le jour de l’audience, je me rends à son cabinet où il me trouve l’excuse du Conseil des ministres qui se tenait dans l’heure qui suivait. Il ne me reçoit donc pas, et ne donnera plus de ses nouvelles. Il ne me recevra plus d’ailleurs, jusqu’à ce que je quitte la Côte d’ivoire le 28 décembre 2008. C’est suite à cette stratégie de Bouabré qui consistait à m’affaiblir en me faisant perdre mon emploi en France, et en me forçant à un chômage dans mon propre pays, que je me suis indigné. J’ai décidé après 26 jours sans nouvelle de M. Bouabré, de saisir moi-même le 11 avril 2008 Laurent Gbagbo, afin de régler mon problème. Et c’est ce qui a attisé sa colère, ainsi que celle de tous ceux avec qui il a usurpé la paternité du dialogue direct. Partant de là, j’ai été soumis à des pressions de toutes sortes : filatures, menaces de mort, tentative d’enlèvement à l’hôtel TIAMA au Plateau etc.

Vous vous attribuez la paternité du dialogue direct interivoirien. Pouvez-vous en dire plus?

Vous savez, le Dialogue direct n’est pas un concept nouveau. N’importe qui pouvait concevoir ce projet, mais il faut reconnaître qu’il fallait y penser. Ce qui n’était pas possible pour le gouvernement Gbagbo, qui a passé plutôt son temps à multiplier les médiations extérieures, sans succès. Aussi, il fallait être un stratège, avoir des amis dans les deux camps, avoir des moyens financiers, inspirer confiance aux deux camps. Il fallait aussi être prêt à risquer sa vie pour son pays. Et je crois que ce sont ces deux dernières vertus qui manquaient dans l’équipe de Gbagbo. Ce qu’il faut retenir, c’est que le projet du dialogue direct a des témoins et non des moindres, qui ont participé aux travaux que j’ai proposés; certains sont actuellement en Côte d’Ivoire et prêts à dire leur part de vérité si c’est nécessaire. De plus, je vous mets au défi de me présenter une coupure de presse dans laquelle M. Gbagbo Laurent dément mes dires. Ma réclamation existe depuis avril 2007. Elle a été officiellement portée à la connaissance de Laurent Gbagbo durant toute l’année 2008.

Et tout ce qu’il a pu trouver comme solution responsable, c’était de me tendre des pièges pour m’éliminer physiquement. M. Gbagbo ne voulait pas désavouer son ministre d’Etat; en plus lui-même était allé jusqu’à l’ONU pour se vanter de la paternité du dialogue direct. D’ailleurs, c’est pour cela que lorsque je suis sorti de la Côte d’Ivoire, j’ai, dès mon arrivée en Europe, porté cette affaire à la connaissance du secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, du président français M. Nicolas Sarkozy, et du facilitateur officiel de l’accord politique de Ouagadougou, le président du Burkina Faso, M. Blaise Compaoré. Malgré toute la pression médiatique qui a suivi, l’avez-vous une fois entendu démentir et dire le nom de celui qui lui a apporté ce concept? Souvenez-vous, en visite d’état le 18 novembre 2009 dans le Worodougou, M. Gbagbo confessait ceci: «Ce sont de bonnes âmes qui m’ont proposé de privilégier la voie du dialogue direct» et récemment en 2010, recevant les chefs coutumiers du Bas-Sassandra au palais, il disait encore ceci : «le dialogue direct m’a été proposé par un Ivoirien». Une preuve supplémentaire que Gbagbo n’est pas l’auteur de ce concept. Enfin, retenez que lors de mon séjour au pays en 2008, j’ai été reçu par la hiérarchie de l’ANSI (Agence Nationale de la Stratégie et l’Intelligentsia, renseignements généraux de la présidence) ; celle-là sait qui est l’auteur du dialogue direct.

Comment avez-vous réussi à amener les protagonistes de la crise ivoirienne à ce dialogue?

