La problématique du développement en Côte d’Ivoire: De l’utilité des mairies et des conseils régionaux

Le système administratif ivoirien a besoin d’être modifié parce qu’il est peu productif pour le développement du pays. J’en veux pour preuve le développement des villes et des régions c’est la poussière partout dans le pays si ce n’est la boue. L’on assiste en ce moment à la campagne pour les élections municipales et régionales. Ma question est de savoir à quoi vont servir ces mairies et ces conseils régionaux? D’aucuns me répondront qu’ils serviront au moins à établir les extraits d’actes de naissance, d’autres diront qu’ils vont officier les mariages, etc. Les mairies et les régions devraient faire mieux que cela.

Je ne vois pas de différence entre la Côte d’ivoire de 1960 et celle d’aujourd’hui en matière de développement. Une ivoirienne avec qui nous parlions de ce sujet un jour ma femme et moi ironisait ceci: “ En Côte d’Ivoire, tu retrouveras le caillou que tu as laissé dans un coin de la rue au même endroit vingt ans ou même 50 ans après. Alpha Blondy disait un jour que le développement du pays s’est arrêté depuis la mort d’Houphouët. Tout ceci pour dire qu’on parle de construire les dispensaires, les maternités, les châteaux d’eau, les écoles quand on sera élu maire ou conseil régional. Mais ces messieurs et dames oublient qu’ils n’ont pas et n’auront pas de moyens financiers et matériels pour honorer leurs promesses une fois élus, du moins tout dépendra de leur entrées et sorties avec les tenants du régime.

Certains de ces candidats disent qu’ils ont des contacts à l’extérieur pour faire venir des investisseurs pour développer leurs localités. Bien, mais ce qu’ils oublient ces chers candidats, c’est que tout passe par ces mêmes dirigeants d’Abidjan. C’est eux qui donnent leur agrément pour la réalisation de ceci ou de cela. Pour les plus chanceux leurs investisseurs seront les bienvenus amis moyennant des contreparties au ministère de la justice, du commerce, de l’intérieur, parfois même à la présidence elle même. Les plus malheureux auront leurs projets récupérés simplement pour être réalisés ailleurs ou même mis en poubelle. J’ai beaucoup de preuves de ce que je dis. Pareil pour les dons reçus de l’extérieur. Comment allez-vous les dédouaner, là encore ce sonts eux qui vous emmerderont.

Les moyens qui devraient revenir aux maires et aux conseils régionaux sont concentrés dans les mains du pouvoir central à Abidjan dirigé par un seul homme qui fait la pluie et le beau temps qu’on appelle président de la république sous le couvert du Trésor Public. Le Trésor se contente de leur verser une infime partie pour leur gestion quotidienne. Ainsi, après avoir payé les travailleurs de la mairie, il ne reste pas grande chose pour financer les actions de développement. Le président garde de façon égoïste tous ces moyens sur lui afin qu’il en fasse usage au cas par cas pour sa propre gloire. Le président dispose de plusieurs sources de financement telles que le budget de la souveraineté, le budget de la présidence, sans compter la main-mise directe sur le trésor, etc. Vous entendrez dire le président de la république ou le ministre a fait don d’un château d’eau dans telle localité, a construit un dispensaire ici, a reprofilé les pistes là , etc. Et les populations ignorantes applaudissent ce président ou ces ministres car ils sont très généreux pour elles.

Pourquoi alors organiser les élections municipales et régionales étant donné que c’est le président qui finance directement le développement des régions par des dons? L’autre jour à Koumassi, le Premier Ministre Gon Coulibaly en allant secourir Cissé Bacongo a dit ceci: “Regardez Abobo qui a un plan d’urgence de développement obtenu sous Adama Toungara l’ancien maire et très proches du Président de la République. Si vous votez pour Cissé Bacongo, je promets le développement à Koumassi. En d’autre termes si vous ne votez pas pour Cissé Bacongo, tant pis pour Koumassi, il n’y aura pas de développement. J’ai répondu brièvement à cette boutade mais après je me suis rendu compte que ce n’est pas la faute à M. Gon. Il est né dans ce système présidentiel donc par réflexe naturel tout se fait par rapport aux relations qu’on a avec le pouvoir. Kandia Camara l’a encore confirmé en disant lors de la campagne de demander à tous les candidats qui promettent ceci ou cela s’ils connaissent le Premier Ministre ou le Président de la République car ce sont eux qui donnent les moyens aux régions et aux maires. Si ces candidats ne les connaissent pas et s’ils ne sont pas de notre bord politique où trouveront-ils les moyens pour réaliser les promesses qu’ils font? Voilà qui est clair et c’est comme ça notre système administratif et politique a de tout temps fonctionner. Je ne blâme pas Gon ni Kandia car c’est comme ça que le système qu’ils ont trouvé en place a toujours fonctionné. C’est pourquoi la corruption ne finira jamais dans le pays. Ce sont les relations entre les personnes qui sont en jeu. Le système ne protège pas l’individu du moins il le protège sur une base sélective selon l’appartenance à la région, à l’ethnie, au bord politique ou la religion. Beaucoup d’ivoiriens et d’ivoiriennes sont animés de bonne volonté pour développer le pays, leur région mais le système administratif et politique les empêche de le faire.

