Côte d’Ivoire: Une débâcle fondatrice ? (Mahalia Nteby)

Agoravox.fr par Mahalia Nteby

En 1892, Emile Zola écrivait le dix-neuvième et avant-dernier opus de la série Les Rougon-Macquart, La Débâcle. L’annonce des résultats provisoires quasi-complets de l’élection présidentielle ivoirienne aux premières heures du jeudi 4 novembre 2010, entérinant l’effondrement du PDCI, n’est pas sans rappeler la chute de l’Empire décrite par l’auteur, due dans les deux cas aux décisions néfastes prises par un état-major incompétent.

La sortie de route de Konan Bédié au premier tour de ce scrutin historique suscite la réminiscence de la présidentielle française de 2002, qui vit Jean-Marie Le Pen arrivé au 2nd tour, coiffant Lionel Jospin et l’historique parti socialiste au poteau. Alassane Dramane Ouattara, c’est Le Pen en pire. Le visage hideux du repli identitaire, les mains dégoulinantes de sang en plus.

Egorgeur de liberté et de prospérité, Alassane Dramane Ouattara s’autorise aujourd’hui à se poser comme solution au désastre qu’il a créé. Au lieu de rendre compte de ses crimes devant une cour de justice, il se retrouve au deuxième tour de l’élection présidentielle, usurpant la place de challenger, plus naturellement dévolue à Henri Konan Bédié. Passant par pertes et profits les aspirations de paix, de bien-être et de normalité de tout un peuple, qu’il veut diriger à tout prix mais envers lequel il n’a fait preuve d’aucune magnanimité, il a installé les Ivoiriens dans un quotidien de misère, de viol, de mort, de terreur et de ségrégation.

Commettant sa plus lourde erreur stratégique, Henri Konan Bedié s’est acoquiné avec Alassane Dramane Ouattara au sein du RHDP (Rassemblement des Houphouëtistespour la Démocratie et la Paix), créé le 18 mai 2005 à Paris. C’est précisément en scellant cette alliance contre nature avec l’homme à l’origine du coup d’Etat qui mit brutalement fin à son propre mandat à Noël 1999 qu’il entrainera le PDCI dans sa lente descente aux enfers. En effet, ce faisant, N’Zueba poussera beaucoup d’adhérents du vieux parti historique vers la sortie, qui n’ont pas supporté l’idée de cette accointance scabreuse avec celui qui a ouvertement clamé qu’il mettrait leur pays à feu et à sang s’il n’accédait pas à la magistrature suprême, – et qui a exécuté sa menace sans sourciller, avec toutes les conséquences tragiques que l’on connait.

Cependant, comme chez Zola, l’histoire ne se terminera pas forcément sur cette note sombre. La voie royale pour transformer cette déroute électorale en pierre angulaire d’un avenir meilleur viendra du sursaut national dont les électeurs du PDCI sauront faire preuve pour barrer la route au vote et à la politique ethniques d’une laideur sans fin prônés par Dramane Ouattara.

Il ne s’agit pas de stigmatiser ceux qui ont suivi Ouattara dans son entreprise démoniaque. Son électorat, souvent défavorisé et illettré, a été terrorisé, manipulé, conditionné à outrance. Aux kalachnikovs intimidantes des Com’Zones s’est ajouté le mot d’ordre des imams, qui a été assené à l’envi dans les mosquées : celui ou celle qui ne votera pas Dramane s’opposera à la volonté du Tout Puissant. Un véritable lavage de cerveau. Le tribalisme comme solution totale. Toute une population prise en otage, complice volontaire ou non du glissement progressif de l’assouvissement d’une ambition personnelle vers un processus organisé et rationnalisé, en vue de l’anéantissement d’une Nation par petites étapes successives aboutissant à une transgression morale définitive.

Ses alliés politiques, quant à eux, se sont tout simplement laissé berner. La comparaison des résultats dans les régions du Nord et celle du Centre parle d’elle-même : Le score total du PDCI dans le Bafing, les Savanes, le Worodougou et le Denguele est de 21 321 voix pour 476 974 suffrages exprimés, soit 4,47% (ce qui le place en dernière position à chaque fois) alors que le RDR obtient 26 631 voix dans la seule région des Lacs, soit la deuxième place avec 15,35% des suffrages exprimés. Cerise sur le gâteau, Ouattara se permet de rafler la commune de Treichville, bastion historique du PDCI dans Abidjan. Avec des alliés comme ça, pas besoin d’ennemis !

Une partie de l’électorat PDCI sera probablement tentée de choisir l’abstention comme solution le 28 Novembre. En tant que chef, deux options s’offrent à Henri Konan Bedié : se taire et laisser ses partisans choisir en leur âme et conscience. Ou alors, donner un mot d’ordre clair à ses troupes. Chemin de questionnement, de doute, d’indignation, et finalement, chemin de révolte, menant à une éprouvante mais nécessaire réflexion sur l’impact collectif de dérapages individuels. Ce cheminement fut aussi celui que Zola fit traverser à son héros dans la Débâcle : « C’était le rajeunissement certain de l’éternelle nature, de l’éternelle humanité, le renouveau promis à qui espère et travaille, l’arbre qui jette une nouvelle tige puissante, quand on a coupé la branche pourrie, dont la sève empoisonnée jaunissait les feuilles. » A l’aube du passage de témoin à ses héritiers, nul doute que Konan Bedié souhaite rester dans l’histoire comme celui qui a permis à la maison PDCI de renaitre de ses cendres et non comme le pyromane qui l’a menée à sa perte, et la Nation avec. Cela passe nécessairement par la recommandation d’un vote utile, pour la Côte d’Ivoire et donc inéluctablement contre Ouattara.

Mahalia Nteby

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