Avant tout, par la volonté de ramener la paix dans mon pays! C’est tout simple. J’ai saisi la participation de notre équipe nationale au mondial du football en Allemagne en 2006. J’ai alors conçu et financé sur fonds propres, une stratégie qui consistait à organiser des concerts gratuits de soutien aux Eléphants, dans les grands stades ivoiriens, dont la date du 21 mai 2006 s’est tenue au stade de Bouaké avec succès, en rassemblant 25 mille personnes.

C’est pendant et suite à l’étape de Bouaké, organisée en co-production avec le cabinet du Premier ministre d’alors M. Charles Konan BANNY, que j’ai discrètement négocié et proposé un dialogue direct avec le président Gbagbo, à des chefs militaires FN, dont M. Issiaka WATTAO, chef d’état-major adjoint des Forces Nouvelles. C’est ainsi que j’ai obtenu leur accord de principe ainsi que la promesse de soutien au moment venu, de ma proposition de résolution auprès de leur Secrétaire Général M. Guillaume SORO. Après avoir recueilli leurs revendications réelles qui n’étaient autres que celles pour lesquelles ils avaient pris les armes en 2002, j’ai fait la promesse de faire aboutir leurs positions dans le même mois auprès du président Gbagbo. Ce que je fis avec succès. C’était la première étape. Pour la deuxième étape, j’ai rédigé les revendications des FN ainsi que les solutions à soumettre au président ; les 16, 20, 26 et 28 juin 2006, sous l’assistance du ministre Bouabré et d’un autre représentant du président Gbagbo. Dans la nuit du 27 au 28 juin, Laurent Gbagbo valida mon document ; et m’envoya en mission en vue d’une première rencontre avec les chefs militaires des FN à Abidjan. Il insista même pour les recevoir avant son départ pour le sommet des chefs d’Etat prévu le 2 juillet 2006 à Banjul en Gambie… Il prit lui-même contact avec Guillaume Soro pour soutenir ma démarche. Nous obtenions alors l’accord des FAFN pour une audience le 4 juillet 2006. Les militaires arrivèrent au palais présidentiel ce jour à 16 heures, ils furent bloqués par des agents de la Garde Républicaine qui prétextèrent qu’ils ne devaient pas rentrer avec leurs gallons! C’est là que les choses se sont compliquées.
C’est-à-dire?

C’est-à-dire que les chefs militaires des FN ont été empêchés par des personnes, d’avoir accès au président Gbagbo. Lorsque j’ai été informé de cet incident, j’ai aussitôt contacté M. Bohoun Bouabré qui s’y trouvait déjà, mais il ne répondait plus au téléphone. Après cela, j’ai été approché par des proches de Bouabré qui m’ont conseillé de quitter le territoire ivoirien pour ma sécurité, car il circulerait des rumeurs chez Bouabré, qui consistaient à m’éliminer pour me faire remplacer par un des leurs. J’ai dû quitter Abidjan le 23 juillet 2006 pour Paris, laissant le dossier  »tout prêt » du dialogue direct entre les mains de Bohoun Bouabré et de Laurent Gbagbo. Puis, le 20 août 2006, j’apprends par des membres du cabinet présidentiel que mon projet était en réalisation par le président Gbagbo, avec Bouabré comme concepteur et Désiré Tagro comme envoyé spécial du président pour le dialogue direct, le poste que j’occupais. C’est là que s’est arrêtée ma prestation officielle.

On parle de l’intervention de certaines personnalités, notamment des présidents Mbéki, du Guide libyen Mouhamar Kadhafi, etc, pour que le dialogue direct de Ouaga soit. Etes-vous sûr que c’est votre action qui a permis à Gbagbo et Soro de se parler directement?

Pas forcément, mais vous venez de dire vous-même, « dialogue direct de Ouaga». En ce qui me concerne, je parle du dialogue direct interivoirien et du processus de sa création. Un concept qui a permis à Laurent Gbagbo d’avoir les vraies revendications des FN et d’y apporter des solutions. Pendant les négociations que j’ai menées, je n’ai pas eu connaissance d’une intervention du guide Libyen ni du président Mbéki. Par contre, dans le document de résolution que j’ai soumis au président Gbagbo, ces autorités ainsi que d’autres devraient y être associées. Et c’est ce que Laurent Gbagbo a fait.

