Lettre ouverte à Venance Konan

Cher Venance Konan, un intellectuel est une personne dont l’activité repose sur l’exercice de l’intelligence. Pas sur la haine. J’ai mal à mon pays en voyant un si brillant écrivain tenir un discours si peu objectif, si peu cohérent.

Vos constats sont justes ; mais vos conclusions, si « abracadabrantesques » que, parfois, les bras m’en tombent !
Il est évident qu’ « une Côte d’Ivoire ouverte sur le reste du monde » vaut mieux qu’ « une Côte d’Ivoire repliée sur elle-même ». Mais quels faits concrets vous permettent d’affirmer que tel candidat plutôt que tel autre présente les meilleurs atouts pour réaliser cette ouverture ? La cartographie électorale du 1er tour tend à prouver le contraire. Réconcilier les Ivoiriens avec les autres est une chose, mais il faut pouvoir d’abord réconcilier les Ivoiriens eux-mêmes. Et ne pas s’appuyer quasi-exclusivement sur une seule communauté. Obama (que vous citez à juste titre) a su fédérer, au moment de son élection, toute l’Amérique. Indépendamment des considérations raciales ou religieuses.

Vous vous interrogez légitimement si « nous allons laisser la FESCI faire ce qu’elle veut de notre école». La réponse évidente est non! Mais quel lien peut-il exister entre l’assassinat injustifiable de Dodo Habib et l’élection de Gbagbo ? Y avait-il en 1991, un lien entre l’assassinat par des étudiants de Thierry Zébié et le Président de la République ou son 1er ministre de l’époque ?

J’ai mal à mes intellectuels quand ils s’enfermement dans une indignation sélective. Quand au lieu d’éclairer leurs concitoyens, ils préfèrent verser dans un condensé d’arrogance et d’insultes. Il faut, selon vous, que nous chassions « Laurent Gbagbo et tous les rapaces de refondateurs du pouvoir », responsables d’une « Côte d’Ivoire où des tricheurs et des malandrins sont des héros ». Oui et après ? Que devons-nous faire de nos autres héros ? Cette Côte d’Ivoire où un étudiant en formation devient 1er Ministre. La Côte d’Ivoire des bidasses promus au grade de commandant. Devrons-nous aussi les livrer à la vindicte populaire ? En réalité, il n’y a pas d’un côté la Côte d’Ivoire de Gbagbo et Blé Goudé. Et de l’autre côté, celle de Ouattara, Bédié ou Soro – dans laquelle vous vous reconnaissez. Il n’y a qu’une seule Côte d’Ivoire, une seule patrie. Avec ses forces et ses faiblesses. Réconcilions-la. Faisons de cette, si belle, Côte d’Ivoire, une véritable Nation.

Les maux de notre société ne datent pas de 2000. Ils ne sont pas le fait d’un seul homme. Je peux vous citer, cher aîné, d’autres exemples. Tel cas de corruption. Tel président fêtant tel nombre de milliards de francs Cfa pendant que le bon peuple joignait difficilement les deux bouts. Tel cas de fraude aux concours. Ou encore tel mouvement élève ou estudiantin endoctriné. L’intellectuel que vous êtes ne peut ignorer toutes les responsabilités, y compris celle de son candidat du second tour. Gbagbo est selon vous coupable d’avoir laissé la rébellion se constituer. La victime d’un vol, il est vrai, peut avoir pêché par imprudence ou par incompétence. Cela n’exclut en rien la responsabilité du voleur.

Je m’arrêterai là. Il n’est plus temps de rappeler incessamment à nos compatriotes les causes de leurs problèmes. Il n’est que temps de trouver les solutions pour en sortir. C’est ensemble que nous devons y faire face. Votre statut de leader d’opinion vous oblige. Evitons donc de souffler sur les braises, si l’on veut ne pas voir notre rêve d’une Côte d’Ivoire apaisée partir en fumée.

Anicet Djéhoury

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