Côte-d’Ivoire: Les propositions de Hamed Koffi Zarour pour une réforme de la commission électorale

Lu pour vous

Beaucoup a été dit, souvent sans nuances et de façon partisane, sur les imperfections, le manque d’impartialité et la fraude qui pourrait affecter le système électoral en Côte d’Ivoire. Cette situation explique dans une certaine mesure l’abstention d’une partie de l’électorat et le refus du FPI canal historique de participer aux élections jusque-là. Avant la transition démocratique initiée en 1990, les consultations électorales avaient une fonction symbolique, qui servait à légitimer ou renforcer le pouvoir des dirigeants en place. Dès lors, l’absence de réelle compétition avait démotivé les électeurs et candidats potentiels. Depuis la restauration du multipartisme, elles se déroulent dans un contexte tendu, polémique, procédural, passionnel et lourdement conflictuel. Cette situation inédite découle à la fois de l’inexpérience d’une compétition électorale paisible, réellement transparente et équitable, de l’immaturité des jeunes institutions mises en place par la deuxième République de 2000, de l’instrumentalisation de la jeunesse et des masses par les entrepreneurs politiques (tribalisme, démagogie, corruption des votes, populisme), l’insuffisante de formation démocratique des acteurs du processus (électeurs, militants des partis politiques, candidats, personnel d’encadrement des élections), de l’influence politique du Pouvoir sur le système (découpage des circonscriptions électorales), des motivations et critères qui gouvernent à la nomination des arbitres et juges du jeu démocratique (proximité avec le Pouvoir et affinités politiques marquées), et de l’existence de conditions socio-économiques difficiles (analphabétisme, enclavement territorial, moyens de transport, équipement électoral, éloignement des bureaux de vote, etc.).

Néanmoins, le pluralisme politique qui l’anime, leur donne une toute autre signification (libre choix entre diverses formations, programmes politiques et projets de société). Dès lors, le comportement électoral devient une pièce maitresse de notre jeune démocratie en construction. En conséquence, nous ne devons pas nous réfugier dans l’abstention, en ignorant les vertus de l’élection et du droit de vote, dans la construction démocratique de notre jeune Nation. « Ce droit politique fondamental parce que conservateur de tous les autres », pour reprendre la formule de la Cour suprême des États-Unis de 1886, ( Jean du Bois de GAUDUSSON – Cahiers du Conseil constitutionnel n° 13 « Dossier : La sincérité du scrutin » – janvier 2003). N’oublions jamais que les acquis démocratique sont la résultante de âpres combats souvent au prix du sang. Nous ne pouvons plus après ces évolutions, ces luttes, ces efforts, limiter nos choix à une simple confrontation entre personnes, se livrant au clientélisme et à la récupération en surfant sur l’actualité, sans aucun programme. Pour permettre au peuple de véritablement décider de la direction qu’il veut prendre dans l’histoire, et du choix de son avenir, celui-ci doit désormais être mis en situation de pouvoir opter entre des projets de société et des programmes de gouvernement chiffrés. Cette exigence nous invite à une modification de nos comportements politiques vis-à-vis de l’élection, du droit et des institutions arbitrales du jeu politique. Les élections ne sauraient être un gage suffisant de la démocratie, cependant, elles n’en sont pas moins, une condition nécessaire au développement démocratique.

Or, l’organisation des récents scrutins dans notre pays, ont fait apparaître de gros problèmes (2002 et 2010), et ont suscité appréhension et désapprobation en 2015. Dès lors, la source des tensions, voire des ruptures de consensus, qui affectent la vie politique en Côte d’Ivoire, trouve l’une de ses principales origines dans l’organisation des élections et la négation du droit. Pour atteindre les objectifs précités, la Côte d’Ivoire, à l’instar des autres pays africains, s’est doté à son tour d’une institution arbitrale pour appuyer son développement démocratique, dont la mission principale est de superviser et de contrôler le bon déroulement du processus électoral. En Côte d’Ivoire, elle est une autorité administrative autonome, dotée d’une personnalité juridique indépendante, instaurée par la Constitution de 2000, qui en prescrit, les attributions, l’organisation et le fonctionnement.