En quelle qualité avez-vous agi?

Je vous l’ai dit. Dans un premier temps, j’ai agi en qualité de simple promoteur d’un évènementiel qui visait à briser le mur de méfiance entre le nord et le sud de la Côte d’Ivoire. Après l’aboutissement de ma négociation avec quelques chefs militaires des FN, j’ai été en mission en qualité d’envoyé spécial du président de la République pour le dialogue direct, le poste que Désiré Tagro a soit disant occupé.

Vous étiez en Côte d’Ivoire. Vous avez tenté en vain de rencontrer le président Gbagbo avant de vous exiler en France. Qu’est-ce qui n’a pas marché?

Ce qui n’a pas marché c’est que M. Bohoun Bouabré, Alcide Djédjé, et feu Désiré Tagro s’étant tous les trois attribués la paternité du projet du dialogue direct, ont dressé un rideau de fer autour de M. Gbagbo, pour que je n’arrive pas à lui. Ensuite, ils ont dû le convaincre de la nécessité de ma mise à l’écart. Pour cette affaire, M. Bouabré était devenu un tiroir-caisse pour certains membres du cabinet du président. Chaque fois qu’un dossier  »Seth Koko » arrivait sur leur table, il finissait dans les mains de mon spoliateur moyennant argent. D’ailleurs, je mets ces personnes au défi de me contredire et je leur rappellerai l’heure, le jour, le lieu et les intermédiaires… En tout cas, notre présidence n’était plus digne de ce nom.

C’est ce qui n’a pas marché.

Qu’avez-vous voulu lui dire?

(Rires) Je voulais juste dire au chef de l’Etat d’alors, d’où est venue la paix dont il profitait. Je voulais juste lui demander que justice soit rendue et qu’il me rétablisse dans mes droits…

Comment avez-vous appréhendé la crise post-électorale en Côte d’Ivoire?

Honnêtement, je n’ai pas du tout apprécié le comportement que le président Gbagbo et son LMP ont adopté pendant la compagne, et après la proclamation des résultats provisoires par la Commission Electorale indépendante. De toute façon, vous savez les différentes positions que j’ai prises avant et pendant cette période post-électorale.

Pourquoi aviez-vous soutenu l’intervention militaire de l’ONU et de la France dans cette crise?

Parce que je ne voulais pas que mon pays se transforme en un Rwanda. Les exactions du camp Gbagbo augmentaient de manière inquiétante. Dès le 16 décembre 2010, j’ai commencé à recevoir sur mes sites web, des informations sur des cas de meurtres commis par des patriotes et des miliciens à la solde de Gbagbo. Je savais aussi que Gbagbo avait acheté des armes de destruction massive, et qu’il pouvait les utiliser contre les populations, à cause de sa détermination à conserver le pouvoir. Ce qu’il fît contre les civils à Koumassi, Treichville, Adjamé, Abobo etc. Ce qui a d’ailleurs obligé le président légitime à créer l’armée des FRCI. En plus des tueries de l’armée, des Ivoiriens étaient enlevés, torturés, brulés vifs et tués de jour comme de nuit. Blé Goudé et ses amis s’étaient organisés en bandes pour selon lui « dénoncer tout voisin qui s’opposerait au pouvoir de Gbagbo ». Vous avez vu, à un moment donné, que ce jeune homme avait remplacé les généraux de notre armée. Il s’est même permis de distribuer des armes de guerre aux populations civiles, en ville comme dans les villages, sous prétexte que la Côte d’Ivoire était attaquée et que Gbagbo avait été envoyé par Dieu pour nous sauver. Face à tous ces graves dérapages, aucun intellectuel du LMP ne démissionnait afin de raisonner Gbagbo et son épouse. Plus tard, on apprenait que plusieurs centaines de morts ont été découverts à Duékoué. Notre beau pays était à deux doigts de se transformer en un cimetière géant. Il fallait trouver un sauveur ; l’ONU et la force Licorne étaient là pour protéger la population. Elles étaient donc en droit de prendre leurs responsabilités.

