Montée des eaux à Bassam en Côte-d’Ivoire : L’État prêt à déloger de force les populations

Depuis plusieurs jours, des familles et commerces sont sous les eaux, dans la commune de Grand-Bassam, à cause d’une montée du niveau des eaux de la lagune. Le cojeudi 4 octobre 2018, notre équipe de reportage s’est rendue sur les lieux.

Selon les informations recueillies sur place, cette montée du niveau des eaux de la lagune est due à l’arrivée de grosses quantités d’eaux du fleuve Comoé (le Comoé se jette dans la lagune Ebrié à Grand-Bassam). La lagune qui a commencé à sortir de son lit, a englouti plusieurs résidences dont les habitants sont désormais pris au piège. Il n’y a pour l’heure, aucune perte en vie humaine. Des voies sont coupées et l’eau dont le niveau ne cesse de monter, menace plusieurs autres habitations et édifices. Quatre quartiers sont touchés par ce drame. Il s’agit de Quartier France (Déclaré patrimoine mondial de l’Unesco), Petit-Paris, le Phare et le quartier Odoss. Ce sont les quartiers de la ville, situés en bordure de la lagune Ebrié. Au quartier France, ce sont de dizaine de familles et tenanciers de restaurants qui sont sinistrés. Plus de 1/6e de la superficie de ce quartier qui abrite les édifices coloniaux et l’essentiel des services de l’administration publique, est recouvert d’eau. Plusieurs familles, après des jours d’hésitations, se sont résolues à abandonner leurs maisons pour se reloger chez des parents ou connaissances. «On ne peut plus rester ici. Il arrive très souvent que le niveau de l’eau monte. Mais, cette fois-ci, c’est trop. Il n’a jamais atteint ce niveau. Toute notre cour est inondée. L’eau est même rentrée dans les chambres et dans la cuisine. La situation est intenable. Nous venons ici la journée, mais à la tombée de la nuit, nous sommes obligés d’aller dormir chez notre grand-mère qui habite un peu plus loin dans le quartier. Car, comme vous le constatez, l’eau est partout ici. La situation est intenable. Nous appelons l’État au secours», s’est écriée Kouao Marie Louise.

La Rue “Abissa“ inondée, à quelques semaines du début de la fête

D’autres familles, par contre, refusent de quitter leurs maisons, et préfèrent monter des sacs de sable pour tenter de freiner l’avancée des eaux. «On ne peut pas quitter. Où irons-nous si nous partons d’ici ? Certes, ma cour est envahie par l’eau, mais, comme la maison principale est bâtie sur une fondation en hauteur, l’eau n’est pas encore entrée dans la maison. J’espère que la marée va commencer à descendre dans les heures à venir, afin que nous puissions reprendre notre vie normale. C’est vrai que c’est difficile, mais nous sommes obligés de rester là pour le moment. J’ai mes poulets juste derrière ma maison. Je suis obligé de rester pour empêcher l’eau d’entrer dans le poulailler. J’y ai 180 têtes de poulet. Imaginez ce que je perdrai», a confié Bouady Stéphane, éleveur de volailles, dont la cour est comme en plein milieu de la lagune. Entre autre édifices menacées par les eaux, l’on peut citer la stèle érigée en mémoire des victimes de l’attentat terroriste du 13 mars 2016. Construite à une cinquantaine de mètres de la lagune (à la descente du pont de la victoire), cet ouvrage est presque dans l’eau. Si le niveau de l’eau continue de grimper, nul doute que l’ouvrage sera touché dans les prochains 72 heures. Alors que l’Abissa 2018 est prévue pour se tenir du 20 octobre au 10 novembre 2018, la rue sur laquelle se fait la grande parade (dénommé Rue Abissa) est inondée sur la moitié de sa longueur. La situation est la même dans les autres quartiers cité.
À “Petit Paris“, même la cour du chef du village, Nana Tanoh Kindja a été envahie par l’eau. Selon des résidents, une femme âgée de 98 ans du nom d’Afiba Ephrasie (aveugle et vivant seule) est prise au piège, dans sa maison.

Après une visite d’inspection sur le terrain, le Préfet annonce des mesures sécuritaires

Amankou Kassi Gabin, Préfet de département de Grand-Bassam, au retour d’une visite de terrain effectuée avec les membres d’un Comité de crise mis sur pied pour l’occasion, a dit : « Il y a des actions qui sont en vue pour faire face à la situation. Je viens d’effectuer une visite de terrain pour m’enquérir de la situation. C’est la deuxième visite d’évaluation que j’effectue, vu que le niveau de l’eau a continué à monter. C’est d’abord une façon de leur apporter le soutien du gouvernement. Le ministre de l’intérieur nous a donné des instructions. Pareil pour le ministre de la solidarité qui était avec nous il y a peu, pour s’enquérir de la situation. Ils nous ont demandé de voir les besoins sur le terrain. Après cette tournée, nous allons leur rendre compte. Toutefois, il y a lieu de déplacer provisoirement les populations touchées. Dans l’ensemble, elles refusent de quitter leurs maisons. Mais nous continuons d’échanger avec elles pour les convaincre d’accepter de quitter ces zones inondées. Mais, au final, si la situation ne s’améliore pas, nous serons obligés de les déplacer de force. Les moyens seront dégagés par l’État pour les prendre en charge. Nous ne voulons pas entendre parler de mort dans cette affaire ». Séance tenante, il a donné instruction aux responsables des services techniques de la Mairie, pour lui faire un point exhaustif sur le nombre de personnes touchées et leurs besoins. Et ce, «le plutôt possible».

J-H K

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