Côte-d’Ivoire: Décès de Bognini Moïse, premier capitaine des Éléphants footballeurs

Les Éléphants en 1948, la 1ere équipe nationale, Bognini, debout, 1er de la gauche

Par Connectionivoirienne

Bognini Moïse, 93 ans, premier capitaine des Éléphants footballeurs de Côte-d’Ivoire, a rendu l’âme ce mercredi 25 avril 2018, au petit matin, à Grand-Bassam. L’information provient de sources familiales au défunt. Le patriarche Bognini Moïse était aussi connu comme le tout premier comptable non Européen en fonction en Côte-d’Ivoire. Il est aussi le premier économe de la Maison des Étudiants Ivoiriens de France. Bognini Moïse qui part après une vie bien remplie, laisse plusieurs enfants et petits-enfants, dont Berthe Yabah Bognini, ancienne Directrice de cabinet de Monseigneur Ahouanan, à la CONARIV.

Liman Serge

Bognini N’Gatta Moïse: La face cachée du premier capitaine des Eléphants

20 janvier 2018 in Fraternité Matin

Quand un monument reprend la parole et égrène son passé, cela donne des colliers de souvenirs. Incursion dans l’intimité familiale de l’Hirondelle de la génération 1948 à 1954 de la sélection nationale de Côte d’Ivoire.

Huit janvier 2018, il est 15 h 30 min. Un temps clément et beau à Grand-Bassam, la première capitale de Côte d’Ivoire. Au quartier Impérial, précisément dans la grande cour familiale des Bognini, notre équipe de reportage est frappée par le décor : de beaux statuts d’éléphant, de lion, de lionceau, de gazelle, etc., autour d’une somptueuse maison de huit pièces.

A l’intérieur, on peut apprécier la qualité des meubles et des portraits de l’Union sportive des clubs de Bassam (Uscb) et des Eléphants d’avant l’indépendance. C’est là qu’habite le patriarche Bognini N’Gatta Moïse, premier capitaine de l’équipe nationale de Côte d’Ivoire. Nous sommes curieux de le découvrir.

Cinq minutes après notre installation par Bognini Barthelémy (cadre de la Sir à la retraite et troisième de ses quinze enfants), le maître des lieux, bien assis dans son fauteuil roulant sous l’œil vigilant de son homme de compagnie, Honorat Maguy (jeune frère de Serge Maguy, ancien international) est là. Un peu affaibli par le poids des ans (93 ans), il reste, cependant, lucide et maîtrise la langue de Molière. «Bienvenue chez la famille Bognini! », dit-il, en nous serrant chaleureusement la main.

A la question de savoir comment il vit ses vieux jours, notre interlocuteur répond. «Je vis une très bonne retraite en dépit de ma pension dérisoire (90.000 Fcfa par mois). Quand je travaillais, je percevais un très bon salaire, notamment à la Palmindustrie où j’exerçais comme inspecteur des affaires générales, administratives et comptables avant de prendre ma retraite en 1986. Aujourd’hui, je vis de mes réalisations (plantations, maisons, actions, etc.). Physiquement, je résiste encore même si je n’arrive pas à bien marcher».

Parti en 1954 en France pour des études de comptabilité, Bognini N’Gatta Moïse y a travaillé précisément dans une société cotonnière avant d’être rappelé, en 1959, par Charles Bauza Donwahi (défunt père de l’actuel ministre des Eaux et Forêts, Alain Richard Donwahi) alors ministre de l’Agriculture, pour occuper le poste de comptable. « Je ne regrette pas cette expérience », précise-t-il.

Le vieux Bognini est heureux d’avoir autour de lui de nombreux enfants, petits-enfants…qui l’entourent d’affection et viennent souvent prendre des conseils auprès de lui. Comme l’occasion nous a été donnée de le voir lors de notre entretien. Deux de ses enfants (Barthelemy et Marie Désirée Bognini) et trois petits-fils ont tenu à être présents.

La reconnaissance de l’Etat, ici le ministre Alain Lobognon

Parcours sportif

Comme nombre de ses camarades de promotion, c’est à l’école que Bognini N’Gatta Moïse a véritablement appris les rudiments du football. Une discipline qui constitue une de ses passions. A force de s’y mettre, la progéniture de feu Bognini Jean-Baptiste (planteur) devient un très bon joueur. Qui mettra en relief son immense talent à Paris Essor, une des quatre formations phares de la commune de Grand-Bassam, à l’époque. « En plus de Paris Essor, il existait l’Asab, le Fcb et l’équipe des fonctionnaires.

A la demande du magistrat Monney (expatrié français), grand sportif venu de Bordeaux (France), ces quatre formations ont fusionné pour devenir Union sportive des clubs de Bassam (Uscb) en 1947. Nous ne voulions pas de cette fusion au départ mais il a su trouver les mots pour nous convaincre.

Et de 1947 à 1950, l’Uscb qui comptait dans ses rangs des joueurs de qualité tels que Kouassi Taboua, Désiré Niamké, Koffi David et moi-même, a été sacrée championne de Côte d’Ivoire. Seize équipes dont dix d’Abidjan participaient à ce championnat. Des moments fastes que je ne peux oublier », raconte-t-il, nostalgique.

Sélection nationale

En plus de son talent, Bognini avait une force de caractère. Cela lui a permis d’être le premier capitaine des Eléphants en 1948. Soit douze ans avant l’indépendance de la Côte d’Ivoire. Il avait, entre autres, pour équipiers Sery Mogador (l’un des pères fondateurs de l’Africa Sports), Ajavon, Kouassi Taboua, Eboulé Ndedé, Désiré Niamké, Azmard (un expatrié français) et Vio (gardien de but).

Une belle machine qui a donné du fil à retordre à ses différents adversaires durant plus d’une demi-décennie (1948-1954). « Ma première sélection, c’était contre la Guinée Conakry, en 1948. Un adversaire qui nous a surpris (1-2), au stade Géo André, (baptisé plus tard, stade Félix Houphouët-Boigny). Nous avons forcé le destin pour, au moins, remettre les pendules à l’heure. En vain ! Cette première sortie ratée m’est restée de triste mémoire », souligne l’Hirondelle. Un sobriquet que ses admirateurs lui ont attribué parce qu’il se montrait impérial dans toutes les positions en défense.

« Sery Mogador, l’un des génies de notre génération, avait, lui également, un surnom : l’homme aux sept pieds. Il savait plaire par son intelligence de jeu, ses dribbles étourdissants, ses changements de pied et ses buts en finesse. Contrairement à Kouassi Taboua qui se distinguait par ses tirs dévastateurs, son adresse et sa force de pénétration. Lui aussi était une bête noire pour les défenses adverses », tient à souligner l’ancien défenseur central de charme. Qui a rangé ses crampons en 1954 pour se consacrer à ses occupations professionnelles.

A noter que de cette génération de référence, le vieux Bognini est le seul survivant. Quel est le secret de cette longévité ? « C’est la volonté de Dieu. Sachez que mon fils aîné (Bognini Jean-Baptiste) est âgé de 71 ans. Il porte le nom de mon défunt père », tient-il à préciser, le sourire aux lèvres.

Sacré Bognini N’Gatta Moïse dont le plus grand rêve est de voir le stade de Bassam porter son nom.

JEAN-BAPTISTE BEHI

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