N’était-ce pas une ingérence comme l’ont dénoncé certains?

Vous savez c’est M. Gbagbo et ses amis qui développaient cette thèse de l’ingérence pour abrutir nos parents et isoler notre pays. Moi à ce que je sache, la Côte d’Ivoire fait partie des Etats membres des Nations unies. A ce titre, Laurent Gbagbo a demandé depuis 2002 l’assistance de l’ONU dans la sortie de crise. Le régime Gbagbo avait bénéficié de centaines de milliards par cette institution pour organiser ses élections. Il était tout à fait normal que l’ONU intervienne pour éviter le chaos à la Côte d’Ivoire. Si l’ONU n’avait pas assuré la protection des populations et détruit les armes lourdes que détenait Laurent Gbagbo, je suis sûr qu’on ne serait pas là vous et moi en train de parler.
Vos apports avec les nouvelles autorités?

Nos rapports sont fraternels et de confiance mutuelle. Vous savez que je suis un houphouétiste, et ceux qui sont aujourd’hui au pouvoir sont des purs produits d’Houphouët-Boigny. Ils ont l’intention de travailler avec cette philosophie. Ils m’inspirent confiance. Le président Alassane Ouattara et son gouvernement sont en train de jeter des bases solides pour le retour de l’unité des Ivoiriens, de la démocratie et du travail. Aussi, la Côte d’Ivoire retrouve son respect dans le milieu diplomatique. C’est ce que tout bon patriote peut souhaiter pour son pays.

Votre regard sur les premiers pas du nouveau régime?

D’abord je refuse que vous utilisiez le mot régime car je trouve que ce pouvoir est dirigé par une personne qui a été élue par le peuple, et qui doit œuvrer pour la démocratie et le bien-être des Ivoiriens. Le mot régime est propre aux pouvoirs illégaux qui imposent leur dictat au peuple. Je préfère que vous l’appeliez plutôt le nouveau pouvoir. En effet, je suis content de constater que le président est, lui-même, au-devant des décisions qu’il prend. Cela signifie qu’il les maîtrise et sait de quoi on lui parle ; contrairement à la médiocrité dont certains nous ont habitué ces dix dernières années. Les ministres affichent tous une volonté de bien faire leur travail: ils s’organisent, j’aurais même appris qu’ils seraient notés par trimestre et que chacun aurait à présenter un plan d’action au chef de l’Etat pour le ministère qu’il occupe.

Cela signifie qu’ils auront l’obligation de résultat. Cependant, la réalité est que le peuple qui a élu le président Ouattara, est malade, a faim, est au chômage, et subit encore des violations de droits de l’homme. Alors, il faut aller vite, trouver des solutions pour rassurer les Ivoiriens.

Que pensez-vous des FRCI et de leur structuration actuelle?

Je suis très fier des frères et sœurs qui ont démontré leur patriotisme et leur force de combattre pour la nation, en ratissant toutes les villes de la Côte d’Ivoire en 4 jours jusqu’à Abidjan, pour faire respecter le verdict des urnes. Je pense que ce sont des personnes sur qui les Ivoiriens doivent compter pour la formation d’une armée forte. Mais pour cela, il faudra les encaserner et les former. Je pense que cette armée-là, si elle reçoit la formation militaire adaptée, elle saura protéger nos frontières et pallier toutes les éventualités. Avec cela, vous verrez que nous serons tous sereins pour investir dans notre pays.

Votre regard sur ces éléments et la sécurité des Ivoiriens?

Tout ce que je peux leur dire, et là je le dis au nom de l’ACSCI (Alliance Citoyenne de la Société Civile Ivoirienne) dont je suis le fondateur, c’est que nous avons tous apprécié le service qu’ils ont rendu à la nation. Il est important qu’ils comprennent que la guerre est finie.

