L’Afrique, un espace aérien d’un effet multiplicateur

Par Joël Ricci / air-journal.fr

Selon l’Association internationale du transport aérien (Iata), le trafic de passagers en Afrique augmentera de 7,4 % en 2010 par rapport à 2009. Le marché africain, traditionnel chasse gardée d’Air France, attire aujourd’hui de nouvelles compagnies grâce à une croissance du trafic jugée prometteuse sur plus d’une dizaine d’années.

L’offensive Lufthansa
Le groupe Lufthansa (avec Swiss, Austrian, BMI et Brussels Airlines) opère aujourd’hui 38 destinations vers l’Afrique (265 vols hebdomadaires) contre 48 destinations et 490 vols par semaine pour Air France. La compagnie aérienne allemande vient même titiller et sans doute agacer Air France en déployant depuis le 12 septembre un A380 entre Francfort et Johannesburg en Afrique du Sud. « Et des liaisons supplémentaires sont encore prévues », fait savoir le groupe. « La région économiquement très dynamique de l’Afrique occidentale et centrale constitue l’un des axes prioritaires du développement du réseau Lufthansa. Le volume de passagers du continent devrait augmenter de 6% par an jusqu’en 2025, ouvrant des perspectives très prometteuses pour Lufthansa », insiste le porte-parole du groupe. Rien qu’en 2009, Lufthansa a augmenté de 40% sa capacité vers le Nigeria.
Riposte Air France
Air France, qui a déjà fort à faire pour contrer la concurrence des lox cost sur son marché intérieur ou en Europe se voit donc aujourd’hui attaquée par sa grande rivale européenne. Elle prépare la riposte avec son plan baptisé Léopard. Il sera basé sur une augmentation de son offre cet hiver, avec l’ajout de deux nouvelles destinations au Gabon et en Guinée Equatoriale, et le renforcement de ses fréquences sur plusieurs autres lignes.
« Marges supérieures à 70 % pour Air France »
« L’Afrique est un terrain de chasse prometteur, souligne Richard Aboulafia, vice-président du cabinet d’études Teal Group. La recette unitaire (rentabilité attendue par passager) y est surtout beaucoup plus élevée que celle de toutes les autres zones grâce une très faible concurrence ». Selon l’expert, les marges opérationnelles sont de 15 % voire davantage pour les compagnies opérant sur ce réseau, alors qu’elles sont habituellement comprises entre 3 et 5 %. « On sait également qu’Air France fait des marges opérationnelles supérieures à 70% sur une ou deux lignes en Afrique », avance-t-il.
Pas étonnant en conséquence que les compagnies, et pas seulement européennes, voient d’un œil plein d’envie la position d’Air France sur ce marché.

Delta Air Lines poursuit son expansion sur ce continent en ouvrant le 4 septembre dernier une liaison entre Atlanta et Monrovia au Libéria. Pour ne pas être en reste, British Airways, leader dans les pays anglophones, pourrait se rapprocher d’un acteur nigérian afin de profiter elle aussi de cette manne financière, selon Christian Folly-Kossi, ancien secrétaire général de l’Association des compagnies aériennes africaines (Afraa)

Les compagnie du Moyen-Orient

Aujourd’hui, c’est le trafic entre l’Asie et le Pacifique qui connaît une logique de croissance, avec notamment le dynamisme économique apporté par les Chinois depuis 10 ans sur ce continent (infrastructures routières ou ferroviaires, minières…). Elle aura eu comme effet l’installation estimée d’un million de Chinois dans le contient noir et la nécessité de multiplier les échanges aériens. Selon le Financial Times, le trafic entre l’Asie-Pacifique et l’Afrique devrait croître de 9% par an lors de la prochaine décennie. Et Emirates, la compagnie de Dubaï aux dents longues, avec ses A380 commandés en pagaille, lorgne à son tour sur ce marché. Selon Jean-Luc Grillet, directeur général d’Emirates France : « Il y a une certaine logique dans un futur proche pour Emirates de développer son réseau en Afrique ». Car, dit-il, « le meilleur moyen pour aller en Afrique depuis l’Asie (et vice-versa) est de transiter par Dubaï « plutôt que par une capitale européenne. Récemment, la compagnie emiratie a lancé en septembre sa dix-neuvième route africaine Dubaï-Dakar à raison de cinq vols par semaine. Ce vol direct et sans aucune concurrence obéit aussi à une logique économique. Le commerce hors pétrole entre les deux pays a augmenté de plus de 30% en 2009.