Ce mouvement historique d’ensemble qui se déroule tant en Côte d’Ivoire que sur tout le continent Africain, permet de constater 4 réalités : 1 – Nous évoluons vers les standards d’une démocratie occidentale que nous n’avons pas encore réussi à ancrer dans nos mœurs sociales et notre culture politique. 2 – Les entrepreneurs politiques africains ne se font pas confiance entre eux-mêmes, et n’ont pas confiance en leurs propres institutions. Cette défiance est à un point tel, que malgré la garantie de neutralité apportée par cette nouvelle institution dans le jeu politique, qui aurait du normalement permettre de fonder une « légitime confiance », nous avons à la place une « légitime méfiance », une sorte de « présomption de malhonnêteté », qui oblige et justifie que les élections africaines soient assistées et encadrées par des organisations et des observateurs extérieurs, qui interfèrent dans le processus, en exprimant leur opinion sur la conduite du processus et la crédibilité des résultats obtenus. 3- Le besoin de cette institution pointe l’absence de fairplay des acteurs politiques, les habitudes de tripatouillage dont ils sont coutumiers dans la conquête, l’exercice, et la conservation du pouvoir, et fait ressortir au grand jour, une mentalité de « mauvais perdant ». 4 – L’extrême lenteur de l’Afrique à s’adapter progressivement aux exigences de la démocratie occidentale, malgré l’acceptation généralisée du principe d’élections pluralistes, libres et transparentes, dénote la forte prégnance de la solidarité ethnique en Afrique .

Aussi, pour ne plus être mise en cause dans la conflictualité politique, l’organisation d’élections crédibles et pluralistes, doivent impérativement permettre de satisfaire pleinement aux standards de la démocratie et de la participation populaire, tels que généralement admis à travers le monde. Pour ce faire, nous devons procéder à une analyse critique du fonctionnement de l’organe chargé de leur bon déroulement en Côte d’Ivoire, avant d’émettre nos propositions. En préalable, nous observons que celui-ci ne se conforme pas au droit, notamment par le maintien de son Président Youssouf BAKAYOKO en violation flagrante des textes. En effet, la loi n°2014-335 du 05 Juin 2014, et la loi n°2004-642 du 14 Décembre 2004, stipulent en son article 9 nouveau, que le président de la CEI est élu pour une période de six (6) ans, non renouvelable, alors que ce dernier a été élu consécutivement deux fois et est en fonction au même poste depuis plus de 8 ans, Il sera précisé que la structure n’a pas changé de personnalité juridique à l’occasion de sa refonte (même personne morale, même fondement légal d’existence). Nous constatons également que le format de la CEI qui résulte, certes, d’un accord assez large de la classe politique n’est toujours pas pleinement consensuel.

Sur la base de ce reproche (insuffisance du caractère équilibré et inclusif de sa composition), une décision de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP), saisie à cet effet par l’APDH, (Action pour la Protection des Droits de l’Homme), est intervenue en date du 18 Novembre 2016. Celle-ci -relève que la CEI, telle que composée, viole le droit des citoyens ivoiriens « d’avoir un organe électoral national indépendant et impartial, chargé de la gestion des élections, prévus par les articles 10 (3) et 17 (1) de la Charte africaine sur les élections » . En conséquence, la Cour a invité l’Etat de Côte d’Ivoire à rendre sa loi électorale conforme aux instruments internationaux, dont la Charte africaine sur les élections. Aussi, le gouvernement à pris sur lui, d’engager des consultations en vue de la réforme de ladite CEI.

Il est indéniable que cette décision porte en elle l’espoir d’un changement pouvant marquer le début d’un processus qui doit permettre la sauvegarde des droits électoraux du citoyen en Côte d’Ivoire, et aux libertés démocratiques fondamentales d’entrer dans l’effectivité. Dans un souci de progrès démocratique, de décrispation politique et de paix sociale, l’opposition doit s’engager pleinement à son tour à participer au processus de cette nouvelle reforme. Le Gouvernement doit faire également l’effort d’obtenir le plus large consensus possible sur cette réforme, en incluant les groupements politiques, non constitués en partis politiques ou non reconnus comme tels par l’administration et la justice. Par ailleurs, la transparence de la CEI et la fiabilité de ses méthodes sont également critiquées, notamment sa lenteur (délai de proclamation des résultats) et ses insuffisances patentes (défaillance dans l’actualisation de la liste électorale sur une base annuelle ou permanente, communication déficitaire ). Dans l’attente, et pour ce faire, nous avançons les propositions suivantes :

PROPOSITION 1: FORMAT ET COMPOSITION DE LA STRUCTURE .

