«Que le nouveau président de la CEI à réformer ne soit pas nommé mais élu…» en Côte-d’Ivoire

Réforme de la CEI

Beaucoup de choses ont été dites sur la réforme de la CEI. On remarquait, surtout, qu’une certaine cacophonie semblait s’installer, quant à savoir s’il fallait y aller, à cette réforme de la CEI, avant les élections municipales et régionales passées, ou avant l’élection présidentielle à venir, alors qu’on n’en est plus à tituber entre aller à cette réforme, ou pas.
Il ne s’agit plus, à la vérité, de tant épiloguer ou de spéculer dans le vide, en tournant en rond, sur la légitimité de la réforme en question. Car elle doit se faire impérativement, mais dans les règles de l’art, c’est-à-dire en toute démocratie, en toute transparence.

Nous l’avions un peu rappelé, le Chef de l’Etat a lui-même, d’ailleurs, tranché, le 6 août dernier, dans son discours de l’indépendance. Il a déclaré officiellement que la réforme de la CEI se fera. Il a, à ce sujet d’importance, exactement dit ceci : « Mes chers compatriotes, j’ai, également, suivi avec attention les divers avis sur le processus électoral, en particulier la composition de la Commission Electorale Indépendante. Je voudrais réaffirmer, encore une fois, que la composition actuelle de la Commission Electorale Indépendante résulte d’un large consensus de tous les acteurs politiques ivoiriens de premier plan, après la crise postélectorale. D’ailleurs, ils y sont, tous, représentés. Cependant, comme le recommande la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, j’ai instruit le Gouvernement à l’effet de réexaminer la composition de la Commission Electorale Indépendante. Je souhaite, en effet, que les prochaines élections soient inclusives et sans violence. A cet égard, je voudrais en appeler à la responsabilité de la classe politique afin que le débat politique soit apaisé. Je l’ai déjà indiqué, tous ceux qui souhaitent être candidats à l’élection présidentielle de 2020 pourront l’être, conformément aux dispositions de la Constitution de la troisième République ».

Ce qu’il faut aussi rappeler à nos mémoires et savoir, est qu’on a eu, jusque-là, affaire à une CEI de crise, qui n’a plus du tout été d’actualité et dont le cadre de compétence est carrément dépassé. Nous estimons que l’objectif de la réforme de cette CEI, c’est de l’actualiser, c’est de pouvoir, in fine, rapprocher, concilier et réconcilier les positions des acteurs politiques au sommet de la pyramide de la République, et celles des Ivoiriens, au bas de cette pyramide, pour vivre pleinement le processus de la normalisation électorale.
Donc, il s’agit de rapprocher, concilier et réconcilier les Ivoiriens autour de la crédibilité et même de l’infaillibilité de cette Institution électorale de la République, regardée comme la pierre angulaire de la prochaine présidentielle.

La Côte d’Ivoire ira donc à cette réforme cruciale, qui s’impose, parce que de là sortira la légitimité, ou non, du prochain Président de la République. Il faut que cette légitimité ne pose pas problème, et qu’elle soit la vitrine de notre démocratie. A cet égard, faire la réforme de la CEI n’est plus vraiment un débat de forme.
Mais le débat qui va se faire, dès maintenant, et auquel il faut faire attention, c’est sur le fond de cette réforme. Parce que l’on sait, qu’en son état actuel, cette CEI a été, tant l’expression, que l’émanation des acteurs du fameux Accord politique de Linas-Marcoussis, dont les relents continuent à peser.
Or, nous n’en sommes plus vraiment là, à ce moment de janvier 2003 où cet accord était pris à l’international (en banlieue parisienne, en France) pour sembler apaiser des tensions conflictuelles qui existaient entre les protagonistes de la crise de septembre 2002.

Nous en sommes aujourd’hui, à un autre virage, qui est celui de l’après-crise et du rapprochement, de la conciliation et de la réconciliation des Ivoiriens qui ne veulent plus d’une autre guerre identitaire et électorale, longtemps après la grave crise politique qui a suscité la prise de l’Accord de Marcoussis.
Comment, donc, se fera la réforme, tant voulue, de cette CEI issue de cet Accord de Marcoussis ?

Nous pensons qu’il il faut rester extrêmement lucides pour aborder cette question qui devra allier recomposition et réforme. L’erreur qu’il ne faut surtout pas faire, serait de laisser cette réforme de la CEI uniquement à la merci et au bon vouloir de l’Exécutif. Si l’intention de l’Exécutif ivoirien n’est pas celle-là, c’est-à-dire que si elle n’est pas unilatérale et qu’elle ne s’impose pas de facto à tous, il faudrait l’applaudir. Car c’est un point capital, puisqu’il s’agit, avant tout, de savoir bien faire les choses et éviter de faire planer, cette fois-ci, les pires récriminations possibles sur la version nouvelle de la CEI.

Même si l’initiative de cette réforme vient de l’Exécutif, il s’agit de donner une crédibilité irréprochable à la CEI réformée, à la nouvelle CEI qui va organiser la présidentielle de 2020.
C’est donc une question nationale. C’est pourquoi, elle devra être discutée de façon nationale et consensuelle, à l’occasion, comme nous le proposons déjà, d’une concertation, ou d’une consultation qui devra être la plus large possible, la plus inclusive qui soit.

