Réforme de la Commission électorale en Côte-d’Ivoire: Deux ministres de Ouattara se contredisent

Imbroglio ou guéguerre autour de Ouattara au sujet de l’exécution de l’arrêt de la cour africaine des droits de l‘homme et des peuples. Il y a-t-il cacophonie, imbroglio ou guéguerre au gouvernement autour de Ouattara, au sujet de l’exécution de l’arrêt de la Cour Africaine entre colombes et faucons ?

Entre ceux qui sont pour l’exécution de l’arrêt de la Cour Africaine, ceux qui veulent que l’Etat de Côte d’Ivoire, en tant que membre de la communauté internationale, se conforme à ses obligations et ceux qui veulent que l’Etat de Côte d’Ivoire n’en tiennent pas compte dans cette affaire ? La preuve de cette situation qui n’est guère reluisante pour notre pays, est l’existence, en ce moment, de deux textes émanant des membres du gouvernement. Celui du ministre d’Etat auprès du Président de la République chargé du Dialogue politique et des Relations avec les Institutions, du 26 février 2018, suite à une lettre des partis politiques adressée au Président de la République et celui, titré « communiqué du gouvernement » qui serait du Ministre de la Justice, Garde des Sceaux et des Droits de l’Homme du 8 février 2018. Ces deux textes traitant du même sujet ont des contenus opposés. L’incompréhension s’installe lorsque l’on sait que le texte du ministre d’Etat a été transmis aux partis politiques dès la fin du mois de février, alors que le communiqué du gouvernement, daté de 8 février, a été diffusé seulement au début du mois de mars. Le milieu politique est amené à se demander que veut exactement le gouvernement dans cette affaire. La lettre du ministre d’Etat tire les conséquences de l’existence de l’arrêt. Le communiqué du gouvernement refait le procès et conclut qu’il n’y a pas lieu de recomposer la commission électorale. Il est plus intéressant d’examiner le communiqué du gouvernement au sens que l’Etat de Côte d’Ivoire était représenté au procès à la Cour Africaine par: M. Moussa Sefon, Conseiller à la présidence de la République, chargé de la Justice. M. Mamadou Diané, Conseiller à la Présidence de la République, chargé des droits de l’homme ; M. Ibourahema ; M. Bakayoko, Directeur de la Protection des droits de l’Homme et des Libertés publiques au ministère des Droits de l’Homme et des Libertés publiques. Ce communiqué du gouvernement appelle trois (3) observations.

Première observation

Ces éminentes personnalités de l’Etat spécialistes du Droit et de la défense des droits de l’homme ont eu tout le loisir, pendant plus de 2 ans de procès de présenter les arguments défendant la position de l’Etat de Côte d’Ivoire. Ils n’ont pas pu emporter la conviction de la Cour. C’est en février 2018, dans un communiqué qu’ils jugent bon de s’expliquer en prenant soin de ne pas dire certaines vérités. La décision de la Cour est définitive, elle est donc sans appel. Comme l’a fait remarquer le Ministre d’Etat dans sa lettre du 26 février 2018, l’arrêt est obligatoire, c’est-à-dire exécutoire. En la matière, l’article 30 du protocole relatif à la Charte Africaine est on ne peut plus claire: «Les partis au présent protocole s’engagent à se conformer aux décisions rendues par la cour dans tout litige où ils sont en cause et à en assurer l’exécution dans le délai fixé par la Cour» Le ministre de la Justice, a-t-il mauvaise conscience parce que représenté au procès pour défendre l’Etat de Côte d’Ivoire et qu‘il fait perdre. En produisant ce communiqué au nom du gouvernement, veut-il sauver sa peau ? La Constitution du 8 novembre 2016 demande au Président de la République, Chef de l’Etat de veiller au respect de la Constitution et fait de lui le garant du respect des engagements internationaux (article 54) et conformément aux dispositions de l’article 65, de la même constitution, c’est le Président de la République qui assure l’exécution des décisions de justice.