Son organisation s’articule autour de membres permanents formant son Secrétariat, et de membres non permanents. Elle intègre dans celle-ci, non seulement une Commission centrale, mais également des Commissions locales situées au niveau régional, départemental, sous-préfectoral et communal. La Commission Centrale est présidée par un Magistrat professionnel assisté de deux autres magistrats, tous élus par leurs pairs, d’un représentant de chaque chambre du Parlement désignés par leur pairs, de trois représentant de la Chambre des Rois et Chefs traditionnels désignée par elle, et d’un représentant du Gouvernement désigné par le Président de la République, et trois personnes de la société civile, désignées par une convention des associations et ong .

Les représentants des Partis politiques et les candidats non affiliés (indépendants), siègent de plein droit dans les bureaux de vote en cette qualité, pour contrôler les assesseurs chargés des opérations de dépouillement. Ces derniers sont tirés de la société civile et du personnel des mairies locales. Le Bureau de vote est présidé par un représentant de la Commission locale. Il ne peut appartenir de fait ou de droit à un parti politique. Le Procès-Verbal constatant à l’entrée et à la clôture les opérations de vote, est émargé par tous les membres du Bureau de vote. La collecte, la transmission et le traitement des données sont assurés par des moyens électroniques, dont la fiabilité a été préalablement testée et prouvée devant la Commission Centrale et l’Institut National de la statistique, dument constatée par la Chambre des huissiers

D’une part, cette nouvelle disposition permettrait à la fois de faire échec à la fraude, en éliminant les moyens humains du processus de transmission et de traitement des données, et de dépolitiser l’institution en réduisant au maximum le rôle des politiques dans le processus électoral. Cette philosophie d’ordre pratique est contraire à la logique d’équilibre. En effet cette logique paritaire s’oppose en réalité à la stabilité de la structure dans le temps, en raison de l’élasticité et de la variabilité des forces politiques en présence à un moment donné. Les notions d’opposition et de majorité, ne se réfèrent ni à des blocs monolithiques figés dans leurs configurations actuelles, celles-ci -ci sont parfaitement réversibles et évolutives par nature, ni à la place faite aux nouvelles forces qui pourraient faire leur apparition sur la scène politique dans le futur (candidats indépendants, alliances nouvelles et nouveaux partis). Cette dynamique entretiendrait un besoin permanent d’adaptation à ces évolutions, et la rendrait nécessairement dépendante de celles-ci, chacun réclamant une représentativité au sein de la CEI. Couper le cordon ombilical est le mieux, et cela revient à supprimer ce lien organique entre les politiques et la CEI. Nous avons une représentation des différents pouvoirs constitutionnels à côté de la société civile. La représentativité dernière n’est ni l’objet d’une cooptation, ni d’une réputation. Elle sera issue d’un choix démocratique, car la séparation entre société civile et société politique n’a de sens que pour ceux qui veulent y croire.

Cette proposition affirme par ailleurs, le caractère laïc de la République, en n’y associant point les religieux. Leur place est ailleurs. Il convient désormais de sortir du cadre des accords et ententes politiques pour confier l’Institution à des techniciens indépendants, appartenant à différentes disciplines, dont les profils sont à définir par la Loi, pour leur désignation et le recrutement des agents locaux de la CEI, dont la liste doit être publiée. Interdiction leur est faite d’appartenir à une formation politique. C’est une erreur manifeste d’incompatibilité que de vouloir confier le processus électoral aux politiques, dans la mesure où ils ne sauraient être à l’évidence, à la fois acteurs et arbitres ou juge et partie de la compétition et de la vie politique. Ils y transporteraient nécessairement leurs conflictualités, leurs oppositions et leurs querelles, qui paralyseraient le bon fonctionnement de la structure, comme l’expérience l’a démontré lors des élections présidentielles de 2000 et 2010.

