Malgré le «PPTE» et les soutiens massifs, l’économiste n’a pas de solutions pour les PME

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« Le temps de la réflexion est une économie de temps » Publius Syrus

Malgré le « PPTE » et les soutiens extérieurs massifs, l’économiste Ouattara n’a pas de solutions pour les PME

Texte proposé par Dr PRAO Yao Séraphin, délégué national au système financier et monétaire à LIDER

Les statisticiens et autres propagandistes du gouvernement vont diront que tout va bien en Côte d’Ivoire. Après une croissance négative de 4,7 % en 2011, ce retard a été rattrapé avec un taux de 9,8 % en 2012 et de 9 % en 2013, selon les prévisions du gouvernement (8 % selon le FMI). Point n’est besoin de revenir sur cette croissance appauvrissante et oisive. Il est établi qu’en dépit du soutien massif des institutions internationales, l’économiste Ouattara décevra certainement. Et pour preuve, les petites et moyennes entreprises (PME) sont oubliées dans le programme de développement du gouvernement actuel. Et pourtant, la part des PME dans l’emploi en Côte d’Ivoire, en 2007, était de 33%. Aux temps présents, malgré le « PPTE » du gouvernement, l’économiste Ouattara est incapable de payer la dette intérieure, un levier important pour relancer l’économie nationale.

1. L’importance des PME dans une économie

Les PME jouent un rôle primordial dans le système socio-économique. Par leur atout intrinsèque, il est établi qu’elles constituent un pas dans l’industrialisation et la dépolarisation des activités économiques. Elles constituent une source majeure d’emplois, de revenus et de recettes à l’exportation. Elles contribuent au développement de l’économie locale. Les PME jouent un rôle particulièrement important dans les pays en développement et en transition. Si elles ont à faire face aux mêmes difficultés que les PME du reste du monde, les PME des pays en développement pâtissent plus encore que les autres de la piètre qualité des capacités humaines et institutionnelles mises à leur disposition et tardent à recueillir tous les bénéfices qu’elles sont en droit d’attendre de la mondialisation.
En 1997, le secteur privé regrouperait 8 000 entreprises dont seulement 15% seraient détenues par des intérêts ivoiriens. La majorité de ces entreprises est détenue par des intérêts étrangers : français en premier lieu, libano-syriens et autres nationalités.
La création de PME/PMI détenues par des ivoiriens est récente. De nombreux fonctionnaires quittent le secteur public pour se lancer dans des activités privées, en s’appuyant sur leur expérience et sur leurs réseaux de relations. Moins attirée par les carrières dans le secteur public, la jeune génération tente aussi sa chance dans le secteur privé.

Les PME/PMI représenteraient 30 à 35 % des entreprises privées ; elles constitueraient 17 % de la valeur ajoutée et 16 % des emplois. Les grands groupes étrangers représenteraient 15 à 20 % des entreprises et 73,2 % de la valeur ajoutée.
Aujourd’hui, les PME dans leur ensemble représentent 98% des entreprises recensées et contribuent à hauteur de 18% à la formation du PIB et de 20% à l’emploi moderne.

2. Les PME balafrées par la crise ivoirienne

Les petites et moyennes entreprises (PME) ont payé un lourd tribut. Des milliers d’entreprises ont été contraintes, entre 2002 et 2010, de mettre la clé sous la porte, provoquant une augmentation du chômage surtout chez les jeunes. Ce sont les partenaires au développement qui sont venus à la rescousse de l’Etat pour réanimer un secteur vital pour l’emploi des jeunes. Ainsi, en novembre 2009, la Banque mondiale a accordé un don de 15 millions de dollars US dans le cadre du « projet d’appui à la revitalisation des petites et moyennes entreprises en Côte d’Ivoire »(PARE-PME). Les six (6) principales institutions ayant bénéficié de l’appui du PARE-PME sont les suivantes : le guichet unique du CEPICI (centre de promotion des investissements en Côte d’Ivoire) ; la mutuelle de crédit et de financement des PME (MCF-PME) ; l’unité de lutte contre le racket (ULCR) ; le tribunal de commerce d’Abidjan ; le bureau du comité de concertation public-privé (CCESP) et le tribunal du commerce.

La mise en œuvre du projet fut interrompue pendant six mois à la suite de la crise post-électorale de novembre 2010.
Monsieur billon, actuel ministre du commerce et des PME estimait à l’époque à 50 milliards de franc CFA, les pertes de certaines entreprises. Pour Kacou Diagou, les grandes entreprises auraient perdu 958 milliards de FCFA à la suite de la crise post-électorale.

3. Good bye dette extérieure, Hello dette intérieure

Le rapport sur la dette publique fin 2012 situe l’ardoise envers le secteur bancaire à près de 655 milliards de Fcfa. Quant à la dette due au secteur non bancaire, elle a aussi deux (2) composantes. Il y a la dette conventionnelle qui s’établit à 1558 milliards de Fcfa due aux fournisseurs (collectivités, Epn, Entreprises, etc.).
Quant aux établissements privés, ce sont des créances de près de 90 milliards de Fcfa. Des sources proches du ministère de l’économie et des finances affirment que ce sont 53 milliards de Fcfa qui seront réglés en 2013. Ainsi, ce sont 1000 milliards de Fcfa qui ont été réglés entre 2011 et 2012. Au 1er janvier 2012, l’Etat avait payé 240 milliards de Fcfa sur les 274 milliards de Fcfa d’arriérés pour l’année 2011. En 2012, l’Etat a apuré la somme de 55,7 milliards de Fcfa.
Toujours est-il que la dette intérieure de l’État, fin 2012 culmine à 2 314 milliards de F CFA.

