Scandale dans le secteur de la santé – Plus d’1 milliard de Fcfa d’équipements médicaux bloqués

Regrettable ce qui se passe sous nos yeux. La Côte d’Ivoire va s’offrir le luxe de perdre un important lot de matériels et d’équipements médicaux d’une valeur de plus d’un milliard de Fcfa aux Etats-Unis. Cela pour des considérations qu’on peine à expliquer. Les faits.

A la faveur de la commémoration des cinquante ans de l’independence de la Côte d’Ivoire, des partenaires américains et ivoiro-américains vivant aux Etats-Unis obtiennent pour l’Ong Birthright West Africa dont le slogan est : « Chaque femme enceinte a le droit de donner naissance et chaque enfant a le droit de naître », un important lot de matériels et équipements médicaux pour soulager les populations ivoiriennes. Ces matériels ont l’avantage de ne pas être vétustes, car dans le système américain à partir d’un temps pas long, les matériels médicaux ne sont plus assurés pour favoriser le renouvellement des stocks et doper la consommation. La présidente de l’Ong est une Ivoirienne du nom de Chantal Ezan Doué, épouse de l’ex-Cema, Mathias Doué. Un nom peut-être politiquement incorrect sous la refondation. Selon des membres de son organisation qui nous ont joints, elle a porté l’information à l’ambassadeur de Côte d’Ivoire aux Etats-Unis qui a exprimé sa joie devant cette acquisition. Toujours selon nos sources, pour garantir la sécurité de l’acheminement de ce matériel et l’effectivité du don une fois sur place en Côte d’Ivoire, Chantal Doué va se tourner vers les autorités locales pour que le matériel arrive au pays pour être distribué dans les hôpitaux qui sont demandeurs en raison de la situation de sous-équipement. Selon les clauses de la convention, le transport et les frais de douane incombent à l’Etat ivoirien, bénéficiaire de ce don. Une lueur d’espoir va venir de la Fondation d’une star du football ivoirien, qui lui adresse un courrier pour engagement et demande de partenariat le 22 septembre 2010. « A la suite de notre dernier contact, nous vous confirmons notre engagement à prendre possession du matériel médical offert gracieusement par votre organisation. Nous réaffirmons notre volonté d’affecter tout ce matériel à la cause sociale identifiée par notre Fondation. Par ailleurs, nous souhaitons mener un partenariat solide avec votre organisation pour nous aider à atteindre nos objectifs sociaux ». Cet engagement, très prometteur, reste malheureusement sans suite. Pendant ce temps, le délai fixé tire vers son terme et si la situation reste en l’état, le don prendra une autre destination à savoir vers un autre pays africain qui ne manquerait pas d’agir avec promptitude pour bénéficier de cette aubaine qui leur est offerte dans l’intérêt de sa population.

Face à cette menace, la présidente de l’Ong relance encore le ministère de la Santé puisque dans un passé récent, le pays à en croire nos sources, a perdu un important lot d’équipement de 600 lits modernes, des ambulances et des véhicules de pompier. Des Ivoiriens ont approché l’entourage d’une autorité ivoirienne pour l’acquisition de ce matériel sans succès. « C’est la première Dame du Gabon, Mme Bongo( juste avant son décès) qui est venue en personne s’acquitter de tous les droits et a emporté le matériel dans son pays au grand dam des Ivoiriens. Puis ce fut le cas du Cameroun. Les donateurs avaient pris la résolution de ne plus octroyer de don à notre pays. Mais en interne, on s’est battu pour l’obtenir afin de remédier un peu à la situation catastrophique de nos hôpitaux. Parce que l’Etat ne peut pas tout faire. Ce qui est en train de se passer est scandaleux », assène un Ivoirien au fait du dossier. Autre difficulté soulevée, selon nos interlocuteurs, est l’argument de la modicité des moyens au niveau du ministère de la Santé. Le transport avoisine les de 48 millions de Fcfa. Pour un conteneur de 40 pieds, nous avons 12 contenaires stockés actuellement aux Etats-Unis, pour une valeur de 1.197.000.000 de Fcfa. Pour eux, le cabinet de la première Dame aurait pu puiser dans son budget de souveraineté pour régler ce problème. Joint au téléphone, Chantal Doué avoue l’existence du don mais refuse d’entrer dans les détails en se contentant de souhaiter qu’une solution rapide soit trouvée à la situation.