D’autre part, cette recomposition a l’avantage de dissiper la suspicion qui pèse trop souvent, à tort ou à raison, sur l’institution, en raison de sa proximité avec le Pouvoir (Représentant du Président de la République et du Président de l’Assemblée Nationale issu le plus fréquemment de la majorité présidentielle) et de la place prépondérante et insuffisamment justifiée qu’occupe l’Administration d’État dans la structure. Dans ce reformatage, l’élimination de la présence de nombreux départements ministériels dits opérationnels (Intérieur, Défense, Économie et finances) dont la nécessité se justifie du seul fait qu’ils offrent des services publics auxquels la CEI recourt, permet un redimensionnement optimal du périmètre même de la mission de la structure (exemple la sécurisation du processus électoral confié à la CEI qui n’en a pas les moyens). En effet, l’État peut tout à fait continuer à fournir ses services techniques sans qu’il ne soit nul besoin d’être associé à la structure avec voix délibérative, alors que le contrôle des moyens mis à disposition de cette dernière et leur mise en œuvre peut se faire de l’extérieur, par le simple fait d’une coopération fonctionnelle ponctuelle. La proposition de cette restructuration est de nature à ramener définitivement la confiance. Dès lors, la CEI se présenterait comme un gage d’impartialité, permettant de croire raisonnablement, qu’il peut assurer la sincérité du scrutin, sous réserve de sa capacité (moyens et compétences), et du support Jurique dont il peut jouir pour accomplir sa mission (les lois électorales). Ce sera l’objet de la deuxième partie de notre proposition.

PROPOSITION N°2

A – OBJECTIFS RECHERCHES : redéfinition de l’étendue du périmètre des attributions et des compétences de la CEI, en adéquation avec l’insuffisance des moyens dont elle dispose pour accomplir sa mission. Consacrer la séparation entre ces deux personnalités morales, que sont l’État et la CEI.

B-CONTRAINTES : Obligation de remplir les tâches qui lui sont confiées par la Loi. Nécessité de recourir aux moyens de l’État pour pouvoir s’en acquitter. Situation qui a pour conséquence d’inclure l’État dans la gestion du processus.
C- MOTIVATIONS ET ANALYSE CRITIQUE : Un autre des aspects faisant l’objet de critiques récurrentes, est relatif à la question juridique des attributions dévolues à la CEI, notamment l’étendue de ses compétences comparativement à sa capacité effective à les exercer. Autrement dit, il y a une inadéquation évidente, entre la faiblesse des moyens dont elle dispose, au regard de sa responsabilité première et directe de conduire l’ensemble des opérations électorales depuis le stade préliminaire de l’établissement des listes électorales jusqu’à la proclamation des résultats provisoires, en passant par le pré-contentieux, et sa capacité technique et logistique à pouvoir conduire effectivement de manière autonome ces opérations. Les moyens pour réaliser la couverture totale de sa mission telle que définie actuellement, appartiennent de manière permanente à l’État. En revanche et paradoxalement, de manière incompréhensible, le découpage électoral est exclu du champ de sa compétence. Dès lors, se pose la difficulté d’assurer l’autonomie du processus électoral d’un point de vue technique, et celui de son interaction avec l’Exécutif, sous le rapport de son indépendance.
D – FAISABILITÉ : Il découle de ce qui précède, deux conséquences logiques. La première est celle de confier l’entière gestion technique du processus à l’État qui dispose des moyens adéquats à cet effet. La seconde est d’éliminer les redondances pouvant apparaître dans le processus (conflit de compétence, surabondance des moyens humains et financiers, etc.), et de réserver tout le processus administratif à la CEI. On aboutirait ainsi, a une division des tâches plus homogène et réaliste.
E – PROPOSITION PROPREMENT DITE : La CEI a pour mission le contrôle et la supervision de toutes les opérations électorales et de vote en Côte d’Ivoire, depuis le découpage électoral jusqu’à la proclamation des résultats des scrutins. Il traite les réclamations pré-contentieuses (explication et enquêtes), le contentieux proprement dit revient à une Juridiction de l’ordre judiciaire et au Conseil Constitutionnel. Le Secrétariat Permanent de la CEI, demande au Gouvernement les moyens logistiques dont il a besoin pour mener ses opérations. Les infrastructures, les équipements et les moyens sécuritaires sont mis à sa disposition par l’État.