Sans faire dans le long-courrier, Air Arabia ,la première low cost en Afrique et au Moyen-Orient, ne cache pas non plus ses ambitions depuis ses hubs nord-africains de Casablanca et Alexandrie. Ainsi depuis Casablanaca, elle dessert 13 destinations en Europe devenant ainsi elle aussi un acteur incontournable sur ce marché.
Les nouveaux arrivants et les acteurs africains
Il ne se passe pas de temps sans qu’une annonce prouve l’intérêt des compagnies pour l’Afrique. Air Oxygène, nouvelle compagnie française se spécialisant sur les vols entre Paris et l’Afrique devrait commencer son activité le mois prochain avec des dessertes des villes d’Abidjan, Bamako, Conakry, Douala, Luanda et Malabo, mais sans doute par la suite Dakar, Cotonou, Ouagadougou et Brazzaville.
La compagnie aérienne française Aigle Azur, très présente sur l’Algérie, a décidé en août dernier, de s’associer avec Air Mali comme partenaires entre les villes de Paris et Bamako.
Et les acteurs africains ? Quelle va être leur part du gâteau ? Pour l’instant, les grands ténors africains que sont les compagnies South African Airways, Egypt Air, Royal Air Maroc, Ethiopian Airlines et Kenya Airways, poursuivent leur développement en dominant leurs concurrentes directes.
Mais de nouveaux acteurs tentent de rentrer dans la valse. En janvier 2010, Asky Airlines, un projet à capitaux privés dont 25 % sont détenus par Ethiopian Airlines, a enfin démarré. Cette compagnie basée à Lomé au Togo, et qui ambitionne de « devenir le premier transporteur régional en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale », a ouvert début mars 2010 quatre nouvelles destinations : Niamey, Douala, Conakry et Freetown. Ces escales s’ajoutent à celles déjà desservies : Ouagadougou, Accra, Bamako, Banjul, Brazzaville, Cotonou, Kinshasa, Libreville, Lomé, N’Djamena et Pointe Noire..
Air Sénégal, qui a plusieurs fois différé son lancement (la dernière pour le 1er septembre de cette année), devrait prendre son envol avant 2011, espère-t-on au Sénégal.
Un autre projet d’initiative africaine est dans les cartons. Air Cemac veut devenir un nouvel acteur régional d’Afrique centrale d’ici la fin 2010.

Et encore… Cameroon Airways Company, nouvelle compagnie aérienne camerounaise, doit lancer son premier vol le 28 mars 2011 entre Douala et Paris. Grâce à l’arrivée progressive de nouveaux Boeing, elle compte aussi exploiter la filière de l’Afrique de l’Ouest et avec des dessertes à Cotonou (Benin), Abidjan (Côte d’ivoire), Bamako (Mali) et Dakar (Sénégal). Sont aussi programmées les dessertes Libreville (Gabon), Malabo (Guinée équatoriale) et une exploitation de la très empruntée ligne de Dubaï et de la Chine.
Air Algérie si elle parvient à résoudre ses différends avec l’Union européenne sur ses normes de sécurité à bord de ses appareils, jugées défaillantes, pourrait bientôt devenir un acteur important en Afrique. Bénéficiant d’un investissement gouvernemental de première importance (950 millions d’euros), elle renouvelle aujourd’hui sa flotte. 7 ATR sont ainsi attendus avant 2011, et la compagnie ambitionne 6 millions de passagers transportés en 2014 contre 3 millions aujourd’hui. Tout simplement le double…

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