Côte d’Ivoire – Participation estimée entre 65 et 80%

Par Reuters La Côte d’Ivoire vote pour tourner la page

Tim Cocks et Loucoumane Coulibaly

ABIDJAN (Reuters) – Des millions d’Ivoiriens ont participé dans le calme dimanche au premier tour d’une élection présidentielle historique censée tourner la page d’une décennie de crise et de violences, avec cinq ans de retard sur le calendrier institutionnel initial.

Ce scrutin présidentiel est le premier en dix ans dans un pays coupé en deux depuis une tentative de coup d’Etat en 2002, avec au Nord les rebelles de Guillaume Soro, nommé Premier ministre en 2007, et au Sud les partisans du président Laurent Gbagbo.

La participation était estimée dans la soirée entre 60 et 70% des inscrits. A Abidjan, des scrutateurs faisaient état d’une participation dépassant par endroits les 75%. A Bouaké, la deuxième ville du pays et fief rebelle, un observateur japonais a avancé un taux proche de 80%.

Le premier tour du scrutin, repoussé à six reprises depuis 2005, met aux prises Laurent Gbagbo, l’ancien président Henri Konan Bédié, chassé du pouvoir par un coup d’Etat fin 1999, et l’ex-Premier ministre Alassane Ouattara, qui n’avait pu se présenter à la précédente élection pour cause de « nationalité douteuse ».

En glissant leur bulletin dans l’urne, les trois ténors ivoiriens se sont félicités du caractère jusque-là pacifique du scrutin.

« Je suis heureux qu’aujourd’hui, ce vote se déroule normalement », a déclaré le chef de l’Etat sortant.

« Les élections se déroulent dans le calme. Nous sommes satisfaits », avait auparavant dit Henri Konan Bédié, qui porte les couleurs du PDCI de feu Félix Houphouët-Boigny.

Pour sa part, Ouattara, surnommé « ADO » par ses compatriotes, a déclaré: « Bien entendu, nous demandons que cela se passe dans la paix et que cela conduise également au changement dont les Ivoiriens ont tant besoin. Je voudrais féliciter les forces de l’ordre pour l’encadrement des électeurs. Partout dans le pays, on me signale que les choses se passent bien ».

La plupart des 20.000 bureaux de vote ont ouvert avec un peu de retard dans la matinée et devaient fermer à 17h00 GMT. La commission des élections a décidé de prolonger les opérations de vote pour faire en sorte que chaque bureau reste ouvert pendant dix heures.

Les résultats préliminaires seront annoncés dans les trois jours.

De longues files d’attente se sont formées devant les bureaux de vote installés dans les écoles. Les transports en commun et très peu de taxis circulaient en ce jour de vote à Abidjan, la grande cité lagunaire qui fait office de capitale économique et dont les grands carrefours sont surveillés par des véhicules blindés des casques bleus de l’Onuci.

« Je peux voir que la population vote de façon massive et qu’une paix complète règne dans ce centre de vote et dans tous ceux que j’ai visités ailleurs », a commenté à Abidjan le général Abdul Hafiz, qui commande la force de paix des Nations unies.

RESPECTER LE VERDICT DES URNES

« De nombreux bureaux de vote ont ouvert leurs portes avec du retard pouvant atteindre parfois deux heures parce qu’on ne leur avait pas livré les autocollants (destinées à marquer les urnes) à temps », a expliqué le président de la mission d’observation de l’Union européenne, Christian dan Preda, ajoutant n’avoir été témoin pour le moment d’aucune irrégularité.

Cette élection est jugée essentielle pour permettre au pays de retrouver sa place de « locomotive » économique de la sous-région et de premier producteur mondial de cacao.

Si la campagne électorale s’est globalement déroulée dans le calme et si les échanges entre les candidats ont été moins houleux que prévu, les craintes demeurent de voir voler en éclat les bonnes résolutions dès l’annonce des résultats.

« Les résultats de l’élection seront probablement contestés et le second tour, fixé au 28 novembre, pourrait être repoussé », note Rolake Akinola, experte de l’Afrique de l’Ouest à l’Eurasia Group.

Face aux risques de contestation, le Premier ministre, Guillaume Soro, a appelé samedi les candidats à accepter les résultats (voir ) qui seront annoncés dans les trois jours suivant le scrutin par la Commission électorale ivoirienne (CEI).

A l’approche des élections, les forces de sécurité ont été déployées dans le pays. Policiers et gendarmes sont chargés d’assurer la sécurité dans le Sud tandis que les anciens rebelles sont responsables du Nord qu’ils contrôlent depuis la guerre de 2002-2003.

Environ 9.500 soldats de l’Onu chargés du maintien de la paix, épaulés par la force Licorne française, sont prêts à intervenir en cas de violences.

« Bien sûr qu’il y aura de la violence : quand les gens verront que leur candidat ne l’a pas emporté, ils protesteront. C’est normal », dit Pierre Bai, qui attend patiemment pour voter dans une école d’Abidjan. « Mais je pense que ça ira. Ce dont nous avons besoin maintenant, c’est d’un président élu démocratiquement qui sorte le pays de cette crise. »

Avec Ange Aboa à Abidjan et Charles Bamba à Bouaké; Marine Pennetier, Clément Guillou, Jean-Loup Fiévet et Henri-Pierre André pour le service français

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