Déguerpis de Danga en Côte-d’Ivoire: Des familles vivent sur les ruines de leurs habitations

Emma ASSEMIEN

C’est au milieu des gravats, des planches, des tôles froissées et autres effets personnels enterrés sous les décombres que vivent des familles de la cité Bel-Air à Cocody Danga (Est Abidjan), déguerpies le 08 mai par la Société ivoirienne de construction et de gestion immobilière (SICOGI) afin de « développer un projet de rénovation du quartier », selon le directeur général de la société, Bouaké Fofana.

Depuis près de deux semaines, Dimitri et une cinquantaine de personnes dorment à la belle étoile ou sous une bâche à l’entrée de la cité en ruine, depuis le soir du passage des Bulldozers. « Nous dormons ici depuis la destruction de nos maisons, car nous n’avons nulle part où aller », déplore M. Kossobé, un des déguerpis.

Mais ces familles n’ont pas tardé à faire les frais de grosses averses annoncées en cette période de l’année.

Ce sont dans des abris de fortunes, des petites cabanes construit sur les gravats avec des matériaux de récupération (restes de bois, tôle, plafond) meublés de vieux matelas débraillés et sous des hangars dans le proche voisinage que ses derniers, parfois « trempés jusqu’aux os » trouvent refuge.

« Au début nous sommes surtout resté pour surveiller le peu d’affaire que nous avons a pu sauver et qui se trouvait sur le site, mais après le passage de la pluie, il ne nous reste plus rien, alors nous restons, car on ne sait pas où partir, mais aussi pour protester », ajoute Dimitri son sac sur le dos.

Après avoir été informés en 2012, la Sicogi a adressé, en avril, une mise en demeure de 90 jours aux 78 familles qui vivaient sur le site.

Cet exploit de congés devant inspiré le 11 juillet 2018, « nous étions en train de voir dans quelle mesure nous organiser quand le mardi 8 mai des bulldozers et des cargos de policiers sont arrivés pour le déguerpissement. Nous n’avons même pas eu le temps pour récupérer toutes nos affaires. Sous les gravats que vous voyez, beaucoup ont tout perdu », dénonce le premier vice-président du Syndic des habitants du quartier, Gadou Philippe.

A en croire le premier responsable de la Sicogi, ces familles ont été déguerpis dans le cadre d’une opération menée par la société, à la suite d’une décision de justice. Elles avaient souhaité la transformation de leurs contrats de location en contrats de vente, ce que la Sicogi a refusé. Elles ont alors saisi la justice qui a tranché en janvier, en faveur de la Sicogi.

La porte-porole adjointe du gouvernement, Anne Ouloto, à l’issue d’un conseil des ministres, a soutenu que ces 33 familles, ont refusé le protocole d’accord proposé par la société, tandis que 44 ont accepté les mesures d’accompagnement évaluées à 1 million de FCFA comprenant entre autres les frais pour le déménagement, l’abonnement en eau, en électricité.

Mais les victimes persistent à dire qu’il s’agit d’une injustice, car elles n’ont pas été relogées et n’ont pas reçu le montant indiqué d’un million de dédommagements mentionné par M. Fofana.

Les lieux, devenus insalubres et dangereux surtout pour les plus jeunes, leur servent toutefois de terrain de jeu, dans l’ignorance enfantine des soucis de leurs parents.

« Vous voyez les enfants qui ont dû abandonner l’école, parce que non seulement, la plupart des familles qui vivaient ici, sont des personnes sans moyens (financiers), en plus ils n’ont plus de maison », déplore la responsable du Syndic des habitants du site, dame Yedess.

Sous la bâche qui grouille de monde, principalement de femmes et enfants, ces mères de famille se remémorent avec douleur et colère cette fameuse matinée du 08 mai qui leur a pris leur nid familial.

Tandis que certaines font des tresses à leurs enfants, une, allaite son nourrisson, d’autres victimes, l’air grave, s’affairent à déposer leurs dossiers auprès des responsables, espérant recevoir de l’aide pour se reloger ou reprendre leurs commerces.

Le regard lointain et entouré de dossier, la responsable des commerçants sinistrés, Bocanou Odile explique qu’elle a « demandé à ce que tous les commerçants apportent leurs pièces d’identité, la liste de leurs activités qu’ils menaient ici qui ont été détruits et ce qu’ils ont perdu comme bien, pour une action en leur faveur ».

Dans un salon de circonstance aménagé sous la même bâche, ces familles reçoivent quotidiennement des personnes qui viennent s’enquérir de leur situation de bonnes volontés pour faire des dons et journalistes.

Depuis jeudi, les décombres sont en train d’être enlevés, mais les occupants du site ne semblent pas être prêts pour le départ.

« Pour le moment, on n’a pas le choix, on reste là, mais au fur et à mesure, ceux qui trouveront une nouvelle habitation partiront », conclut Dimitri avec beaucoup d’espoir.

Alerte info/Connectionivoirienne.net

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