PROPOSITION N° 3

A – OBJECTIFS RECHERCHES : Rehausser significativement le taux d’inscription sur la liste électorale par rapport à la population en droit de voter et le taux de participation aux élections par rapport au nombre de votants.
B – CONTRAINTES : Le vote n’est pas une obligation légale en Cote d’Ivoire, mais un droit constitutionnel et un devoir civique et citoyen. Les insuffisances de l’État et de ses démembrements à délivrer aux citoyens les documents nécessaires à l’inscription sur la liste électorale. Il est une évidence, l’établissement des listes électorales et des cartes d’électeur, est lui-même entièrement subordonné à la capacité de l’administration territoriale à délivrer aux citoyens les titres et documents adéquats de l’État-civil.
C – MOTIVATIONS ET ANALYSE CRITIQUE : En 2015, l’élection présidentielle a été boudée, au motif que le format de la CEI était déséquilibré et que sa composition n’étais pas assez inclusive, suscitant à priori une suspicion d’impartialité. En conséquence, celle-ci a été analysée politiquement par le noyau dur de l’opposition, comme étant un processus de validation et de renforcement du pouvoir en place. Cette perception ou cette appréciation, ne repose pas exclusivement sur des stratégies politiques, elles sont aussi liées à l’environnement social, plus précisément à des difficultés de compréhension des mécanismes électoraux par des populations majoritairement analphabètes, mais également à la perception qu’ une partie de l’opinion publique a de la transparence et de la fiabilité de l’élection elle-même. Aussi, le premier aspect à traiter concerne la confection de la liste électorale sur la base d’une méthodologie incontestable et consensuelle. Celle-ci doit être exhaustive, fiable, voire exacte.
D – FAISABILITÉ : Rendre l’inscription sur la liste électorale obligatoire et automatique en Côte d’Ivoire, par une législation répressive et des mesures administratives exigeant la carte électorale pour l’accès à certains services publics , comme du reste, il serait avantageux de l’étendre aux recensement général de la population
PROPOSITION PROPREMENT DITE: Tout citoyen remplissant les conditions requises par le Code électoral pour recevoir la qualité d’électeur, est un électeur potentiel qui a l’obligation d’être inscrit sur une liste électorale, et à une seule, à sa demande. Pour ce faire, il doit justifier de sa nationalité et de son lieu de résidence. La violation de cette obligation constitue une infraction faisant l’objet d’une sanction pénale pour tentative de fraude électorale, en cas de plusieurs inscriptions, et d’une amendes dissuasive en cas de non inscription sur la liste électorale.

PROPOSITION N°4

A – OBJECTIFS RECHERCHES : Combattre la fraude qui peut affecter la liste électorale et y éliminer les erreurs matérielles
B – CONTRAINTES : Absence de bases d’informations sur lesquelles pouvoir s’appuyer pour effectuer un travail d’actualisation. Nous savons que la liste électorale, souvent polémique, doit être actualisée annuellement par la CEI, en y incluant d’office les jeunes qui atteignent l’âge de la majorité et en y retirant ceux qui sont décédés dans une circonscription électorale donnée. Il en va de même des mouvements des personnes, pour celles qui s’y sont installées dans l’année et celles qui en sont parties. On s’aperçoit tout de suite qu’il existe une trop grande marge d’erreur possible (double inscription, erreurs matérielles, fraude), en l’absence de supports pour contrôler la fiabilité des informations.
C – MOTIVATIONS ET ANALYSE CRITIQUE : En 2015, le Premier Ministre Charles Banny, alors candidat à la présidentielle, avait épingler avec des cas concrets des erreurs matérielles, notamment des doubles inscriptions. La CEI se contenta d’une réponse vague et théorique (pétition de principe). Il est évident dans l’absolu, que la liste électorale est affectée de ce type d’irrégularités. Tous les observateurs s’accordent pour considérer qu’elle n’est ni complète, ni entièrement et totalement fiable. La véritable question est d’estimer dans quelle proportion ces irrégularités matérielles existent ? Et quelle est la marge d’erreur que nous considérons comme tolérable ou acceptable pour notre système démocratique ? Elle ne sera jamais égale à zéro. Les standards admis dans les séries statistiques oscillent autour de 1 à 3 %. Exemple : On estime en France, la fraude sur la liste électorale au niveau national, à un million d’électeurs. Tout n’est pas rose, mais tout n’est pas noir non plus. La démocratie est un long cheminement.
D – FAISABILITÉ : Il convient de se doter de moyens de dissuasion (contrôle poussé, sanctions fortes, larges utilisation des moyens électroniques et informatiques) et surtout de banques de données fiables. Il s’agit en l’espèce de pouvoir collecter les informations de base, de les centraliser et de les traiter au niveau de deux banques : un Fichier Central de l’État-Civil et un Répertoire National de L’Electorat. La création du premier fichier à travers une structure d’archivage national, permettra également de combattre la fraude à la nationalité, et de parer à la destruction des documents de base dans les mairies (incendies, inondation, vandalisme, etc;).
Pour la construction de la base de données du Répertoire Électoral National Unique, toutes les structures publiques et privées exerçant une activité sur le territoire national (Fonction Publique, caisses de retraites, entreprises privées, écoles, collèges, lycées, universités, organisations des professions libérales, institutions nationales, chambres des métiers, etc.) devront, sous peine de sanction, transmettre tous les ans la liste nominative de leurs effectifs au Répertoire National Unique. Le Greffe du Tribunal de Commerce et les Chambres consulaires des métiers devront également communiquer leurs répertoires d’immatriculation et d’adhésion pour permettre de déterminer l’assiette des personnes morales privées soumises à cette obligation. Chaque mairie devra transmettre copie de ses registres de naissances et de décès, et le répertoire de leurs contribuables, suivant la même périodicité pour les besoins de l’actualisation du Répertoire National Unique. Enfin, les Ambassades pour les Ivoiriens de l’Étranger et les Forces Armées pour l’affectation de leurs éléments, devront faire pareillement. Ce travail sera recoupé avec la liste électorale actuelle, laquelle sera réajustée, consolidée et complétée par des forums de recensement pour ce qui est du secteur informel.
PROPOSITION PROPREMENT DITE: La création d’un Répertoire Électoral National Unique et permanent cogéré en association avec l’Institut National de la statistique. Les demandes d’inscription seront permanentes. Ensuite, les Commissions électorales locales pourront mettre à jour leurs fichiers uniquement à partir de cette base unique, en exigeant aux nouveaux électeurs la preuve de leur résidence. Enfin, les listes locales seront remontées vers le Répertoire National Unique pour recoupement.