4. L’économiste Ouattara n’a pas de solutions pour les PME

Le gouvernement ne manque pas une occasion pour rappeler les statistiques suivantes. Le pays serait passé d’un taux d’investissement public de 2,9 % à 4,9 % du PIB entre 2011 et 2012, et il devrait atteindre 7,8 % en 2013 puis 9 % en 2014. Toujours selon le gouvernement, le pays connait une reprise de l’investissement privé : il était de 5,4 % du PIB en 2011 et de 8,8 % en 2012. En 2013, le gouvernement prévoit 10,3 %. Et pourtant derrière ces chiffres encourageants, se cachent doutes et peines du gouvernement. La Côte d’Ivoire a sollicité six fois les marchés financiers entre janvier et juin, pour un montant de 380 milliards de F CFA (579 millions d’euros). Ces fréquentes sollicitations du marché cachent en réalité une tension prononcée de trésorerie. D’ailleurs, les fins du mois seront de plus en plus difficiles pour le gouvernement et le risque de voir les salaires impayés existe.
Avec un budget de 3 883 milliards de F CFA, le gouvernement peine à trouver les recettes nécessaires pour équilibrer ce budget.
L’économiste Ouattara, conscient qu’il allait payer les créanciers extérieurs au détriment des créanciers internes, a trouvé dans les audits, une manière de gagner du temps. En effet, selon le gouvernement, pour mieux maîtriser le stock des restes à payer, il faut procéder à un audit qui vise à s’assurer de la réalité des dépenses, notamment celles concernant la période 2000-2010. L’étude a donné des conclusions mais le gouvernement estime qu’il faut encore une étude complémentaire. Et pourtant, l’Etat étant une continuité, c’est la célérité du traitement des factures des prestataires de l’Etat qui devrait retenir l’attention du gouvernement.
En attendant, le chômage bat son plein, l’économie locale se désagrège. Le paiement de la dette intérieure permettra de relancer l’économie et surtout de soulager un certain nombre de PME.
Au plan micro-économique, l’apurement de la dette intérieure permet d’éviter les risques d’accentuation du chômage, l’inflation, etc.

5. Quelques pistes pour le financement des PME

L’autofinancement et les associations informelles d’épargne et de crédit – les tontines restent leurs sources de financement principales. Les petits entrepreneurs en Afrique sont rarement en mesure de satisfaire aux conditions fixées par les institutions financières. Or, globalement parlant, 80 à 85% de ces entreprises disparaissent purement et simplement dans les cinq années qui suivent leur création, alors qu’une autre partie glisse progressivement vers l’informel en fuyant les services des impôts et des organismes de cotisation. Des pistes sont à explorer pour le financement des PME.

Première piste : Une approche combinant l’amélioration du climat des affaires, le renforcement des capacités des PME, le développement du secteur financier et le renforcement des liens entre entreprises permettrait d’améliorer de façon durable l’accès des PME au financement.
Deuxième piste : D’autres instruments financiers, tels le crédit-bail et le factoring, pourraient permettre de réduire efficacement le risque financier pour les institutions de crédits.

Troisième piste : Le business angel est un agent économique à capacité de financement. Mais il ne se contente pas d’injecter son argent dans une affaire, il apporte sa compétence et met son réseau de clients ou de partenaires au service de l’entreprise. Pour cela, il prend une part minoritaire dans son capital sur une période allant généralement de trois à dix ans. Au terme desquels, l’investisseur se retire.
Quatrième piste : Un secteur des PME prospère s’est constitué en Afrique du Sud, à Maurice et en Afrique du Nord, soutenu par un système financier relativement développé et des politiques publiques de promotion du secteur privé volontaristes.
Cinquième piste : Créer une structure de l’Etat pour accompagner l’établissement des entreprises en leur offrant des conseils et des prestations en gestion et en finance. Un jeune entrepreneur qui s’installe pourrait ainsi bénéficier des services de cette structure en matière de comptabilité, de relations avec les organismes de cotisation et du fisc, et même de démarche commerciale.
Sixième piste : Adopter une législation qui obligerait toutes les grandes entreprises gagnant un marché public de l’État ou d’une collectivité locale à sous-traiter un pourcentage (20% par exemple) de la valeur totale du marché à une PME locale, comme cela se fait aux Etats-Unis.

Conclusion

La dette intérieure est un casse-tête chinois pour son gouvernement. Les PME sont semblables à une cohorte de fourmis qui, dans les galeries souterraines des bas-fonds de la société, permet à l’économie d’avancer. La Côte d’Ivoire sera une économie émergente avec des PME solides et dynamiques. Finalement comme le disait Michel Rocard, « l’économie ne se change pas par décret ».

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