Transitions en Afrique de l’Ouest: Ces poudrières qui entourent le Mali

Nouvelle République du Mali

Ce mois d’octobre projettera l’Afrique de l’Ouest sous les feux de l’actualité avec la tenue d’élections pour le moins risquées. Qu’il s’agisse du scrutin référendaire au Niger, du second tour en Guinée Conakry ou du premier tour de la présidentielle en Côte d’Ivoire, il n’est pas exagéré d’affirmer que le Mali est entouré par des poudrières prêtes à sauter.

Elections en Guinée :

Le second tour de la peur

Les premières présidentielles guinéennes resteront sans doute dans les annales des sciences politiques. Pas seulement à cause du fait que c’est la première fois après 52 ans d’indépendance que le pays organise des élections pluralistes et démocratiques. Mais essentiellement au fait que dans les manuels de procédures électorales, on ne verra nulle part un exemple du cas guinéen. En effet, alors que le premier tour a été organisé depuis le mois de juin dernier, nul ne sait à la date d’aujourd’hui si le second tour programmé pour le dimanche 24 octobre prochain aura vraiment lieu. La classe politique ne donne aucun signe de bonne volonté pour boucler cette première phase électorale.

Et pourtant si paraissait si simple. Celui qu’on présentait comme le verrou principal pour des élections sans histoire, le capitaine Moussa Dadis Camara, a sauté pour se retrouver sur un lit de malade au Burkina Faso. Hélas, son successeur, le général Sékouba Konaté ne s’est pas montré encore à la hauteur de l’événement. Pour une large part, la confusion actuelle et le délitement de la Transition lui sont imputables. Il a annoncé sur tous les tons qu’il est pressé de partir. Tout le monde l’a félicité pour cette volonté de céder le fauteuil présidentiel. Mais force est de reconnaître qu’il n’a posé aucun acte pour décanter une situation politique qui lui échappe complètement. Preuve qu’il ne maîtrise plus grand-chose, ses menaces répétées de démissionner et de nommer un président de la République.

Plus sérieusement, les différents reports pour des raisons plus ou moins objectives ont fini par lasser les Guinéens et émousser l’engouement des protagonistes. Ceux-ci semblent s’être installés dans une sorte de guerre des tranchées. L’intransigeance d’Alpha Condé à voir satisfaites ses doléances pour équilibrer les opérations électorales ; l’entêtement jusqu’au ridicule de Cellou Dallen Diallo à exiger le départ du président de la CENI pour cause d’accointance supposée avec son adversaire, sont des faits qui poussent à se demander si les deux finalistes sont vraiment prêts à jouer le dernier round. Comme la peur de perdre a anesthésié la volonté des deux camps qui étaient pourtant prêts à en découdre au lendemain du premier tour. A la date d’aujourd’hui, il semble que le rapport de force a évolué et que le doute a changé de camp. Malgré ses 46% de voix obtenus au premier tour et les 13% de son allié Sidiya Touré, Cellou Dallen Diallo ne semble plus très sûr de la victoire. D’où la nervosité qu’on remarque dans le camp de ses partisans. Quant à Alpha Condé, en vieux roublard de la politique, gagner du temps semble être sa principale carte à jouer. C’est pour cette raison qu’il a multiplié les batailles de procédures et les saisines de la justice au point de semer le trouble dans l’esprit de ses adversaires qui pensaient n’en faire qu’une bouchée.

Le second tour du dimanche est pour le moins incertain. Mais quelle que soit l suite des événements, les observateurs s’accordent tous à dire que le pays pourrait basculer. Il semble que les partisans de Cellou Dallen Diallo et ceux d’Alpha Condé sont prêts à en découdre, à la machette s’il le faut. C’est pour cela qu’il faudra surveiller le scrutin guinéen comme du lait sur le feu. En espérant que la sagesse finira par l’emporter. Croisons les doigts et prions.