Gbagbo qui finançait les mercenaires et les milices a été capturé. Aucun mercenaire et aucune milice ne sera plus une menace pour les FRCI aujourd’hui en Côte d’Ivoire. Cela dit, si nous voulons être réalistes, au moins 15 jours après la capture de Gbagbo, c’est à eux qu’est revenue la protection des populations. Il faut qu’ils arrêtent de martyriser les Ivoiriens dans les villes et villages des provinces. Qu’ils sachent que les abus de pouvoir dont ils se rendent coupables nous parviennent tous les jours et cela risque d’entacher le beau travail qu’ils ont fait. Cela risque de rendre la tâche difficile au chef de l’Etat. De plus, cela nous compliquerait la tâche, lorsque nous prendrons, nous, les filles et fils de ces régions, nos bâtons de pèlerins pour aller expliquer à nos parents, la nécessité de la réconciliation nationale.

Avez-vous des propositions pour la nouvelle armée?

Pour qu’il n’y ait pas un nouveau débat qui va encore trainer et compliquer les choses, je trouve qu’il serait mieux que les ministères en charge de cette question appliquent directement la feuille de route de l’accord politique de Ouagadougou avec le Centre de commandement intégré (CCI). Là-dessus, le président l’avait dit lors de sa campagne et nous voyons que les choses sont en train d’évoluer dans ce sens avec le dernier séminaire de Bassam; alors attendons de voir. Maintenant si je puis me le permettre, c’est juste un conseil que je peux donner aux chefs des différents corps d’armée : « La réussite de cette armée dépendra de leur degré de patriotisme». Qu’ils acceptent, et qu’ils ne créent pas de poches de résistance si demain certains venaient à avoir un redressement de leurs grades.

Avant tout, un bon soldat, c’est la discipline, c’est celui qui se soumet aux décisions de sa hiérarchie. Ainsi, c’est la Côte d’Ivoire qui gagnera et c’est eux qui seront de vrais héros, si jamais ils arrivaient à intégrer cette nouvelle armée dans la discipline.

Votre avis sur la commission Dialogue – Vérité et réconciliation et la personnalité qui l’incarne?

La création de cette commission est une très bonne chose. Le Premier ministre Charles Konan Banny qui en est le président, est une personne crédible, digne de confiance. Il fallait créer ce cadre pour permettre aux spoliés et exilés comme nous de dire notre part de vérité ; mais surtout pour que toutes les régions de la Côte d’Ivoire se retrouvent pour régler une fois pour toutes, les problèmes qui nous minent depuis la mort du président Houphouët-Boigny.

Comment réussir cette réconciliation après ce qu’a donné le forum de 2001?

Il faudra que cette commission soit présidée par cinq personnes: par le président Charles K. Banny (originaire du centre), suppléé par 4 vice-présidents. Le premier doit être du Moyen-Cavally où se trouve le peuple le plus meurtri, le second du Sud-Ouest, précisément de la région de M. Gbagbo. C’est à ce dernier qu’il reviendra de diriger les travaux dans cette région et de parler au peuple Krou en général de ce qui s’est passé dans le pays et expliquer pourquoi ils doivent aller à la réconciliation. Le troisième doit être du Sud-Est, précisément de la région des 3’A’ ou de l’Indénié, et le quatrième du Nord. C’est à ces vice-présidents qu’il reviendra de faire en sorte que nos parents, dans leurs localités, se sentent impliqués et concernés par le processus. Ces vice-présidents devront eux-mêmes conduire les missions de proximité. Au cours de celles-ci, ils devront recueillir et rassembler les témoignages des villageois ainsi que leurs propositions de solutions adaptées aux différentes localités, qu’ils transmettront à la présidence centrale dirigée par le Premier ministre Banny. Ceci devra se faire en toute transparence et dans le respect des coutumes de chaque région. Pour ce qui concerne les solutions aux conditions ou aux conclusions des travaux dans les régions, la commission devra y mettre un minimum de 6 mois pour rendre ses conclusions définitives.

