Pédophilie: L’Église catholique brise le silence

Le pape François salue un cardinal à l’ouverture d’un sommet inédit sur les agressions sexuelles au Vatican, le 21 février 2019
© POOL/AFP

Hier, au Vatican, a débuté un sommet sur la pédophilie dans l’Église catholique. Convoqué par le vicaire du Christ (le titre « chef de l’Église » ne doit être appliqué qu’au Christ selon Paul dans Colossiens 1, 18), ce sommet marque indiscutablement un tournant dans l’histoire de l’institution au même titre que le renvoi de l’état clérical du cardinal américain Théodore McCarrick, le 16 février 2019. L’ancien archevêque de Washington avait été reconnu coupable d’abus sexuels.
Pourquoi cette rencontre est-elle une grande première ? Parce que, pendant des décennies, l’Église a été incapable de se remettre en cause et de sévir contre les prêtres et évêques impliqués dans des scandales sexuels. Tout au plus, se contentait-elle de les déplacer. Jamais la Justice n’était saisie pour que les victimes soient écoutées et dédommagées. La raison d’un tel comportement ? L’Église se croyait en dehors de la société ou au-dessus d’elle. Et pourtant, le Concile Vatican II (1962-1965), présenté par certains comme une révolution copernicienne, parle d’une Église qui est dans le monde et chemine avec lui, partageant ses joies et ses peines, ses angoisses et ses espérances (« Gaudium et spes », n.1).

Le pape François voudrait que l’Église ne protège plus les brebis galeuses et qu’elle prenne à bras-le-corps la question des abus sexuels dans l’Église. Tout en saluant cette volonté, on peut souhaiter que le bâton du berger ne frappe pas uniquement les prêtres pédophiles et ceux qui ont femme (s) et enfants car, si le risque de procréation n’existe que pour la sexualité hétérosexuelle, l’homosexualité pratiquée dans plusieurs presbytères et couvents n’en constitue pas moins une atteinte au vœu de chasteté. Les propos de François sur cette question sont sans ambiguïté : « Les homosexuels qui sont déjà prêtres, religieux ou religieuses doivent être incités à vivre intégralement le célibat, et surtout à être parfaitement responsables, en cherchant à ne jamais créer de scandale dans leur communauté ou parmi les fidèles en vivant une double vie. Il vaut mieux qu’ils abandonnent le ministère ou la vie consacrée plutôt que de vivre une double vie. » (http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2018/12/02/97001-20181202FILWWW00102-le-pape-s-inquiete-de-la-mode-de-l-homosexualite.php).

Qu’est ce qui sera décidé lors de ce sommet ? Jusqu’où ira le désir des participants de nettoyer les écuries d’Augias ? Pour notre part, si nous avions un vœu à formuler, ce serait celui-ci : l’Église devrait se pencher aussi sur l’abus de pouvoir et l’autoritarisme de certains prêtres et évêques. Il n’est pas acceptable que des individus, sous prétexte qu’on obéit au Christ en leur obéissant, terrorisent, oppriment et écrasent leurs semblables. Ces pratiques doivent cesser et leurs auteurs doivent être sanctionnés le plus tôt possible car Christ, au nom de qui ces individus prétendent agir, a toujours perçu et exercé le pouvoir, non pas comme une domination, mais comme un humble service.

En invitant 190 évêques du monde entier à réfléchir sur les moyens de lutter contre les abus sexuels, le pape argentin rappelle à l’Église qu’elle est toujours à réformer (Ecclesia semper reformanda est).

La règle de la chasteté dans le célibat sera-t-elle, sinon réformée, du moins discutée un jour par un concile ou un synode quand on sait que l’Église catholique romaine n’a pas toujours exigé que ses prêtres renoncent au mariage ? En effet, le concile de Latran I au XIIe siècle, puis le concile de Trente au XVIe siècle rendirent la discipline obligatoire pour toute l’Église. À mon avis, l’Église ne devrait pas craindre de mettre en débat la question du prêtre et la femme. Le silence sur ce sujet a fait et continue de faire trop de dégâts. Il paraît que Paul VI avait refusé qu’on en discute à Vatican II, ce qui aurait poussé plusieurs prêtres à quitter le ministère dans la foulée de mai 68. Pourquoi l’Église n’agirait-elle pas comme Jésus qui travailla aussi bien avec Pierre (qui était marié) qu’avec Jean (qui ne l’était pas) au lieu d’imposer la chasteté dans le célibat à tous les candidats à la prêtrise comme si c’était la chose la plus importante dans le sacerdoce ? Gustave Martelet, théologien français et expert au Concile Vatican II, soutient, dans « Théologie du sacerdoce », que la mission première du prêtre, c’est l’annonce de l’Evangile. Qu’il soit marié ou célibataire est second et secondaire. Alors, pourquoi continuer à s’accrocher à ce qui est second et secondaire, surtout quand ça ne marche pas pour beaucoup de consacrés ? Pourquoi ne pas faire cohabiter, dans le clergé catholique romain, célibataires et mariés comme cela se passe dans les Églises orientales ?

Jean-Claude DJEREKE

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