Côte d’Ivoire – L’honneur perdu de Soro Guillaume, par Bernard Houdin*

Bernard Houdin dans le Nouveau Courrier

« Les hommes. Il faut aimer les hommes, les hommes sont admirables. J’ai envie de vomir-et tout d’un coup, ça y est, la Nausée. C’est donc ça la Nausée. Cette aveuglante évidence ? » (Jean Paul Sartre) Je viens de lire et de regarder les récentes interventions en Europe de Monsieur Guillaume Soro et j’ai brutalement ressenti cette « aveuglante évidence » : la Nausée. Sur France 24, sur RFI et dans une « rencontre » avec des ivoiriens à Bruxelles, Monsieur Soro a réécrit l’histoire de la Cote d’Ivoire et, particulièrement, la plus récente dont il a tenté, violemment, d’en modifier le cours démocratique. Monsieur Soro revendique « son combat pour la démocratie » dans les années 1990 et se prévaut d’être allé, de ce fait, et en plusieurs occasions, en prison. Mais qui étaient au Pouvoir à cette époque, sinon MM Ouattara et Bédié, et qui allait aussi en prison, sinon Laurent Gbagbo ?

Il reconnait dans une fulgurance de lucidité, avoir répondu favorablement à la main tendue du président Gbagbo pour engager le « dialogue direct » qui s’est concrétisé dans l’Accord Politique de Ouagadougou (APO).

Mais tout le reste n’est que falsification historique et mépris de la souffrance du peuple jusqu’à l’indicible quand Monsieur Soro évoque le massacre de Duekoué. Duekoué, ville-martyre, Oradour-sur-Glane ivoirien, où des centaines et des centaines d’hommes, de femmes et d’enfants ont été horriblement massacrés en une SEULE journée par les « forces républicaines » sous les ordres de Monsieur Ouattara (Ordonnance présidentielle du 17 mars 2011) et où Monsieur Soro se justifie en prétendant avoir fait la guerre à « des miliciens liberiens à la limite du cannibalisme » ! Première Nausée….

Monsieur Soro manie le verbe avec la prétention des « intouchables ». Il se gargarise du mot « démocratie ». Je pense qu’il devrait imaginer que personne ne peut, impunément, se sentir « intouchable » éternellement et qu’il devrait lire, ou relire la définition du mot « démocratie ».

En visionnant les « prestations » de Monsieur Soro il m’est revenu une scène : nous sommes en janvier 2000, les « jeunes gens » ont renversé Bédié et le nouveau pouvoir a organisé une rencontre, au stade Houphouet-Boigny, pour que la population remercie ces « jeunes gens ». Sur la pelouse un podium de fortune, sur un plateau-remorque, a été installé où se pressent les nouveaux ministres, rapidement ralliés à l’ordre « kaki ». Je suis dans la tribune, observateur attentif de cet instant d’Histoire d’un pays où j’ai tous mes repères. Sur le podium un jeune homme dynamique interpelle le nouveau pouvoir et « exige » une opération « Mains Propres » pour faire rendre des comptes aux autorités déchues et, en particulier, au président Bédié. Ce jeune homme, c’était Guillaume Soro et je n’imaginais pas, à cet instant, que le Destin nous donnerait rendez-vous bien plus tard.

Monsieur Soro avait raison, en cette chaude, à tous points de vue, journée de janvier 2000. Les années Bédié avaient enfoncé le pays à la fois dans l’incurie économique et dans une poudrière identitaire instillée par l’ « ivoirité » et le Coup de décembre 1999 semblait « un moindre mal », même si les changements de régime dans des conditions « non démocratiques » ouvrent la porte à toutes les aventures (et la suite des événements en Côte d’Ivoire le confirmeront).
L’opération « Mains Propres » s’est délitée au fil du temps et des compromissions et la Transition s’est achevée en octobre 2000 par l’élection du Président Laurent Gbagbo. Et dès cet instant le président a commencé à « agir pour les Libertés », le point d’orgue de la période étant le Forum de Réconciliation et la formation d’un Gouvernement d’Union Nationale où siégeaient, auprès des ministres FPI, neuf représentants du PDCI et du RDR. C’est ce gouvernement d’union que le « démocrate » Monsieur Soro, parrain « revendiqué » du Coup manqué du 19 septembre 2002, a tenté de renverser, provoquant la crise qui perdure aujourd’hui et continue d’entrainer le pays vers l’abyme.

C’est le sens de l’Etat et de l’intérêt général du Président Gbagbo qui ont, seuls, permis à Monsieur Soro de « survivre » à la crise et, s’il y a eu trahison, c’est bien celle de Monsieur Soro par rapport à ses engagements écrits dans l’APO et qu’il n’a jamais tenu, en particulier pour le désarmement et l’encasernement de ses troupes. Deuxième Nausée….

Monsieur Soro se prévaut d’avoir organisé des élections « démocratiques » le 28 novembre 2010 et d’avoir, en « petit frère » conseillé au président Gbagbo de « respecter » le verdict des urnes. Le président Gbagbo ne s’est jamais accroché au pouvoir. Il a, simplement, respecté la Constitution de son pays qui a dit le Droit après avoir fait table rase des fraudes et manipulations du scrutin dans les régions du Nord sous la « coupe » des troupes de Monsieur Soro,
Celui-ci à alors, avec l’appui funeste des Autorités françaises de l’époque, engagé un combat violent, loin de tous les critères « démocratiques », tandis que le président Gbagbo, soucieux comme toujours de l’intérêt général, voulait résoudre cette « crise électorale » de façon pacifique, en commençant, naturellement, par un recomptage des voix. On connait la suite et Monsieur Soro, « vétu de lin blanc et de probité candide » vient se glorifier sans vergogne de sa « foi démocratique ». Troisième Nausée…

Monsieur Soro, dans sa grande « bonté » se félicite d’avoir «donné sa chambre » à l’Hôtel du Golf au président Gbagbo le 11 avril 2011. Je pense qu’il pourrait être, bientôt, récompensé de cette générosité car le président Gbagbo lui cédera, bien volontiers, celle qu’il occupe indument à La Haye.
En fait, toute cette randonnée verbale à travers l’Europe et les médias, n’est qu’une fuite en avant de Monsieur Soro pour tenter d’échapper à son Destin qui est de se retrouver devant la Cour Pénale Internationale pour l’ «ensemble de son œuvre». Il le sait pertinemment au point de « menacer » la « communauté internationale » pour laquelle il aurait agi, récusant à l’avance toute responsabilité personnelle dans le cours des événements en Côte d’Ivoire, comme il l’a clairement laissé entendre sur France 24. Ainsi Monsieur Soro après avoir agi pendant des années à des fins personnelles, au mépris de toutes les règles de Droit et en laissant derrière lui un cortège sanglant d’hommes de femmes et d’enfants de toutes ethnies et de toutes confessions, voudrait s’exonérer de tous ces crimes, n’étant que le simple exécutant de la « communauté internationale ». Quatrième Nausée…

Oui les hommes sont admirables, ceux qui se battent pour des causes justes mais Monsieur Soro ne les aime pas. Depuis des années il creuse dans le pays un sillon de haine et de meurtres. Mais l’heure a sonné et la Côte d’Ivoire, qui est, heureusement, une Nation forte qui se construit chaque jour saura surmonter les douloureuses épreuves que Monsieur Soro lui aura fait subir. Il n’aura été qu’un « épiphénomène » dans le cours de son Histoire, et je crains, pour lui, qu’aujourd’hui tout soit perdu, même l’honneur !

Bernard Houdin
Conseiller Spécial du président Gbagbo

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