Tu n’as pas de relations solides avec le pouvoir en place,sorry for you, you can’t do anything comme disent les Anglais ou desolé pour toi, tu ne pourras rien entreprendre. Et ici mon propos ne s’adresse pas particulièrement au régime en place, non. Ce n’est pas la faute au régime actuel. La Côte d’Ivoire a été de temps temps comme ça depuis 1960 avec tous les Présidents Houphouët, Bédié, Guéi, Gbagbo et maintenant Ouattara. Demain encore un autre président viendra il se comportera de la même manière tant que le système n’a pas changé ou amélioré, donc je me m’intéresse pas aux personnes mais au système en tant que tel. C’est ce système présidentiel dont des êtres humains comme vous et moi abusent parce qu’ils sont Présidents ou ministres que je dénonce. Ce n’est donc pas une affaire de Ouattara ni de Bédié, Gbagbo, Guei, Houphouët et qui d’autre mais ce système administratif non productif. Si le système administratif est changé ou amélioré, les Présidents à venir se conformeront à ce nouveau système mis en place.

Messieurs les dirigeants d’Abidjan n’ayez pas peur de remettre les moyens aux mairies et aux régions. Ils ont besoin de moyens pour mettre du goudron dans leurs villes et régions, ils ont besoin de moyens pour développer leurs villes et régions. Vous, en tant que pouvoir central devrez plutôt veiller au bon usage de ces moyens. En un mot comme en mille, il faut une décentralisation effective de l’administration. La Côte d’ivoire ce n’est pas seulement Abidjan. Même à Abidjan le développement reste à désirer avec les rues sales et non bitumées, l’insécurité, le désordre, le cafouillage total. Ce qu’il faudrait faire c’est d’avoir une planification d’un développement durable nationale orientée sur la décentralisation effective qui rend les régions et les mairies plus ou moins autonomes.

Mettre en place un système qui favorise la compétition entre les régions en matière de développement. Il faut arrêter d’entretenir des actions ponctuelles pour la gloire personnelle du président ou du ministre.parce qu’avec un tel système ou une telle mentalité le développement ne viendra jamais. Nous avons un nombre pléthorique de structures et de ministères qui se marchent sur les pieds donc qui ne fonctionnent pas. Par exemple le Conseil économique et social, la grande médiation, le haut organe de régulation, l’Assemblée nationale qui s’en nuit et le Sénat qu’on vient d’ajouter à ces structures non productives.

Le Nigeria, quoiqu’on dise est un pays que j’admire. Ce pays amorce son système de décentralisation avec succès. Yamoussoukro et Abuja ont été érigées capitales politiques et administratives presqu’à la même décennie des années 70-80. Mais regardez bien Abuja par rapport à Yamoussoukro. Notre soit disant capitale ne serve pas à grand chose et son développement s’est arrêté depuis le décès du président Houphouët. Les USA ont également un régime présidentiel mais la décentralisation est parfaite. Par exemple, le bitumage des rues est à la charge des mairies, l’Etat se charge des grandes routes qui relient les states ou les régions si vous préférez. La sécurité est l’affaire des mairies sauf en cas d’exception ou de nécessité, on a recours aux forces du state ou des forces fédérales.

En conclusion, ce système présidentiel nul que je dénonce doit changer mais l’initiative de ce changement ne viendra sûrement pas du président car il l’entretient jalousement pour sa propre gloire personnelle. Il faut donc un éveil des consciences nationales (société civile, stars, humoristes, musiciens, écrivains, intellectuels de tout bord, leaders d’opinion, etc) afin que les députés s’en saisissent pour monter des projets de lois ou même susciter des modifications dans le sens de réduire les pouvoir du Président de la République et prévoir des sanctions en cas d’abus mem pendant l’exercice de son mandat dans la constitution encore qu’il faut respecter ces lois et cette constitution. On peut bien rester dans le régime présidentiel et être développé pour vue qu’on change de mentalité, qu’on y mette la bonne volonté, qu’on respecte les lois et les structures qui les accompagnent. Il faut des garde fous pour que cesse l’usage abusif de ce régime administratif présidentiel qui est un frein au développement du pays.

Dr. Charles Koudou, Administrateur de la Santé

Consultant en Santé et Développement

USA

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