PROPOSITION N°5

A – OBJECTIFS RECHERCHES : Assurer l’autonomie financière de l’Institution et sa stabilité dans le temps.
B – CONTRAINTES : Insuffisance du financement de la vie élective et politique. Celle-ci nous conduit constamment à recourir à l’aide étrangère pour financer nos élections. Cette situation entrave sous certains aspects politiques notre souveraineté.
C – MOTIVATIONS ET ANALYSE CRITIQUE : Comment pouvons-nous, nous doter constamment d’institutions que nous sommes incapables d’animer correctement et de faire fonctionner par nous-mêmes, en ne comptant que sur des bailleurs de fonds extérieurs, pour des opérations liées à la souveraineté ? Notre démocratie doit être auto-centrée sur nos réalités, pour répondre à nos propres besoins et aspirations, plutôt que chercher à satisfaire coûte que coûte à des standards extérieurs, qu’on nous insuffle, dicte ou impose. Il faut sortir des gadgets et des symboles, car le risque est grand, au cas où l’aide internationale arriverait à manquer ou tout simplement à tarir, de rendre inopérant nombre de dispositions normatives, de paralyser certaines institutions et d’entraîner de graves dysfonctionnements dans le processus électoral. Il nous faut impérativement l’alléger et le fluidifier.
Nous devons ensuite chercher dans notre système démocratique, des niches d’économie, car nous avons trop de structures transitoires (CNDS 2007, CPDR 2011, etc.), d’Institutions budgétivores dont l’impact n’est pas démontré (Haute autorité de la bonne Gouvernance, Grand Médiateur de la République, Conseil Économique Social et Environnemental) et de nombreux doublons dans les ministères (l’un chargé du dialogue social et de la réconciliation, l’autre chargé de la cohésion sociale, ou encore des Ministères attachés à la Présidence de la Républiques et les autres attachés à la Primature). Cet état de fait dans une économie démunie, où les besoins primaires et humains des populations ne sont pas satisfaits, constitue une anomalie flagrante, une contradiction inacceptable.
D – FAISABILITÉ : Il convient de prévoir au budget de l’État une dotation annuelle, pour provisionner spécialement le financement de la vie démocratique et électorale, sur fonds propres.
L’abonnement de cette charge prévisionnelle à cette ligne budgétaire permettra de ne pas subordonner la vitalité de notre système électoral à l’aide étrangère, et de mieux maîtriser son coût en rapport avec nos ressources propres, et d’évaluer en conséquence périodiquement la performance du processus dans le développement et l’ancrage de la démocratie.
PROPOSITION PROPREMENT DITE: Le Budget de l’Institution est inscrite au Budget de l’État, au titre du Financement de la vie politique et électorale, lequel est soumis au vote de la représentation nationale.