Deuxième observation

A chaque occasion qui est donnée au gouvernement de parler de la recomposition de la Cei, il cite le Ndi qui aurait donné sa caution à l’adoption de la loi N°2014-335 du 18 juin 2014 relative à la Commission Electorale. Et pourtant il n’en a rien été. En effet, le Président Alassane Ouattara a «sollicité l’assistance technique du National Democratic Institute (Ndi) afin d’obtenir des recommandations sur la réforme du système électoral du pays». Au chapitre V du rapport produit par le Ndi et consacré aux recommandations à l’attention du Président Ouattara, à la page 20 en introduction, il est noté ceci : «La délégation note que la confiance dans un système électoral, particulièrement, dans l‘organe de gestion des élections et le sentiment d’équité sont des aspects aussi importants que toutes dispositions réglementaires spécifiques. Lorsque la méfiance s’installe entre les adversaires politiques et lorsque l’équité du système électoral est mise en doute, il impacte de mettre en place des mesures de sauvegarde supplémentaires…». La commission électorale n’inspire plus confiance. En outre, à la page 22 du rapport, le Ndi poursuit « le nombre des membres issus du gouvernement et du parti au pouvoir ne doit pas constituer une majorité écrasante par souci de maintenir un juste équilibre au sein de l’institution». A la mise en place de la Cei en 2014, cette importante recommandation du Ndi a été simplement et purement ignorée par le gouvernement. La composition actuelle de la Cei comprend 17 membres. Le parti politique ou groupement de partis politiques au pouvoir et le gouvernement sont représentés par huit (8) membres et l’opposition est représentée par quatre (4) membres. Dans cette composition où est le juste équilibre recommandé par le Ndi ? Dans ce contexte, le candidat issu de l’opposition ne peut bénéficier du même traitement égalitaire que le candidat du parti ou des groupements des partis politiques au pouvoir. La constitution du 8 novembre 2016 prescrit ce traitement égalitaire dans ses dispositions de l’article 52 en ces termes: « le suffrage est universel, libre, égal et secret». En n’observant pas ce traitement égalitaire dans notre système électoral, il y a violation de notre propre constitution. Le candidat issu du pouvoir et celui de l’opposition doivent bénéficier du même droit à l’égalité devant la loi et la protection égale par la loi. La Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, à la page 6, article 10 (3) érige cette égalité en un principe qui doit être promu, protégé, garanti, donc respecté. L’Etat de Côte d’Ivoire s’est engagé dans le préambule de la Constitution du 8 novembre 2016 à promouvoir, à protéger et à garantir tous les droits de l’homme, dont l’égalité, définis dans les instruments juridiques internationaux auxquels la Côte d’Ivoire est partie. Le Ndi, dans ses recommandations rappelées ci-dessus, est en parfaite harmonie avec l’arrêt de la Cour Africaine des droits de l’homme et des peuples.

Troisième observation

Un des arguments soutenus par le gouvernement pour ne pas recomposer la Cei, est de dire que celle-ci a été mise en place sur une base consensuelle. Supposons un seul instant qu’il y ait eu consensus. La réalité d’hier n’est pas celle d’aujourd’hui. Aujourd’hui, tous les partis politiques d’opposition, sans exception, y compris les partis d’opposition représentée à la Cei, une plate-forme de la société civile, représentant quinze (15) Ong, dénoncent la composition actuelle de la Cei et exigent sa recomposition. Le consensus auquel s’accroche désespérément le gouvernement est, à l’évidence, rompu à la suite de la survenance d’une méfiance entre les adversaires politiques, d’un manque de confiance dans l’organe de gestion des élections et d’équité dans le traitement dans 1er système électoral. Ces observations amènent à penser que le régime Ouattara n’est pas prêt à respecter les recommandations et même les textes législatifs (constitution, loi, règlement) qu’il a mis pourtant en place, sans contrainte, dès lors qu’il juge que ces textes ne servent pas son intérêt. Il en est de même de ses obligations résultant de son appartenance à une communauté internationale. Dans cette volonté de ne pas respecter ses propres textes pour préserver ses propres intérêts. Le régime viole le préambule de la constitution du 8 novembre 2016. Il viole actuellement les dispositions des articles 54 et 65. Il viole également l’article 106 aux ordonnances.

B.K.S. (Juriste-consultant)

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1 réflexion au sujet de « Réforme de la Commission électorale en Côte-d’Ivoire: Deux ministres de Ouattara se contredisent »

  1. Attendez c est pas ce même rhdp qui reprochait à Gbagbo de ne pas tenir compte de la communauté internationale dans la fameuse histoire des médiateurs de l union africaine?

    Quelque part cv est pas mal: on va pouvoir s asseoir sur l arrêt qui dit que le pétrole la on calcule le propriétaire selon l équerre ghanéen.

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