Dernière minute :

Notre compatriote Siaka Sangaré aux commandes

Face à la pagaille qui s’est installée et à l’impossibilité de concilier les points de vue des deux camps, le président guinéen, le général Sékouba Konaté, a décidé de nommer notre compatriote Siaka Sangaré à la tête de la CENI. Le général Sangaré résidait depuis 10 mois déjà à Conakry comme expert de l’Organisation internationale de la Francophonie. Celui qui préside la Délégation générale des élections au Mali, a bénéficié du soutien des deux finalistes. Ils espèrent que la nouvelle donne n’aura aucune influence sur la date du second tour. Joint au téléphone, le général Siaka Sangaré compte sur les bénédictions de l’ensemble des Maliens pour sortir grandi de cette nouvelle mission.

Elections en Côte d’Ivoire :

Exorciser la peur

On pourrait presque dire : « Le Nil est enfin arrivé au Caire ». Cette fois-ci, la date semble être la bonne. Entre la fin officielle du mandat de Laurent Gbagbo en 2005 et le choix de la date du 31 octobre, beaucoup a coulé sous le pont. Mais surtout, il y eut un nombre incalculable de dates.

Le début de la campagne électorale le vendredi dernier et son déroulement sans perturbations pour le moment sont des facteurs encourageants. Et à entendre les différents acteurs, tout le monde semble vouloir jouer le jeu et sortir la Côte d’Ivoire de cette grande parenthèse dans laquelle l’ont enfermée les crises multiformes dont la plus dure est sans conteste la rébellion de septembre 2002.

En attendant la date du 31 octobre, chacun des trois ténors (Gbagbo, Bédié et Ouattara) voit midi à sa porte. Mais les observateurs s’accordent tous à reconnaître qu’il y a de fortes chances que Laurent Gbagbo se succède à lui-même. Même mouvementés, les dix ans qu’il a passés au pouvoir lui ont permis de rester en permanence au contact de la population. Mieux, aux yeux de nombreux Ivoiriens, Gbagbo est celui qui a su résister aux Français et qui a donné à la Côte d’Ivoire une respectabilité qu’elle n’avait pas. Dans le même, Bédié et Ouattara sont perçus comme les représentants des intérêts français. Ce qui ne leur enlève ni leur ambitions ni leurs chances de gagner les élections.

Contrairement à la Guinée où le pire peut surgir à n’importe quel moment, la Côte d’Ivoire elle, semble avoir expérimenté la violence. La rébellion de septembre 2002 a été un bon alibi pour vider tous les contentieux interethniques qui n’étaient pas complètement réglés. Ce qui a conduit à des actes de barbaries que personne ne voudrait plus jamais revivre. Il existe comme une sorte d’équilibre de la terreur qui oblige les différents acteurs à ne pas tenter le diable. Mais sait-on jamais. Une rechute est toujours à craindre.

Référendum au Niger :

Le retour des démons

Jusqu’aux arrestations des officiers supérieurs dont le numéro 2 de la junte au pouvoir à Niamey, les observateurs pensaient que la Transition nigérienne se déroulerait sans anicroches. Mais voilà que surgissent des ténèbres, des nuages auxquels personne ne s’attendait vraiment. En attendant d’avoir le fin mot de l’histoire, l’épisode qui a tourné en faveur du général Salou Djibo présenté comme celui qui voudrait que les miliaires se regagnent rapidement leurs casernes, vient rappeler que les Transitions au Niger n’ont jamais été un long fleuve tranquille. De Baré Maïnassara à Mamadou Tanja, pour ne parler que des plus récentes, les transitions nigériennes ont toujours été grosses de tous les dangers et toutes les violences. On se rappelle que Baré Maïnassara, pour avoir confisqué un pouvoir que les militaires avaient promis de rendre aux civils, a été assassiné par ses camarades. Ceux-ci qui sont à la base de presque tous les coups d’Etat à Niamey depuis l’avènement de la démocratie ont été les mêmes à se charger du cas de Mamadou Tanja qui avait pris goût au pouvoir au point de perdre la raison. Et aujourd’hui, ils tiennent à honorer leurs engagements pour organiser des élections démocratiques et remettre le pouvoir aux civils.

Damouré Cissé

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