Conclusion :
Il ne demeure pas moins, que l’organisation et la gestion du processus électoral lui-même, se heurtent indépendamment de la problématique du fichier électoral, à d’autre obstacles qui affectent sa transparence et sa popularité. Dès lors, l’un des objectifs majeurs de la démocratie en construction aujourd’hui en Côte d’Ivoire, ne saurait être réalisé pleinement sans un changement de mentalité, à savoir, l’acceptation des résultats électoraux par les acteurs du scrutin. Ici, comme dans beaucoup de pays africains les défaites électorales sont difficilement acceptées, Il est curieux que ce point ne soit évoqué qu’à l’approche du renouvellement de la compétition. Une fois celle-ci passée, il retombe en désuétude, comme si de rien n‘était.L’approfondissement de la démocratie dépend en Côte d’Ivoire, de la détermination et de la capacité des partis politiques, des acteurs électoraux, des entrepreneurs politiques et de la société civile à exercer leurs responsabilités, avec maturité et un sens aigu de l’intérêt général. Leur comportement a un impact certain, tant sur le jeu politique et électoral, que sur la cohésion sociale de la communauté nationale.
Par ailleurs, son ancrage ne peut se faire qu’en intégrant nos propres réalités (mœurs sociales et coutumes culturelles) dans l’ordre normatif. Ainsi, le dispositif juridique et institutionnel qui encadre la vie politique et électorale, gagnerait à modérer sa trop grande propension à emprunter aux pays développés du monde occidental, des modèles, mécanismes et règles, souvent repris sans évaluation critique suffisante. Cette manière de procéder entraîne des complications pour les professionnels (incohérence dans l’application des lois, divergence dans l’interprétation des textes, confusion de compétences, incertitudes sur la capacité réelle et la volonté des organes chargés de la gestion et de l’animation de la vie politique et publique) et décourage les populations (insuffisance criante de moyens humains, financiers et matériels, et inadaptation aux réalités sociales).
Néanmoins, force est de reconnaître à travers l’histoire que nous avons revisitée sommairement, une évolution, qui atteste d’une modification progressive des comportements politiques vis-à-vis de l’élection et du droit. Il existe un acquis indéniable dans l’acceptation unanime du principe d’élections libres, plurielles et transparentes. Cette nouvelle vision du politique, faite d’exigences et de limites, est un encouragement optimiste pour approfondir la dynamique. Il faut savoir mesurer le chemin parcouru, et ne pas laisser accroire que la violence, la fraude et les altérations à la sincérité du scrutin sont spécifiques à la Côte d’Ivoire et à l’Afrique, ou encore qu’elles sont pires en Côte d’Ivoire qu’ailleurs en Afrique, alors que l’histoire et l’actualité montrent le contraire. Les élections dans les grandes démocraties ne sont pas toujours exemptes de reproches et mêmes de contestations (dysfonctionnements, faible taux de participation, On ne saurait nier objectivement les efforts considérables consentis par le Gouvernement (négociation de consensus, réformes, recherche d’expertise, financements) et ceux déployés par la CEI (formation, missions d’observation et d’études), appuyés en cela par la communauté internationale (partenariats multiples, conférences), pour parvenir à assurer un déroulement transparent, régulier et impartial des élections. Toutefois, d’autres améliorations peuvent encore être envisagées.
En revanche, tant que nous ne sauront pas garantir aux populations des institutions indépendantes, compétentes, intègres et irréprochables, il existera toujours une crise de confiance, entre celles-ci et les Institutions de la République, entre les acteurs politiques entre eux, rendant impossible le nécessaire consensus sur les fondamentaux de notre jeune démocratie en construction. En l’absence de ce socle commun minimal, les institutions ne sont plus véritablement aptes à prévenir, contenir et éviter les crises, comme c’est leur rôle. Cette situation nous impose de nouveaux critères dans la nomination des Présidents d’Institution, et tout particulièrement de l’arbitre et du Juge du système électoral. L’importance de la responsabilité mise à la charge de ceux-ci dans le jeu politique et démocratique n’est plus à démontrer en Afrique, et particulièrement en Côte d’Ivoire, où il ont été à l’origine d’une crise politique majeure (2000) et d’une guerre civile (2010). Dans le contexte d’une transition démocratique et d’une paix encore fragile, les conséquences politiques que peuvent engendrer de telles décisions de nomination, sont disproportionnées par rapport au rôle habituel de ceux-ci dans une démocratie bien établie.

Pour AGIR, le Président
Hamed KOFFI ZAROUR

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