La distribution des cartes d’identité réjouit les Ivoiriens

AP Photo/Emmanuel Ekra -

La-Croix.com par Olivier MONNIER, à ABIDJAN

A 23 ans, Flavy Eholy tient entre ses mains la première carte d’identité de sa vie. À peine sortie d’un centre de distribution du Plateau, le quartier d’affaires d’Abidjan, elle observe sous tous les angles ce petit bout de plastique orange au format carte de crédit.

« Cela signifie tellement pour moi, témoigne dans un large sourire cette étudiante en commerce. On l’attendait depuis longtemps, et je n’y croyais plus. Je sais maintenant que je suis reconnue en tant qu’Ivoirienne. » Comme elle, des centaines d’Ivoiriens se pressent depuis quelques jours devant les centres d’enrôlement pour aller chercher ce sésame, symbole d’espoir dans un pays encore divisé. La fierté et l’apaisement se lisent sur les visages.
L’ivoirité au coeur de la guerre civile

Cette procédure administrative qui peut paraître anodine ne l’est pas pour les Ivoiriens. Depuis le coup d’État de 1999, aucune carte d’identité n’a été émise en Côte d’Ivoire. Dans ce pays de forte immigration en provenance notamment du Mali et du Burkina Faso, la question de savoir qui est Ivoirien et qui ne l’est pas – et qui peut voter – a été au cœur de la guerre civile qui a éclaté en 2002, après le putsch manqué de l’ex-rébellion des Forces nouvelles. Elle explique aussi en partie les reports successifs de l’élection présidentielle depuis 2005 – six au total.

René Komenan tient un maquis – bar-restaurant en Côte d’Ivoire – dans le quartier d’Attoban, à Abidjan. Cet homme originaire de Divo, à 200 km à l’ouest de la capitale économique, a attendu plus de cinq heures au centre de distribution de son quartier pour obtenir sa carte, qu’il espérait comme « un bébé que l’on attend depuis dix ans ».
« Ivoirien à cent pour cent »

Ses deux cartes en main, il se dit rassuré. « Cela montre que je suis Ivoirien à cent pour cent, explique-t-il. Pendant la crise, on a dit que beaucoup d’étrangers ont essayé de se faire passer pour Ivoiriens. Quand tu as ta carte, tu n’as plus à t’inquiéter. »

La liste électorale de 5,7 millions d’inscrits, approuvée et certifiée le mois dernier, a ouvert la voie à la distribution des cartes d’identité – en plastique – et d’électeur – en papier – en vue de l’élection présidentielle programmée pour le 31 octobre. « Les élections, je n’y croyais pas vraiment jusqu’à aujourd’hui, s’enthousiasme René. Là, je me dis que l’on va voir le bout du tunnel. »

Guillaume N’Guessan, un lycéen de 20 ans, partage le même avis. « S’ils distribuent les cartes, c’est que les élections vont avoir lieu. Cette fois-ci, c’est la bonne je pense ! », s’exclame-t-il. Sa pièce d’identité, il ne l’a pourtant pas encore. Arrivé à 6 h 30 ce matin-là dans un centre du quartier de Cocody à Abidjan, quelques cafouillages dans l’organisation l’obligent, comme beaucoup d’autres ce jour-là, à revenir le lendemain. « Demain, je serai là à 5 heures, dit-il, étonnamment serein. J’attends vraiment ma carte, ce sera la preuve que je suis un citoyen ivoirien. »
« J’y croirai le jour J »

Au-delà de l’aspect symbolique, de nombreux Ivoiriens – notamment les personnes portant un patronyme du Nord, souvent accusés d’être « de nationalité douteuse » – voient dans la distribution des cartes d’identité la fin de tracasseries policières et administratives. Ces dernières années, les Ivoiriens avaient pour seule preuve d’identité une attestation à renouveler tous les six mois ou tous les ans, au prix de 2 000 francs CFA (3 €).

« La carte est valable dix ans, se réjouit Hyacinthe Kouassi, étudiant en biologie. Cela veut dire dix ans sans devoir refaire ses papiers. » Cela signifie aussi dix ans à s’épargner de nombreuses amendes pour cause de papiers non en règle.

Quant à ce que cela implique dans le processus électoral, Hyacinthe attend de voir, comme pour se préserver. « Bien sûr, c’est une grande fierté. C’est un pas important, mais je reste sceptique, confie-t-il. On a trop attendu, et on a trop été déçu. J’y croirai le jour J, une fois que j’aurai voté. »

Olivier MONNIER, à ABIDJAN

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