En ce qui concerne les acteurs politiques en exil, il suffira juste de dresser une liste précise des personnes ou personnalités non poursuivies par la justice, et qui voudraient rentrer au pays. Ces derniers une fois sur le sol ivoirien, devront bénéficier d’une tribune publique à laquelle ils pourront s’exprimer et dire leur part de vérité à la nation. Ils devraient pouvoir obtenir un soutien pour leur réinsertion. Il faudra que cette commission accomplisse sa mission dans un maximum de 18 mois après le démarrage de ses travaux. Les conclusions de ces travaux devront se solder non seulement par l’obtention du pardon et de la réconciliation des peuples, mais aussi par la rédaction d’un livre d’histoire de l’après Houphouët-Boigny. Le chef de l’Etat devra décréter l’instauration d’une journée nationale du souvenir et du pardon. Voici un peu ma vision résumée sur la commission vérité et réconciliation, sachant que je l’ai fait à titre indicatif. Et ce qu’il faudra retenir dans tout cela, c’est que les problèmes de notre pays viennent avant tout des politiques ; mais je pense que si nous arrivons à bien associer la base que sont nos chefs coutumiers dans nos différentes régions, la Côte d’ Ivoire retrouvera sa cohésion d’antan.

Justice et réconciliation, qu’en dites-vous?

C’est une très bonne chose. On ne peut pas réconcilier les parents de la fille ou du fils qui a été tué et les parents de celui ou celle qui les a tués sans que le tueur ne soit emprisonné !

Quels sorts pour les cadres LMP au moment où l’on parle de prochaines législatives en Côte d’Ivoire?

Il faut des mandats d’arrêt contre ceux qui on commis des délits et qui sont en fuite, la prison pour ceux qui sont reconnus coupables et qui sont en Côte d’Ivoire, la liberté d’expression et de circulation pour ceux qui sont  »propres ». Peu importe le nombre. Qu’ils soient 200 ou 400, ils doivent payer pour avoir tué et fait tuer des êtres humains. C’est cela un Etat de droit. Il n’y a que comme cela que notre justice sera forte et respectée. Et cela servira d’exemple au peuple et au pouvoir en place. Je sais que vous allez me parler de sacrifice à faire pour la réconciliation. Je vous dis tout de suite qu’elles sont au moins au nombre de 300, les personnes recherchées. Mais la Côte d’Ivoire compte plus de 20 millions d’habitants. C’est ceux-là qu’il faut réconcilier. Celui qui voudra conditionner sa réconciliation à la libération d’un criminel, il vaudra d’abord qu’il ressuscite les morts des familles qui souffrent aujourd’hui. Et parlant de LMP par rapport aux législatives, notez que leur formation politique se proclame  »la majorité présidentielle », non! Hé bien qu’ils positionnent le reste de leurs cadres, pour défendre leur vision aux législatives. De plus ayant bien travaillé pour le pays, il n’y a aucune raison pour qu’ils s’inquiètent, car le peuple va les récompenser pour leurs bons et loyaux services durant ces dix dernières années !

A quand la fin de votre exil et quelle ambition nourrissez-vous?

Honnêtement, la fin de mon exil est entre les mains du chef de l’Etat et de la commission vérité et réconciliation. A ce jour, j’ai trop d’ennemis au pays pour avoir désavoué Laurent Gbagbo dans l’affaire du dialogue direct, et récemment pour avoir soutenu le président Ouattara dans le combat pour le respect du verdict des urnes. Ceci dit, la médiation pour mon retour au pays était entre les mains du président Nicolas Sarkozy au temps de M. Gbagbo. Mais au vu de la crédibilité dont bénéficie le pouvoir du président Ouattara auprès de l’Elysée, je viens de recevoir une lettre du Quai d’Orsay me demandant formellement de prendre contact avec les nouvelles autorités ivoiriennes. Et là, je suis en attente d’une audience avec notre ambassadeur S.E. Ally Coulibaly, afin de lui transmettre mon dossier que son prédécesseur Pierre Kipré détenait. C’est après cette audience que je pourrai en dire plus sur mon retour au pays. Concernant mes ambitions, j’aimerais rentrer pour reprendre mes investissements là où je les ai laissés, car c’est ce qui m’a toujours passionné. Et enfin, j’ai l’intention de me présenter aux législatives chez moi à Guibéroua, si Dieu le veut.

Entretien réalisé par Félix D.BONY

Commentaires Facebook

Les commentaires sont fermés.