Notre point de vue est que cette CEI à réformer ne devra pas uniquement être l’émanation de la volonté de l’Exécutif, mais l’expression même de la Nation ivoirienne, à travers ses forces vives consultées, dont la volonté devra être sérieusement prise en compte.

Mais nous l’avons déjà dit, notre mouvement politique, le Rassemblement des Fiers Ivoiriens (R.F.I.), milite et lutte pour que la volonté du peuple ivoirien soit faite, là où l’on était habitué à regarder l’Exécutif décider, dans sa tour d’ivoire, et faire les choses à sa guise, sous toutes les gouvernances que le pays a connues.
En cela, nous rappelons utilement cette grande réflexion de Nelson Mandela que reprend, presque chaque fois, Claudy Siar sur la radio française RFI : « Tout ce qui est fait pour vous, sans vous, est, en réalité, contre vous ».

Les Ivoiriens devront être pénétrés du sentiment que la réforme de la CEI est faite avec la prise en compte de leur volonté d’ensemble. C’est cela, la philosophie politique que nous mettons, nous, dans le concept de « Fiers Ivoiriens » : que, désormais, nos compatriotes soient fiers de décider, eux-mêmes, de leur destin national et de le donner à traduire en acte (c’est-à-dire à exécuter) à l’Exécutif dont c’est le rôle, et qui est un rôle régalien joué en faisant usage des moyens de l’Etat pour consolider la satisfaction collective.
La nouvelle génération à laquelle nous appartenons, nous, prend cette réflexion de Mandela sur la démocratie, comme parole d’évangile. Bien sûr, nous ferons, bientôt, des propositions concrètes, formalisées et constructives, quant au fond de cette réforme tant attendue.

Mais nous annonçons les couleurs en indiquant déjà que la première de nos propositions, est, d’ailleurs, qu’il faut que le nouveau Président de la CEI à réformer ne soit pas nommé ni désigné par l’Exécutif, mais élu librement au sein même de cette Institution électorale dont la composition devrait se faire strictement par appel à candidatures exclusivement ouvertes aux forces vives de la société civile, étant entendu que nous souhaitons voir cette Institution entièrement débarrassée de représentants politiques, de pesanteurs politiques.
Car, nous estimons que laisser l’Exécutif nommer le Président d’une Commission électorale dite indépendante, enlève déjà tout le caractère d’indépendance à ladite Commission et revient à comprendre que nous serions toujours dans la situation arriérée où le ministère de l’Intérieur organisait les élections générales et se taillait la part de lion aux résultats validés et proclamés par lui, en faveur du régime politique dont il est le démembrement.

Or, un combat politique contre cet état de chose a déjà été mené, depuis 1990, combat qui a produit le résultat démocratique de ne plus laisser le ministère de l’Intérieur organiser les élections générales en Côte d’Ivoire, mais de conférer cette compétence à une Commission électorale indépendante. Cela a été un acquis.

Le fait est, cependant, que les vieilles habitudes politiques revêtues du sceau de l’autocratie ont la peau dure. Tant et si bien que la Commission électorale à laquelle la Côte d’Ivoire a eu affaire (dans ses versions remaniées), a toujours été marquée par ce sceau de pesanteur de l’Exécutif.

On qualifie abusivement cette Commission électorale d’indépendante, alors qu’elle ne l’est pas, en réalité : d’abord parce que le Président de la Commission est exclusivement nommé par le Président de la République, ensuite parce que le même Président de la République, au nom de l’Exécutif, dispose de plus de représentants au sein de cette Commission, que les autres forces politiques et civiles qui y sont représentées, de façon déficitaire.

En effet, sur les dix-sept (17) membres qui composent la Commission centrale de la CEI actuelle, quatre (04) membres sont issus de la mouvance présidentielle, quatre (04) de l’opposition, quatre (04) de la société civile et cinq (05) au titre des Institutions de la République, notamment la Présidence. On voit bien que le problème d’équilibre vient de ces cinq derniers membres qui portent, cumulativement, au nombre de neuf (09), les représentants de l’Exécutif seul, donc exclusivement du Président de la République. C’est donc quelque chose à rectifier absolument.
Il apparaît ainsi tout à fait clair, que cette configuration, à l’occasion d’une réforme en profondeur, ne peut plus continuer à se faire ainsi, si nous attachons, en tout cas, du prix à l’indépendance, à l’autonomie, à la neutralité et à l’impartialité qui seront exigées dans cette réforme.

Le Rassemblement des Fiers Ivoiriens rendra, pour sa part, bientôt publiques ses propositions intégrales sur la Réforme de la CEI, pour contribuer à donner un nouveau visage, fait d’impartialité, et de nouveaux membres autonomes à cette Institution électorale qui ne saurait, dans sa nouvelle version, souffrir de sa non-neutralité chronique.

Sylvain Takoué,
Président du
« Rassemblement des Fiers Ivoiriens (R.F.I.)

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