Constitutions sur mesure: Pour Ouattara et Nkurunziza, il s’agit de différer leur passage devant la justice

En se taillant une constitution sur mesure

Opinion

Les criminels ont ceci de particulier, qu’à force d’essayer de couvrir leurs premiers crimes, ils en commettent d’autres encore plus graves. Ainsi, tel homme, après s’’être fait surprendre à commettre un cambriolage « anodin », croit sage d’éliminer non seulement la victime de son forfait, mais aussi tous les témoins de son délit ; s’enfonçant de plus belle dans le crime.

Les cas Pierre Nkurunziza et Alassane Dramane Ouattara sont caractéristiques de cette logique. S’étant rendu coupable de l’assassinat de plus de 1400 Burundais et de l’exil forcé de 400.000 autres de ses concitoyens, Nkurunziza, qui sait qu’il devra coûte que coûte répondre de ses crimes devant son peuple et devant le monde, ne perçoit son salut que dans une prolongation de sa dictature. Aussi s’est-il fait tailler au forceps une constitution arbitraire lui étendant son pouvoir jusqu’en 2034. Dans son irrationalisme, le dictateur burundais s’est convaincu qu’en gagnant du temps, il effacera ses crimes contre l’humanité de la mémoire collective burundaise. Or ce sursis-là, c’est en commettant encore d’autres crimes qu’il se l’offre.

Dans la grande balance des crimes odieux commis en Côte d’Ivoire depuis 2002, les forfaits reprochés à Alassane Dramane Ouattara en Côte d’Ivoire entre 1990 et 1993, s’apparenteraient à de « petites » rapines sur l’économie ivoirienne, à des maraudages, à de « petits » vols à l’étage de délinquant. Bien sûr, Pendant sa primature en 1993, alors qu’Houphouët, malade, gisait sur son lit d’hôpital, Dramane Ouattara devint l’un des hommes les plus riches de la planète, en faisant fondre les comptes publics de la Côte d’Ivoire dans ses comptes privés par l’accumulation des portefeuilles de premier ministre, ministre des finances et président par intérim, et par un aménagement qui détournait toutes les recettes publiques dans un compte spécial à la Primature, plutôt qu’au Trésor comme cela se devait faire.
Si flagrant était la falsification que même Amadou Kourouma, qui considérait Dramane Ouattara comme un messie pendant la crise de 2002, et qui ne cachait pas son aversion pour Gbagbo au point de faire cette déclaration saugrenue que Gbagbo était le commanditaire de la mort du ministre Boga Doudou, avait, dans une interview accordée à Xavier Harel en hiver 2003, suggéré que la soudaine fortune de Dramane Ouattara accumulée en un temps record (3 ans 1 mois) avait de forts relents de détournement : « Ouattara a été Premier ministre quand Houphouët était malade. Peut-être que cela donne un début d’explication sur l’origine de sa fortune. L’histoire, un jour, nous le dira » ; une suspicion qu’Emile Constant Bombet, qui fut ministre de l’intérieur de Dramane Ouattara dans les années 90, avait aussi exprimée, promettant, quant à lui, des enquêtes pour faire la lumière sur la fortune douteuse de Dramane Ouattara : « Je suis surpris de la partialité des journalistes … personne ne s’est posé de questions sur l’origine de la fortune de monsieur Ouattara. Croyez-moi, nous en parlerons le moment venu ». Evidemment, ces enquêtes furent empêchées par un coup d’Etat salvateur en 1999.
Jusque-là, comme nous le disions tantôt, ces crimes n’étaient qu’économiques. Bien qu’elles aient causé des morts circonstancielles par la pauvreté qu’elles généraient dans le pays, les « petites » rapines de Dramane Ouattara entre 1990 et 1993, pouvaient à peine être qualifiées d’exécutions de masses. Oh ! Il est vrai que pour réduire au silence toute voix discordante et paver son chemin vers les coffres de l’Etat de génuflexions et de nombres de « oui », le premier ministre Ouattara s’est offert quelques excursions macabres en mai 1991 sur les campus universitaires, ordonnant çà et là broiement d’os et de chair sous les brodequins des soldats de Gueï. Il est vrai aussi que sous la primature Ouattara de 90 à 93, les cachots ne désemplirent jamais des leaders de l’opposition. Mais l’on était bien loin des exécutions systématiques à relents politiques et ethnocidaires qu’offrit Dramane Ouattara à la Côte d’Ivoire à partir de 2002.

C’est vraiment à partir de 2002 que Dramane Ouattara, convaincu que tout pouvoir qui lui échapperait s’attellerait à faire la lumière sur ses crimes économiques, décida de couvrir ses « petites indélicatesses » sur les finances ivoiriennes par des crimes d’une sauvagerie inimaginable. Pour Ouattara, il ne fallait pas que l’histoire nous dît quoi que ce soit sur sa fortune. Et afin que l’histoire restât muette sur l’origine de sa richesse subite, Il fallait que Ouattara fût président, qui différerait ad infinitum toute enquête sur sa gouvernance de 3 ans et 1 mois à la primature ivoirienne. Et pour se faire président, Dramane Ouattara fit déferler sur la Côte d’Ivoire une horde de tueurs tant nationaux qu’internationaux. Il se fit le maître d’orchestre de l’une des symphonies les plus sinistres de l’histoire de l’humanité.

Dramane et sa clique savent qu’un jour il leur faudra expliquer pourquoi des gendarmes et leurs familles furent éliminés en plein sommeil à Bouaké, pourquoi 800 Wê furent exécutés en une seule journée à Duékoué, pourquoi des centaines de jeunes pro-Gbagbo furent annihilés dans les sous-sols d’une station-service à Yopougon, pourquoi des villageois furent équarris dans leur sommeil à Anokoi Kouté, etc. La bande à Dramane sait qu’il lui faudra expliquer aussi ses crimes économiques sur le patrimoine ivoirien. Cela est inévitable. Ici, il n’est plus question de savoir si oui ou non, la bande à Dramane se retrouvera devant la justice. La question que se posent les Ivoiriens, c’est de savoir quand est-ce que ce qui est désormais une évidence logique aura lieu. D’ailleurs, les cocos de Ouattara le savent, qui, plutôt que de choisir de rester en Côte d’Ivoire répondre de leurs crimes, théorisent déjà leur fuite vers d’autres horizons en cas de perte du pouvoir : « Si on perd le pouvoir », se lamente Amadou Soumahoro (cimetière), « que Dieu nous en garde, nous nous retrouverons en exil avec nos femmes, nos petits-enfants. Jouons avec tout, ne jouons pas avec la perte du pouvoir ».

Dramane sait qu’il devra tôt ou tard affronter la justice des hommes. S’il ne peut pas y réchapper, il peut au moins la différer. Aussi, comme le compagnon Nkurunziza, il se tailla une constitution au forceps censée lui offrir un temps de sursis. Tant pis si après lui, les plus jeunes de ses complices se font épingler ! Lui au moins aura réussi, aussi longtemps que faire se peut, à esquiver la justice ! Si, très vieux, il se faisait épingler un jour, sénile et tamisé comme Pinochet, comme Iliescu, il aurait au moins vécu ses belles années en liberté.
Les contorsions d’Alassane Dramane Ouattara et de sa clique pour se maintenir au pouvoir au-delà de 2020 n’ont qu’un seul et unique but : différer le plus longtemps possible leur passage devant la justice.

Martial Frindéthié

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