Au niveau du ministère de la Santé, après deux jours d’attente, le service de la communication finit par nous déclarer qu’aucun responsable n’a eu vent de ce dossier. Ce que contredisent les documents en notre possession. Nos sources soutiennent que le ministre a été bel et bien saisi. « Il n’a peut-être pas encore le temps de se pencher sur le dossier en raison des élections. Mais le courrier a été déposé à son secrétariat ». Du côté de la Fondation Didier Drogba, la situation n’est pas meilleure. N’ayant pu joindre Guy Roland qui a la charge des affaires de la Fondation de Drogba, nous avons saisi un confrère très proche de la vedette. Trois jours après, nous sommes sans aucune réponse. Les messages laissés par le confrère sur le portable du manager sont restés sans suite. Et déjà, la menace pointe à l’horizon. Déjà, les membres de l’Ong ont reçu le soutien de certains Ivoiriens pour régler tout récemment les frais d’entrepôt qui s’élèvent à 3.000 dollars. Et la situation commence à faire monter la colère au sein de la communauté ivoirienne vivant aux Etats-Unis de plus en plus au fait de la réalité.

Encadré : Quand la politique prime sur tout

La réaction des proches de Drogba Didier et du ministre de la Santé dans cette affaire suscite des interrogations. Visiblement, la figure emblématique du football ivoirien subit d’énormes pressions dans cette affaire, d’où la gêne de son entourage qui, en deux semaines, n’arrive pas à donner une réaction sur la question. Très loin des chapelles politiques, jusqu’à preuve du contraire, l’homme, selon des indiscrétions, fait un effort pour échapper à une prise en otage de certains proches très engagés politiquement. Pour sûr, la crédibilité de sa Fondation risque de prendre un coup, puisqu’en matière humanitaire, les considérations politiques et partisanes ne sont pas de mise. Que dire du ministère de la Santé. Certes on peut arguer à leur niveau le manque de moyens financiers, le ministère a l’un des plus petits budgets au prorata de ce que prévoit la convention de Lagos et au regard du besoin sur le terrain. Mais cette affaire mérite une mobilisation de sa part à l’effet de trouver une solution. Des centaines de millions sont injectés dans des activités ludiques en Côte d’Ivoire qui n’ont aucune incidence sur le bien-être des populations.
Et, avant tout, il s’agit ici d’une violation du droit à la santé des populations et de millions d’enfants. Pour leur intérêt supérieur, aucun clivage ne doit primer. Et c’est scandaleux que l’on prive les populations ivoiriennes de cet important don parce que la présidente de la Fondation qui l’offre s’appelle Chantal Doué. En acceptant de confier les dons à la Fondation Didier Drogba et au ministère de la Santé, l’épouse de l’ex-Cema a fait preuve d’une grandeur d’esprit et d’un patriotisme noble avéré. Elle a mis sa personne au second plan.

Encadré : Le sursaut de la diaspora

A quelque chose malheur est bon. Ce scandale qui se profile à l’horizon a fouetté l’orgueil de la diaspora ivoirienne aux Etats Unis. Certains que nous avons joint dans le cadre de ce dossier, jurent la main sur cœur, de se saigner des quatre veines, pour faire parvenir ce matériel au pays, si l’Etat persiste dans son inertie. Cela est d’autant crucial que le pays, grâce à des ressortissants ivoiriens vivant au pays de l’oncle Sam et l’Ong Birthright Africa, la Côte d’Ivoire va recevoir chaque année un important don de matériels médicaux de bonne qualité pour l’équipement des structures sanitaires du pays. Ils n’entendent pas faire perdre cette aubaine au pays par la faute de certains politiciens qui ne mettent pas au devant les intérêts des populations. Les Ong de droit de l’Homme sont surtout interpellées sur la question.

Mamadou Doumbes

L’Expression

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